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Photo anthropométrique prise le 9 avril 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police, Paris.

Louise, dite Anaïse et Nayette, Amand naît le 17 mars 1904 à Iteuil (Vienne), fille d’un employé des abattoirs de Poitiers (86), dans une famille de huit enfants, aux très modestes ressources. Elle passe sa jeunesse à Poitiers dans un milieu pauvre. Elle devient ouvrière dans une usine de chaussures.

Son frère, René Amand, quitte l’école à dix ans et demi, pour devenir boucher, puis métallo.

En octobre 1932 à Poitiers, Louise Amand épouse Marcel, Daniel, Lavigne, né le 4 mai 1907 à Poitiers, électricien. En 1936, celui-ci devient secrétaire d’un syndicat de Poitiers.

La Résistance

Sous l’occupation, le frère de Nayatte, René Amand, membre du parti communiste clandestin, est le premier responsable du Front national [1] à Poitiers.

En juin 1941, quand il est arrêté, le couple Lavigne reprend la relève et la direction du Front national dans la ville (et ils adhèrent au parti communiste).

Ils font évader des résistants emprisonnés au camp de Rouillé.

L’arrestation par une machination policière

Le 25 mars 1942, un homme se présente chez les Lavigne pour passer la ligne de démarcation. Mais le mot de passe est périmé. Nayette, Pour gagner du temps, lui dit que son mari est absent et l’homme s’en va.

Le soir, lorsque Marcel Lavigne rentre à la maison, la police marche dans ses pas. L’homme était un indic. Le couple Lavigne est arrêté.

Après avoir passé trois jours à la Maison d’arrêt de Poitiers, Louise est emmenée à Paris. Elle reste quelques temps au dépôt de la préfecture de police, puis est emprisonnée au quartier allemand de la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), au secret.

Le 24 août, Louise Amand est parmi les vingt-cinq résistantes transférées au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [2] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 670.

Le 21 septembre, Marcel Lavigne est fusillé comme otage au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Hauts-de-Seine).

Le 22 janvier 1943, Louise Lavigne est parmi les cent premières femmes otages qui sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies.

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir.

Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Louise Lavigne est enregistrée au camp sous le matricule 31669. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes anthropométriques de la police allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Louise Lavigne a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Louise meurt à Birkenau vers le 25 mars 1943.

Charlotte Delbo rapporte différents témoignages de ses compagnes quant à sa mort.

La préfecture de la Vienne a reçu un avis officiel du camp, peut-être transmis à Madame Lavigne, belle-mère de Nayette.

La famille

René Amand, frère de Louise, a été déporté à Auschwitz, où il est mort le 14 août 1942, abattu par un gardien SS.

Alphonse Rousseau, un oncle du côté Lavigne, est également mort à Auschwitz.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 173 et 174.
- Liste des photos d’Auschwitz « identifiées de camarades non rentrées », Après Auschwitz, bulletin de l’Amicale, n°17 septembre-octobre 1947, page 3.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Serge Klarsfeld et Léon Tsevery, Les 1007 fusillés au Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs, Association des fils et filles des déportés juifs de France, mars 1995.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 30-10-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[2] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).