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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Michel, Roger, Bouchard naît le 30 décembre 1913 à Avesnes-en-Val (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), fils de Léon Bouchard, herbager.

Le 16 février 1935, à Sotteville-les-Rouen, Michel Bouchard se marie avec Jeanne Trumel. Ils auront trois enfants : Micheline, née le 22 juillet 1936 (décédée le 6 octobre 2011), Janine, née 23 juillet 1937 et Jean-Michel, né le 16 octobre 1940 (âgé d’un an et une semaine à l’arrestation de leur père).

Au moment de son arrestation, Michel Bouchard est domicilié au Chemin des Sables, à Grand-Quevilly (76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine.

Il est alors manœuvre aux ateliers SNCF des Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen (réparation de locomotives), dans l’atelier 4. Il est entré dans la compagnie le 4 janvier 1937 (n° d’agent : 42945). Cependant, un rapport de police le déclare ouvrier charcutier à l’Économat des Chemins de fer.

Son épouse tient un café-épicerie à Grand-Quevilly, employant Yvonne Jouvin, épouse de Louis. Les couples sont amis.

Michel Bouchard est adhérent de la CGT et membre du Parti Communiste.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Référencé comme ex-communiste, Michel Bouchard est arrêté à son domicile le 22 octobre 1941 par les polices allemande et française, lors d’une grande rafle ordonnée sur Rouen et sa banlieue [2] .

Le 30 octobre 1941, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise) ; n° 1897 dans la liste des « jeunes communistes » internés.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

D’après une signature portée sur un menu du repas de Noël 1941, Michel Bouchard serait alors assigné au bâtiment A2, chambre 8, avec Émile Billoquet, Jean Binard, Honoré Brieu, Albert Champin, Émile Fromentin, Le Dret et Julien Villette.

Entre fin avril et fin juin 1942, Michel Bouchard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Michel Bouchard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45278. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Michel Bouchard se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Michel Bouchard est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il meurt le 24 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, d’épuisement dans les bras de Louis Jouvin.

En septembre 1942, son épouse déclarera aux gendarmes qui viennent arrêter son mari comme « dangereux pour l’ordre public », que la Feldkommandantur (?) l’a avisé dès le 6 juillet du départ de celui-ci pour l’Allemagne.

Michel Bouchard a été homologué comme “Déporté politique” (4-07-1946).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-10-1987).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts SNCF des ateliers des Quatre-Mares de Sotteville-lès-Rouen et, à Grand-Quevilly, parmi les morts en déportation sous la plaque de la rue des Martyrs de la Résistance.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon 30 ans de luttes, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transféré au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 375 et 396.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie (2000), citant : Témoignage de Louis Jouvin (45697), de Grand-Quevilly, 3/2/1990 – Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, p. 2 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – “30 ans de luttes”, brochure éditée par la fédération du PCF de Seine-Maritime, 1964.
- Catherine Voranger, petit-fille de Louis Jouvin (“45697”) ; messages (02-2013).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département, cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Bl à Bu (51 W 411), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 123 (37287/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 228).
- Janine Aubin-Bouchard, fille de Michel Bouchard (message 11-2015).
- Site internet du Groupe Archives des Quatres-Mares (GAQM).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.