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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Lucien Guichard naît le 6 novembre 1890 à Paris 18e, chez ses parents, Jules Guichard, 31 ans, cocher, et Eugénie Quélin ou Quétin, 21 ans, domiciliés au 37, rue Letort.

Adolescent, Lucien Guichard est condamné à la “colonie pénitentiaire” jusqu’à sa majorité.

Considérant son âge, il devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (à vérifier…).

Le 7 mai 1923, il est condamné pour abus de confiance.

En 1924, il est employé et habite au 22, rue de l’Hermet à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Le 3 janvier 1924 à Paris 20e, Lucien Guichard se marie avec Anna Fontaine, née le 14 janvier 1895 à Viry-Châtillon (Seine-et-Oise), employée. Son épouse vient habiter chez lui, rue de l’Hermet. Ils auront un enfant.

Le 12 juin 1930, Lucien Guichard fait l’objet d’un rapport de renseignements le présentant comme membre du comité de Saint-Ouen du Secours Rouge International.

Sous l’Occupation, il est déclaré comme gérant de la maison OKE, fabrique de semelles en caoutchouc.

Le 21 octobre 1941, Lucien Guichard subit une perquisition de son domicile à la suite d’une information anonyme parvenue à la direction des Renseignements généraux.

Le 3 novembre suivant, il est arrêté par un policier français dont le statut reste à préciser (commissariat ou renseignements généraux ?). Alors qu’il se trouve en léger état d’ébriété sur la plateforme arrière de l’autobus 73 de la ligne Porte de Neuilly/Mairie de Saint-Ouen, Lucien Guichard interpelle un ancien camarade qui monte dans le véhicule à l’arrêt de la Porte Clichy : « Tiens, voilà Legolvant. » Puis, de façon à être entendu de toutes les personnes se trouvant sur la plateforme : « Nous avons été perquisitionnés tous les deux. Mais nous les aurons, ces enculés-là. Mort aux boches. Vive la France. » Joignant le geste à la parole, il lève le poing et le tient ainsi pendant presque la totalité du parcours jusqu’au terminus de la Mairie de Saint-Ouen. À plusieurs reprises, il dit : « Ils peuvent me fusiller. Je suis français, j’ai assez vécu, je n’ai pas peur. Ils ne m’auront pas, hein, Legolvant ! » À la descente de l’autobus, le policier en civil qui s’y trouvait se fait connaître et l’invite à le suivre. Devant son refus, il emploie la force pour le conduire au poste de police de Saint-Ouen où il est consigné. Quand le même policier le fouille, Lucien Guichard le traite de bandit, de salaud et de bon à rien, ajoutant qu’il devrait avoir honte d’arrêter des Français. Interrogé sur son identité, il répond : « Moi, je t’emmerde ! »

Dès le 5 novembre, le préfet de police signe l‘arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 10 novembre suivant, il est conduit “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Guichard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Lucien Guichard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45636, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Lucien Guichard.

Il meurt à Auschwitz le 1er octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

Il est déclaré “Mort pour la France”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-06-1994).

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

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Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen
et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 407.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne ; extrait du registre des naissances du 18e arrondissement à la date du 8-11-1890 (V4E 7563), acte n° 4842 (vue 8/31) ; registre des mariages du 20e arrondissement, année 1924 (20M 357), acte n° 4 (vue 1/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 700-23543).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 94.
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 409 (33926/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-12-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Lucien Guichard, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.