- Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Lucien, Louis, Ludovic, Leducq naît le 7 mars 1899 à Beauchamps (Somme – 80), fils d’Aimé Leducq, 29 ans, domestique, et de Joséphine Folny, son épouse, 25 ans.
Le 26 février 1923, Lucien Leducq est embauché par une compagnie de chemin de fer qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].
Le 27 octobre suivant, à Eu (80), il se marie avec Henriette Lagrange. Ils auront trois enfants.
Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domicilié au 12, rue Nationale à Mers-les-Bains (80) ou au 84, boulevard Thiers à Eu.
Lucien Leducq est alors ouvrier ferreur au dépôt de Mers ou à l’atelier des voitures et wagons de la gare SNCF du Tréport (80). Il est membre du bureau de l’Union locale CGT.
- Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.
Le 23 octobre 1941, il est arrêté par les autorités d’occupation sur son lieu de travail avec quatre autres cheminots (tous dénoncés, selon sa famille). Au total, vingt-quatre personnes de l’arrondissement d’Abbeville sont conduites à la Kommandantur d’Abbeville où elles sont interrogées.
Le lendemain 24 octobre, peut-être après avoir été d’abord rassemblés à la citadelle d’Amiens, ils sont trente-huit du département à être internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Lucien Leducq y est enregistré sous le matricule 1948.
Le 26 décembre 1941, le préfet de la Somme répond à François de Brinon [2], Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, sur les conditions dans lesquelles des habitants du département ont été arrêtés en octobre et internés à Compiègne. Il dresse une liste de treize « personnes qui, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération » à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ; Lucien Leducq est du nombre.
Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Leducq est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Lucien Leducq est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45759, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage publié à ce jour ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Lucien Leducq.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [3]).
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Giobbe Pasini, de Droitaumont (Meuthe-et-Moselle), et René Maquenhen, de Oust-Marest (Somme).
Après la Libération, le Conseil municipal de Mers-les-Bains donne son nom à une rue de la commune.
Son nom (orthographié “Leduc”) est inscrit sur la plaque commémorative dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre 1939 1945 », apposée sur un quai de la gare de Mers-les-Bains.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 379 et 410.
Le Courrier Picard, 6-08-1974
Témoignage de son arrière-petite-fille, Fanny Leducq.
Archives départementales de la Somme (AD 80), Amiens, site internet, archives en ligne ; état civil de la commune de Beauchamps (2E 63/11), année 1899, acte n°2, vue 25/133.
Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon, dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise (cote 970w58).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 703 (31640/1942).
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (cote 0110LM0108).
Site Mémorial GenWeb, 80-Mers-les-Bains, relevé de Didier Bourry (11-2004).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 18-03-2015)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] De Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.
Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur statut “NN”.
La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).
[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.