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Auschwitz, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oswiecim, Pologne. 
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Né le 30 avril 1903 au Havre (Seine-Maritime [1] – 76). Il est le quatrième d’une famille de onze enfants. Gravement blessé au pied droit à l’âge de six ans, les orteils sectionnés, il passe dix-huit mois à l’hôpital. Il sera exempté de service militaire.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 8, rue Ernest-Lefèvre au Havre, dans le quartier de l’Eure, jouxtant le port entre les bassins Bellot et de l’Eure. Il est fiancé. Il travaille dans une tréfilerie (Tréfileries et Laminoirs du Havre, à Graville ?), puis dans un chantier naval d’où il est licencié en 1922 pour fait de grève. Après une longue période de chômage, on le retrouve à la Compagnie Générale Transatlantique (la Transat), employé comme charpentier.

Adhérent de la CGTU en 1922, il crée une section syndicale à la Transat en 1926, appartient au Conseil syndical CGTU, puis CGT, du Havre.

Le 9 mai 1936, avec la direction – alors unitaire – du syndicat des Métaux, il organise la première grèveavec occupation d’usine en France, dans les ateliers des avions Bréguet (hydravions [2]), suite au licenciement de deux ouvriers – Triboulet et Vachon – grévistes le 1er mai. Les grévistes menacent, si la police municipale intervient pour les expulser, de se retrancher et de se battre dans l’atelier où un prototype est mis au point. Après négociations, les deux délégués sont réintégrés avec paiement de leurs journées perdues et les journées d’occupation furent payées à l’ensemble des grévistes, ce qui est une première. Le succès ainsi obtenu lance cette forme d’action dans tout le pays. Politiquement, il se définit lui-même comme « un communiste sans carte ».

Après la signature du pacte germano-soviétique, la majorité réformiste et anarchiste de la section CGT du Havre obtient la dissolution de la section syndicale de la Métallurgie, dont il est le secrétaire général.

Réformé à cause de son pied, il est mobilisé civil à Fécamp sur un chantier de marine où il “échoue” à son examen de charpentier (son métier !). Il est alors envoyé à Honfleur, mais au bout d’une semaine arrive la débâcle militaire. Il traverse l’estuaire et rentre au Havre, où il organise bientôt un système de ravitaillement informel.

En août 1940, il réoccupe la permanence du syndicat des Métaux du Havre, au 32 rue Fulton – siège également du syndicat des marins – parallèle à la rue E.-Lefèvre. Dans la même période, après une manifestation dans les rues du Havre pour obtenir qu’une allocation d’attente soit versée aux démobilisés sans ressources, il rencontre le sous-préfet avec Louis Richard et un autre ancien délégué syndical. Lui et ses camarades obtiennent l’autorisation de faire paraître dans la presse un communiqué afin que les travailleurs démobilisés viennent à la permanence chercher des informations pour régler leur situation. C’est ainsi qu’avec Gaston Mallard, Louis Richard, et Eugène Thépot, il reconstitue le syndicat des métallos sous la forme autorisée (“légale”). Parallèlement, il développe l’action clandestine : réseau de propagande, formation de groupes dans les entreprises. Il est homologué RIF à la date du 1er mars 1941.

En avril 1941, il est convoqué à Paris, au siège de la Fédération des Métaux, où le dirigeant pétainiste l’accuse de faire paraître des tracts le traitant d’hitlérien et le met en garde. Louis Eudier récuse l’accusation.

La permanence du syndicat de Métaux du Havre est perquisitionnée presque tous les jours par le commissaire de police du quartier de l’Eure. Le domicile de Louis Eudier, chez ses parents, est également fouillé, sans succès. La police allemande elle-même le convoque pour interrogatoire. Le 9 juillet 1941, leSyndicat des Travailleurs de la Métallurgie du Havre est dissout et ses biens mis sous séquestre. Des scellés sont apposés sur le local.

Le 12 juillet vers 11 heures, des militaires allemands viennent arrêter Louis Eudier à la permanence du syndicat des marins et le conduisent d’abord dans le local de la Gestapo, rue Hippolyte-Fenoux, pour un interrogatoire. Jugé rapidement par le Tribunal de grande instance du Havre comme « secrétaire d’un syndicat communiste », il est condamné en application des décrets de septembre 1939. Avec Mallard, Richard et Thépot, il passe de la maison d’arrêt du Havre (rue Lesueur) à celle de Rouen, la prison Bonne-Nouvelle.

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Rouen, la prison Bonne-Nouvelle. 
Carte postale des années 1900.

