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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel Deschamps naît le 8 janvier 1890 à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire – 37), au sud-est de Tours, fils de Marcel Deschamps, 32 ans, ouvrier mécanicien, et de Marie Moreau, son épouse, 27 ans.

Le 2 mai 1914 à Paris 6e, il se marie ; mais le couple se séparera.

Considérant son âge, il devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (n°1264 du bureau de recrutement de Tours – à vérifier…).

À une date restant à préciser, il se met en ménage avec Louise G.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 84, rue Gide à Levallois-Perret [1] (Hauts-de-Seine – 92) ; on lui connaît une autre adresse : 32 rue de Lagny, Paris 20e.

Marcel Deschamps est ouvrier mécanicien dans une usine d’aviation.

C’est un militant communiste.

Le 25 mai 1940, il est « arrêté et envoyé au dépôt (…) pour distribution de tracts ». À une date et dans des conditions restant à préciser (peut-être à l’arrivée des “autorités d’occupation”), il recouvre sa liberté.

Sous l’occupation, la police française considère qu’il participe activement à la propagande clandestine.

Le 6 octobre 1940, Marcel Deschamps est arrêté à Levallois-Perret.

Le 10 octobre, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Marcel Deschamps est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Val-d’Oise – 95), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

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Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. 
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 4 décembre 1940, Marcel Deschamps fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmiles plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire – 49) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. À leur arrivée, les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels une vingtaine de jeunes

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Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Le train les amène à la gare de Clairvaux (Aube – 10) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux.

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Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Le 14 mai, 90 d’entre eux sont transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique – 44), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Marcel Deschamp est de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).

Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris) demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; cet ordre est rapidement exécuté.

Le 26 septembre, Marcel Deschamps est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés, en train via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86), camp ouvert trois semaines plus tôt.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, 
vu du haut d’un mirador. Date inconnue. 
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. 
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), 
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, Marcel Deschamps fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, il est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45461 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Marcel Deschamps est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Marcel Deschamps meurt à l’ “hôpital” d’Auschwitz (Block 20) le 15 août 1942, d’après les registres du camp.

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008).

Sur la grande stèle en forme de tombe érigée dans le cimetière communal de Levallois-Perret par la CGT « en hommage à ses camarades chauffeurs de taxis parisiens… » est inscrit le nom de Maurice Deschamps, membre de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs du département de la Seine : s’agit-il d’un parent ? (à vérifier : Maurice Deschamps, né le 22-06-1906 à Giens (45), déporté le 24 janvier 1943 vers le KL Sachsenhausen, transféré vers le Kommando Heinkel, mort à Schwerin le 3 mai 1945).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60. 
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 4X1. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Etat civil de la mairie d’Esvres. 
- Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude, notamment une liste page 23. 
- Archives départementales d’Indre-et-Loire, recensement d’Esvres, année 1891, (cote 6NUM5/104/012, image 2/62). 
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt. 
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W76, 1W108 (notice individuelle). 
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 66. 
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé). 
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I.74, page 609. 
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; registre de la morgue (matr. 45461). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* (registre de la morgue relevé par la Résistance) ; tome 2, page 221 (20889/1942). 
- Site Mémorial GenWeb, 92-Levallois-Perret, relevé d’Émilie Pessy et de J.C., élèves de 3e5(04-2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-10-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.