- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Marcel, Hyacinthe, Gaston, Couillard naît le 18 juin 1900 à Sanvic (Seine-Maritime [1] – 76), chez ses parents, Stanislas Couillard, 31 ans, journalier, et Marie Follet, son épouse, 29 ans, demeurant au 6, rue de Constantine.
Le 19 février 1934, à Sanvic, Marcel Couillard se marie avec Suzanne Roizet.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 9, rue de la Solitude, à Sainte-Adresse, agglomération du Havre (76). Il est alors veuf avec deux enfants.
Ajusteur, il est mécanicien sur bateaux et inscrit maritime.
À partir de 1922, il travaille pour la Compagnie générale transatlantique.
Supposé communiste, syndicaliste, il est noté comme « meneur de grève sur le vapeur Île-de-France » (s’agit-il bien du grand paquebot du même nom ?) lors du grand mouvement du 30 novembre 1938, ce qu’il lui vaut d’être licencié par son employeur. En décembre, il est embarque sur le Winipeg de la compagnie France-Navigation, bateau qui connaîtra un mouvement « communo-anarchiste » en rade de Valparaiso, au Chili, sans qu’il soit parmi les inculpés lors des poursuites qui ont suivi. Jusqu’en septembre 1939, il est chauffeur-graisseur navigant.
Ensuite, de 1939 à 1941, Marcel Couillard, réformé définitif, est employé aux huileries Desmarais comme conducteur de machines.
Après l’interdiction du Parti communiste, Marcel Couillard transmet à Léon Bellenger les tracts que celui-ci diffuse « tant sur la voie publique qu’à ses camarades de travail ».
Le 21 janvier 1941, Marcel Couillard est arrêté, sur enquête du commissariat spécial du Havre, pour « distribution de tracts dans les queues pour le ravitaillement », avec L. Bellenger, de Sainte-Adresse, et Maurice Granjon. Lors des interrogatoires de police, Marcel Couiilard et Léon Bellenger admettent cette activité de propagande. Pris dans la même affaire, M. Vernichon, du Havre, est arrêté quatre jours plus tard à Bordeaux où son travail l’a amené.
Le 19 mars, le tribunal correctionnel du Havre condamne Léon Bellenger, Marcel Couillard et MauriceVernichon à 13 mois d’emprisonnement chacun pour propagande communiste. Ils sont écroués à la Maison d’arrêt du Havre. La libération de Couillard et Bellenger doit s’effectuer le 27 février 1942, à l’expiration de leur peine, mais ils sont maintenus en détention sous le statut d’internés administratifs en attendant d’être remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci, conformément aux procédures ordonnées dans le « Code des otages ».
Dès le lendemain, 28 février, Marcel Couillard et Léon Bellenger sont transférés par la Feldgendarmeriede la Kreiskommandantur du Havre au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Quand la liste d’otages de son secteur est établie par l’armée allemande, Marcel Couillard est considéré comme « communiste actif ».
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Couillard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45380. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Marcel Couillard.
Il meurt à Auschwitz le 22 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [3].
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-01-1988).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 377 et 400.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie (2000), citant : liste d’otages de Rouen, FK 517, XLI-42, S.-I. n° 51 – Fiche allemande du 6 mai 1942 – Brochure 30 ans de luttes (éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime), p. 53 – Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, 1973 – Liste établie par la CGT, p. 3.
Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet, archives en ligne, registre d’état civil de Sanvic, année 1900, cote 4E 13174, vue 53-54/179, acte n° 137.
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département, cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels (cote 51w410 Aa-Bl), dossier de Léon Bellenger, recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 186 (37050/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 4-05-2014)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :
Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
S’agissant de Marcel Couillard, c’est le 9 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.
Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.