Marthe, Raymonde, Guay, dite « Violette », naît le 15 octobre 1911 à Paris 12e, dans une famille de militants communistes. Son père, André Guay, est métallurgiste (plus tard, il sera agent de police), sa mère, Yvonne Barrier, est mécanicienne en fourrure.

Violette grandit à Montreuil-sous-Bois (Seine / Hauts-de-Seine). Après l’école communale et le certificat d’études, elle apprend la mécanographie et la dactylographie. Elle travaille au Crédit Lyonnais puis, jusqu’en mars 1942, à la compagnie d’assurances La Concorde.

Elle est mariée une première fois.

En octobre ou novembre 1937, lors de réunions du Secours populaire français, elle fait la connaissance d’Adrien Hébrard, né le 18 avril 1909 à Paris 12e, ayant adhéré au Parti communiste l’année de leur rencontre. Ils n’ont pas d’enfant.

Mécanicien ajusteur de formation, Adrien Hébrard est veilleur de nuit depuis 1933. Pendant un temps, il a habité au 57, rue Saint-Sauveur, où il est considéré comme un « communiste notoire ».

Au cours de la guerre d’Espagne, Adrien Hébrard part combattre au sein des Brigades internationales. Pendant un temps, il est secrétaire du Comité Paris-Madrid au sein de la 2e section.

En mars 1938, Violette s’installe en qualité de concierge au 1 bis boulevard des Italiens. Son mari est alors employé de nuit au journal Ce Soir, quotidien d’obédience communiste dont le premier numéro est parut le 1er mars 1937. Par la suite (après l’interdiction du journal fin août 1939 ?), Adrien Hébrard sera également nettoyeur de carreaux à son compte.

Le 30 octobre 1939, il est réformé définitif n° 2, décision confirmée le 13 mars 1940.

Le 10 avril 1940, le ministre de l’Intérieur demande aux RG un dossier de renseignement « au sujet de son activité suspecte ».

Pendant un temps, les Hébrard habitent au 12, rue Cadet (9e), qui restera leur domicile légal.

En novembre 1941, Adrien Hébrard rencontre un militant connu avant-guerre à la 2e section, Robert Paquin, employé de banque ou de commerce, qui lui demande s’il accepte de reprendre de l’activité dans la clandestinité. Suite à sa réponse positive, Hébrard est mis en rapport avec un responsable des cadres chargé d’effectuer une enquête à son sujet. Il cesse ensuite toute relation avec Paquin pour être pris en charge par un responsable se faisant appeler « Antoine », lequel lui demande de quitter son domicile et de chercher un autre local. Hébrard trouve un pavillon de trois étages qu’il loue au nom du couple au 23, rue des Thermopyles (14e), quartier où ils sont inconnus. Chaque trimestre « Antoine » lui remet le montant du terme.

À partir du 1er mai 1942, Adrien Hébrard est appointé par l’organisation du parti communiste interdit pour installer et faire fonctionner une imprimerie clandestine. Dans la maison où il vient d’emménager, il imprime des tracts et des brochures sur deux machines à ronéotyper Gestetner. En juin, à la demande d’« Antoine », il loue une remise au 25 rue Lacaze (14e), où il entrepose du matériel nécessaire à cette production (1000 feuilles de stencil vierges y seront découverts).

Antoine le met en relation avec un militant dénommé « Jean » et une femme dénommé « Lucie ». Hébrard ne connait ni l’identité réelle ni l’adresse d’aucun des trois. Lors de rendez-vous fixés à l’avance, « Jean » lui fournit tout le matériel nécessaire à l’impression et reçoit de ses mains les paquets de tracts confectionnés, dont il assure ensuite la répartition. « Lucie » a pour mission de répartir les paquets vers d’autres agents de liaison.

Adrien Hébrard n’assure qu’un rôle d’imprimeur, recevant d’« Antoine » des stencils déjà dactylographiés, prêts à l’emploi. Malgré sa formation, Violette ne s’occupe pas de la saisie des textes. Elle assiste son mari en tenant la comptabilité du matériel qu’il imprime, en en assurant la manutention, ainsi que la répartition et l’empaquetage. Sous le pseudonyme de « Simone », elle maintient la liaison avec « Antoine », « Jean » et « Lucie » quand Adrien en est empêché.

À la suite de l’arrestation de Marcel Cretagne et de Solange Welter, les inspecteurs des brigades spéciales trouvent chez cette dernière divers documents, parmi lesquels une feuille de papier portant trois adresses, dont le 12 rue Cadet, fond de la cour, 3e étage, où Solange Welter déclare qu’elle s’est rendue pour apprendre la sténo-dactylo auprès de la camarade qui y habitait. Qui plus est, Cretagne déclare que le logement a servi de planque à un membre de l’O.S. connu sous le pseudonyme de « Compiègne ». Après de nombreuses recherches des policiers, les Hébrard sont « logés ».

Le 31 octobre 1942, la perquisition opérée au 23, rue des Thermopyles amène a découverte d’un important matériel d’imprimerie : en plus des deux ronéos, cent kilos de papier, quarante-deux stencils dactylographiés, des milliers de tracts avec quatorze intitulés différents (10 000 France d’abord) et quelques centaines de brochures.

Les inspecteurs trouvent également un pistolet automatique Unic de calibre 6,35 mm, rouillé, avec un chargeur contenant quatre cartouches ; arme ayant appartenu au premier mari de Violette, « conservée en souvenir de lui » et n’ayant jamais servi aux actions armées. Ils découvrent aussi une carte d’identité vierge portant les cachets du commissariat de police d’Angers et une photographie de Marthe Hébrard (Adrien admettra qu’il devait lui aussi recevoir un tel « faux »).

Le couple est arrêté et conduit dans les locaux des renseignements généraux pour y être interrogé. Le cloisonnement clandestin a bien fonctionné : « Antoine », « Jean » et « Lucie » ne peuvent alors être identifiés.

Le 7 novembre 1942, le commissaire principal des RG prie le chef du Dépôt près la préfecture de police « de bien vouloir recevoir et maintenir à la disposition des Autorités Allemandes qui les ont revendiqué les nommés » Hébrard.

Violette Hébrard passe six semaines au Dépôt, une semaine à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Le 12 janvier 1943, elle est transférée – seule – au Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, où elle est enregistrée sous le matricule n° 1435.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Violette Hébrard fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris).

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne – sur la commune de Margny – et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille, dont Adrien Hébrard. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Violette Hébrard y est peut-être enregistrée sous le matricule 31832, selon une correspondance pouvant être établie avec le registre des internés du Fort de Romainville. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart coiffée d’un couvre-chef (foulard), de face et de profil. La photo de Violette Hébrard a probablement été détruite ; les rescapés ne l’ont pas identifiée parmi celles retrouvées.

Elle meurt en avril 1943, au Revier de Birkenau. Aucun témoignage, selon Ch. Delbo.

Son mari, Adrien Hébrard, déporté en Allemagne vers le KL Sachsenhausen (matr. 59068) par le même train du 24 janvier 1943, est mort d’épuisement pendant l’évacuation du camp vers Bergen-Belsen.

Les parents de Violette n’ont appris sa mort qu’au retour des rescapées. Ils ont obtenu une pension à titre civil.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 144.
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; dossiers de la BS1 (GB 70, « affaire Hébrard », 08/09-1941.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Livre Mémorial de la FMD, convoi I.74, page 620.

MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 4-05-2015)

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