Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.     Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.     Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.     Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Marie, Marcelle Ferry naît le 6 mars 1918 à Igney (Vosges), fille de Joseph Ferry, 42 ans, ouvrier d’usine, alors mobilisé comme soldat de 2e classe affecté au 2e groupe d’aviation DPTA à l’aérodrome du Plessis-Belleville (Oise), et d’Augustine Mary, 43 ans, manouvrière, son épouse. Marie, dite “Mitzy”, est la dernière née de cinq enfants : avant sa naissance, la famille comptait Maurice, né le 8 octobre 1895 à Moyenmoutiers, Thérèse ou Paulette, née le 8 octobre ou 19 novembre 1905, Georgette, née le 26 janvier 1907, et Alice, née le 14 août, toutes les trois à Igney. Leur père, Joseph Ferry, est envoyé en “congé illimité de démobilisation” le 11 janvier 1919 et “se retire” à Igney.
La famille est si pauvre – le père est alors vitrier (après sa démobilisation ?), la mère femme de ménage – que les parents confient la petite dernière à l’orphelinat de Saint-Genest, tenu par des religieuses : les Sœurs du Pauvre Enfant Jésus.
Mitzy quitte l’institution à l’âge de treize ans pour gagner sa vie. Elle travaille chez les autres, tantôt ici tantôt là, d’une ville à l’autre.
Le 1er avril 1939, à Saint-Ouen (Seine / Seine-Saint-Denis), Marie Ferry, âgée de 21 ans, se marie avec André Charles Vidot, 33 ans, ajusteur.
Le passage de la ligne de démarcation à Moulins
À la fin de 1940, Mitzy est serveuse dans un restaurant de Moulins (Allier) : La Madeleine, rue des Garceaux, en zone occupée. La rivière trace la ligne de démarcation, contrôlée au niveau du seul pont routier de Régemortes (il existe aussi un pont destiné au transport ferroviaire : le “pont de fer”).
Un client du restaurant, qui se fait connaître sous le seul prénom de “Robert”, lui demande d’abord quelques menus services : remettre un paquet à quelqu’un qui se présentera sous tel nom, etc. Puis il l’engage, ou plutôt l’utilise : il s’agit de faire franchir la ligne de démarcation à des prisonniers de guerre, à des juifs qui cherchent refuge en zone libre.
 L’arrestation
En septembre 1941, dénoncée par un nommé “Marcel”, Mitzy est arrêtée par la Gestapo. Emprisonnée à Moulins pendant trois mois – seule en cellule, « boulet aux chevilles » (?) – elle subit cinq interrogatoires au cours desquels elle est battue.
En décembre 1941, elle est transférée à la prison de Dijon (Côte-d’Or).
Le 2 décembre 1942, Marie Ferry est internée au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, où elle est enregistrée sous le matricule n° 1298 ; elle arrive le même jour que trois autres “passeuses” – Jeanne Pennec (1299), Georgette Messmer (1300) et Marcelle Mourot (1301) – et Yvonne Loriou (1295), une parisienne correspondant avec son frère prisonnier de guerre.

Le bâtiment A, vue vers l’intérieur du fort, du côté des cours de promenade clôturées. Photo Mémoire Vive.

Le bâtiment A, vue vers l’intérieur du fort, du côté des cours de promenade clôturées.
Photo Mémoire Vive.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Marie Ferry fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police à Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

TransportAquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [1] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Marie Ferry y est enregistrée sous le matricule 31816. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia ; perspective entre les châlits. © Mémoire Vive.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia ; perspective entre les châlits.
© Mémoire Vive.

Marie Ferry survit aux six premiers mois de Birkenau.

Le 3 août, elle est parmi les survivantes placées en quarantaine dans une baraque en bois située en face de l’entrée du camp des femmes (celles qui ont été envoyées travailler au Kommando agricole de Raïsko étant considérées comme bénéficiant déjà d’une situation protégée). Charlotte Delbo précise : « La quarantaine, c’était le salut. Plus d’appel, plus de travail, plus de marche, un quart de litre de lait par jour, la possibilité de se laver, d’écrire une fois par mois, de recevoir des colis et des lettres. » Néanmoins, cinq Françaises, trop épuisées, y succomberont encore.

