Marguerite, Maria KOTLEREWSKY, née Urgon, vient au monde le 15 février 1903 ; son père travaille à Paris, boulevard Voltaire dans le 11ème arrondissement. Elle rentre dans la même entreprise comme secrétaire.

En 1923, Marguerite Urgon rencontre Nathan Kotlerewsky et l’épouse. Il est d’origine russe et juif. Ils habitent rue Saint-Martin et ont trois enfants : Gisèle, Léon, Jacqueline. Ils ne se soucient pas de religion.

Les lois « raciales »

En 1942, quand les lois « raciales » entrent en vigueur, Marguerite a peur. Elle cherche un curé qui veuille bien lui délivrer des certificats de baptême datés d’avant 1939 pour son mari et ses enfants ; en définitive un pasteur protestant baptise toute la famille et établit des certificats datés de 1937. En juillet 1942, deux frères de Nathan sont pris dans une rafle. Marguerite supplie son mari de partir. Il s’y décide le 2 août 1942. Marguerite reste à Paris avec ses enfants.

Arrêtée sur dénonciation

Le 26 septembre 1942, la Gestapo vient arrêter Marguerite, suite à une dénonciation ; la Gestapo lui dit : « Vous avez été dénoncée comme communiste et comme agent russe, par une Française ».

Les policiers commandent aux deux aînés – Gisèle, dix-neuf ans et Léon, dix-sept ans de se présenter avenue Foch le mardi suivant, 29 septembre, mettent les scellés sur l’appartement et emmènent la mère.

En fin de compte, les enfants décident d’aller avenue Foch, ils n’en sortiront pas…

Marguerite Kotlerewsky est arrivée à Romainville le 21 novembre 1942. Sa fille, Gisèle, la rejoint ainsi que son fils Léon ; il est au quartier des hommes.

Marguerite Kotlerewsky part dans le convoi du 24 janvier 1943 et laisse à Romainville ses deux enfants, Gisèle et Léon…

Auschwitz

Le 16 février 1943, arrive un convoi de juifs de Drancy. Parmi elles se trouve Gisèle. Elle est dans un Block de juives. Au risque d’être battue, elle vient voir sa mère. Et Léon ? Qu’était-il devenu ? « Parti avec nous », disait Gisèle, « mais je ne l’ai plus revu depuis Drancy. »

Charlotte Delbo apporte un témoignage poignant sur la mère et la fille.

Gisèle, a le nez écrasé, l’œil à demi arraché par un coup de cravache que lui a asséné Taube [1] un soir qu’elle sort de son Block pour aller voir sa mère ; elle est morte quelques jours plus tard.

Marguerite Kotlerewsky est morte le 26 février 1943 (le 1er mars, selon l’acte de décès du camp), dix jours après l’arrivée de sa fille.

Charlotte Delbo évoque la Piéta : « Piétas de toutes les statues du monde, cramponnez-vous à vos statues ! Vous n’y auriez plus droit. »

Longtemps après la guerre, la Croix-Rouge leur a fait savoir que Marguerite Kotlerewsky était morte à Auschwitz en juin 1943. Pour Gisèle et Léon, rien. Disparus.

Une famille décimée

Le vieil oncle, deux frères de Nathan, ses deux sœurs et leurs maris, un neveu et une nièce qui avaient l’âge de Gisèle et de Léon, tous pris dans des rafles, sont partis pour Auschwitz.

Seule la nièce est revenue.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 157.