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Ville d’Ivry-sur-Seine, archives communales.

Marcel, Jean, Sallenave naît le 7 mars 1905 à Paris 18e,  au 36 boulevard Barbès à Paris 18e (?), fils de Jacques Sallenave, 42 ans, forgeron, et de Marthe Desainsauflieux, 26 ans, son épouse, domiciliés au 10 rue Labat. Il a un frère, Armand Sallenave, né le 18 décembre 1900 à Paris 10e.

Le 9 janvier 1910, Marthe Sallenave, alors culottière, domiciliée au 4 rue du Mont-Cenis (Paris 18e), décède à l’hôpital Lariboisière (2 rue Ambroise-Paré, Paris 10e), âgée de 30 ans. Marcel est âgé de 4 ans et demi.

Le 4 juillet 1920, Jacques Sallenave, domicilié au 5 passage Dagorno à Paris 20e, décède à l’hôpital Saint-Antoine (184 rue du Faubourg Saint-Antoine, Paris 12e), âgé de 58 ans.

Pendant un temps, Marcel habite avec son frère Armand Sallenave, serrurier, au 5 passage Dagorno, et commence à travailler lui aussi comme serrurier.

Le 10 mai 1925, il est incorporé au 8e régime de Hussards afin d’accomplir son service militaire. Il est affecté dans les Pays Rhénans, en Allemagne. Le 29 octobre 1926, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et revient habiter passage Dagorno.

Le 20 octobre 1928, à la mairie du 8e arrondissement de Paris, Marcel Sallenave épouse (Marie) Catherine Péron, 26 ans, née le 10 octobre 1902 à Brennilis (Finistère). Lui se déclare comme serrurier, elle comme femme de chambre. Ils n’ont pas d’enfant.

À partir du 13 mars 1933, il exploite un débit de boissons dont il est le propriétaire au 63, rue Parmentier à Ivry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-Marne – 94). Ils sont alors locataires au n° 76 de la même rue, rez-de-chaussée côté cour.

Son établissement sert de siège à la cellule locale du Parti communiste. Il est notamment fréquenté par Lise London, qui est officiellement domiciliée avec ses parents dans la cité HBM voisine du 40, rue Marat.

Le 3 septembre 1939, Marcel Sallenave est mobilisé dans l’artillerie (23e R.A.C.).  Après avoir rejoint son affectation à Troyes, il est affecté à Jargny (Yonne), puis à Reuil (Seine). N’ayant pas été fait prisonnier, il est libéré de ses obligations militaires le 14 août 1940.Dans la période d’interdiction du Parti communiste (avant ou pendant l’occupation ?), la police sait que Marcel Sallenave entretient des relations par correspondance avec Louis Bourru (?), condamné à huit ans de travaux forcés pour activités communistes.

À partir de l’été 1940, après la débâcle et l’exode, Marcel Sallenave tente de reconstituer le Parti communiste à Ivry avec Marcel Boyer.

En juin 1941, il est dénoncé comme organisateur d’une manifestation de ménagères au marché d’Ivry-Port, au cours de laquelle a été crié le slogan « Vivent les Soviets ». La police sait que son café sert de lieu de rendez-vous et de boîte aux lettres pour la Résistance. Après que la radio ait annoncé le franchissement de la frontière soviétique par les troupes allemandes, plusieurs habitants des HBM s’y retrouvent pour trinquer à la victoire prochaine, dont Arthur (Gérard) et Lise London, Frédéric Ricol, son frère. En juillet, l’établissement est perquisitionné (“VD”) sans succès ; mais pas son domicile.

En octobre, Marcel Sallenave est peut-être arrêté une première fois par la police française. Il serait alors détenu à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), puis à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94), avant d’être relâché.

Le 9 avril 1942, à 6 heures du matin, il est arrêté par la police française et conduit au dépôt de la préfecture de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Son café est fermé le 17 avril par arrêté préfectoral.

Le 5 mai, il fait partie d’un groupe de 13 « communistes » détenus au dépôt conduits à la gare du Nord « à la disposition des autorités allemandes » et transférés au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont alors disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Marcel Sallenave est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46092 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Sallenave est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 5 août 1942, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Le 6 janvier 1943, il est inscrit sur une liste du Block de chirurgie (n° 21) de l’hôpital.

Marcel Sallenave meurt à Auschwitz le 17 janvier 1943 [2], selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « Hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht).

(aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu)

Le 27 mai 1945, Henri Matthiaud, de Clichy-la-Garenne, écrit à Marguerite Blais d’Ivry-sur-Seine pour lui annoncer la mort de son mari Robert et de son beau-frère Raymond ; il ajoute qu’il est également certain du décès de Marcel Sallenave.

Le 27 juillet 1945, le conseil municipal d’Ivry dénomme rue Marcel-Sallenave l’ancienne rue de la Marne.

L’Association nationale des amis des FTPF établit un certificat de Résistance, signé Henri Mantz dit “Sylvain” et précisant que Marcel Sallenave a été enrôlé sous son « contrôle » (9-9-1946). Il y est simultanément mentionné que le déporté serait mort des suites du typhus ET qu’il aurait été gazé.

L’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance Française (ANACR) délivre une attestation selon laquelle Marcel Sallenave a servi sous les ordres de l’adjudant-chef Georges Jehenne, fusillé (22-12-1952).

Marcel Sallenave est homologué comme “Déporté politique” (1955).

La mention “Mort en déportation” est portée sur son acte de décès (arrêté du 10-12-1997, J.O. du 18-04-98).

Le 9 avril 1944, à Vincennes (Seine / Val-de-Marne), son frère Armand se marie. Il décède le 21 juillet 1969 à Paris 20e.

Catherine Sallenave, sa veuve, décède en mars 1981, âgée de 80 ans.

Notes :

[1] Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel Sallenave, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Ivry, fidèle à la classe ouvrière et à la France, supplément au Travailleur d’Ivry, édité par la section du PCF, à l’occasion du 25e anniversaire de la capitulation allemande ; pages 94 et 110.
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources, notamment policières.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 529.
- Lise London, La mégère de la rue Daguerre, Souvenirs de Résistance, Seuil-Mémoire, avril 1995,  p. 125-126.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?).
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne : fichier du commissariat de circonscription d’Ivry-sur-Seine sur les militants communistes du secteur.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1060.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registres des Block n° 20, 21 et 28 de l’hôpital d’Auschwitz ; acte de décès du camp (2751/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le le 2-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.