Au même moment, les détenus politiques français d’Auschwitz et Birkenau obtiennent le droit d’écrire.

Deux mois après son entrée en quarantaine, atteinte par le typhus, Marie Ferry est envoyée au Revier [2]. Elle survit à la maladie…

En juin 1944, les “31000” de la quarantaine sont renvoyées au travail, mais affectées dans un atelier de couture moins épuisant où elles ravaudent les vêtements laissés par les Juifs « à l’entrée de la douche ». Des fenêtres de cet atelier, elles assistent à l’arrivée des convois de Juifs de Hongrie, débarqués sur une dérivation de la voie de chemin de fer qui se prolonge désormais à l’intérieur du camp.

Après le débarquement allié en France, un nouveau front s’est créé que le courrier ne franchit plus.

Ravensbrück et Mauthausen

Le 2 août 1944, Marie Ferry fait partie des trente-cinq “31000” transférées au KL Ravensbrück où elles arrivent deux jours après ; la plupart étant enregistrée comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando) et assignées à un Block réservé.

Le 2 mars 1945, Marie Ferry est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen, en Haute-Autriche (annexée au IIIe Reich) à environ 22 km de Linz, où elles arrivent le 5 mars après un voyage très pénible.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Ensuite, en les transportant de nuit, on conduit la plupart d’entre elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine (trois “31000” seront tuées sous les bombes).

Le 22 avril 1945, Marie Ferry fait partie des trente “31000” prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall (Sankt Gallen), au sud du lac de Constance, en Suisse alémanique. De là, elles gagnent Paris par le train où elles arrivent le 30 avril. C’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble, c’est le “parcours” le plus partagé.

Saint-Gall, avec, incrusté au fond par photomontage, la barrière calcaire du Säntis (2502 m). On distingue la voie ferrée qui traverse la ville. Carte postale des années 1940, collection Mémoire Vive.

Saint-Gall, avec, incrusté au fond par photomontage, la barrière calcaire du Säntis (2502 m). On distingue la voie ferrée qui traverse la ville.
Carte postale des années 1940, collection Mémoire Vive.

Une revenante

Après son retour, Marie Ferry s’installe dans le Midi. Elle a un fils.

Lé 25 février 1957, son premier mariage est dissous par jugement de divorce prononcé par le Tribunal civil de la Seine.

Le 24 décembre 1965, à Martigues (Bouches-du-Rhône), Marie Ferry se marie avec André Pacette (?).

Après l’avoir rencontrée, Charlotte Delbo raconte : « Elle mène une vie très retirée parce qu’elle est toujours fatiguée. Une malencontreuse piqûre dans la colonne vertébrale l’a laissée infirme. Elle a subi plusieurs opérations dans le ventre et des crises interminables de furonculose. Mais elle est contente : son mari est gentil, elle a une vie aisée. »

Marie Pacette (?) décède à Martigues le 30 juin 1988.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 112-113.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Mairie d’Igney, archives municipales : acte de naissance de Marie Ferry (démarche de Ginette Petiot, 09-2022).
- Archives départementales des Vosges (AD-88), archives en ligne : registre de recrutement militaire de Joseph Ferry, classe 1896, bureau d’Épinal (1R1455), matricule 1946 ; registre d’état civil N.M.D de Moyenmoutiers, année 1875, acte n° 75 (vue 17/30) ; registre d’état civil N.M.D de La Grande Fosse, année 1874, acte n° 24 (vue 13/25) ; registre des mariages de Moyenmoutiers, année 1900, acte n° 14 (vue 3/30) ; registre de recensement d’Igney, année 1906 (6M806-108145), rue des Cités (vue 14/23) ; registre de recensement d’Igney, année 1911 (6M806-108146), 5 rue du Chauffour (vues 14-15/20).
- Archives départementales de Seine-Saint-Denis, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Ouen, année 1906, acte n° 235 (vue 62/235) ; registre de recensement de Saint-Ouen, année 1936, rue Garibaldi (vue 279/285).
MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 27-09-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).