Dans le deuxième semestre de l’année 1941, les mêmes sont remis aux autorités d’occupation et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise – 60). En octobre ou novembre, Louis Eudier se tourne vers deux militants du Havre qu’il connaît, Georges Plongenven et Jules Le Troadec, pour demander son adhésion au Parti communiste clandestin, dirigé dans le camp par Georges Cogniot. Celui-ci accepte et Louis Eudier intègre un “groupe de trois” (un “triangle”) avec Mallard et Richard. Georges Cogniot les fait désigner aux cuisines pour garantir une distribution équitable de la nourriture.

Dès le 8 décembre 1941, Louis Eudier figure sur une liste de 28 communistes à « transférer vers l’Est », établie par la Feldkommandantur de Rouen.

Le 7 mars 1942, alors que trois camarades – Corentin Cariou, Léopold Réchossière et Pierre Rigault -partent pour être fusillés, son petit groupe des cuisines, dont Georges Cogniot et Henri Le Gall, commence à entonner une Marseillaise reprise par les autres détenus rassemblés et qui fait venir des habitants de Compiègne aux abords du camp.

En juin 1942, Louis Eudier est – avec d’autres – chargé de la surveillance des gardiens et des mouchards lors du creusement du tunnel d’évasion [4]. Afin de ne pas perturber cette évasion collective, il demande àJean Tarnus de différer l’évasion individuelle que celui-ci préparait.

Le samedi soir de l’évasion collective, c’est Louis Eudier qui fait sauter les plombs pour plonger dans l’obscurité la salle de théâtre des détenus où a lieu une représentation, créer la confusion et ainsi permettre aux futurs évadés de rejoindre le magasin de l’électricité d’où part le tunnel qui conduit à l’extérieur du camp.

Lors de la dernière commission allemande de la fin juin 1942, Louis Eudier est définitivement sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Louis Eudier et Arthur Fleury, d’Harfleur, décident de rédiger un message commun pour prévenir leurs familles respectives de leur départ « vers l’Allemagne ». Enfermé dans une boîte à fromage et jeté sur le ballast, aux bons soins des cheminots, celui-ci sera acheminé à ses destinataires.

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Les deux wagons à bestiaux 
du Mémorial de Margny-les-Compiègne, 
installés sur une voie de la gare de marchandise 
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Eudier est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45523. Ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Louis Eudier est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Là, il est assigné au Block 15 A, dirigé par un communiste allemand qui donne des conseils de survie aux arrivants.

Ne pouvant pas utiliser la claquette en bois attribuée aux détenus, Louis Eudier marche sur le moignon de son pied droit. À son chef de Block qui l’interroge au retour d’une journée de travail, il dit qu’il s’agit d’une blessure de guerre. Celui-ci l’envoie se coucher et le Bockführer SS laisse faire, une fois informé de cette version. Louis Eudier reçoit ensuite une vieille paire de chaussures.

Couchant près de Jean Gros, il voit celui-ci s’épuiser rapidement.

Louis Eudier est affecté à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres), dans un atelier où on adapte à des skis récupérés dans toute l’Europe des ferrures correspondant aux souliers militaires allemands. Il s’y livre à un discret mais dangereux sabotage. Quelques semaines après, il est affecté à un Kommando de charpentiers pour la construction de bâtiments.

Après le travail, il rencontre d’autres “45000” – Le Troadec, Richard, Thépot, de Seine-Maritime, et aussiRoger Abada et Gaston Aubert… – anciens militants qui se font mutuellement confiance et qui mettent en place un début d’organisation clandestine. Ils cherchent d’abord des informations fiables sur le déroulement de la guerre, essaient d’organiser la solidarité en trouvant des suppléments de nourriture pour les plus faibles et en remontant le moral des défaillants. Louis Eudier figure sur la liste de l’organisation française de Résistance à Auschwitz établie par Roger Abada immédiatement après sa libération.

Puis Louis Eudier est assigné au Block 18 A, où le chef de Block est un “droit commun” qui, avec son adjoint et les Stubendienst se montre particulièrement violent avec les autres détenus.

En décembre 1942, Louis Eudier tombe du haut de l’échafaudage où il travaille et se fait une entorse à la cheville gauche qui l’empêche de marcher. Son kapo, qui par ailleurs frappe constamment les détenus juifs, le masse sans succès, puis fait venir une voiture qui le conduit à l’infirmerie. Le médecin-major SSqui sélectionne les admissions lui demandant où il a perdu les orteils du pied droit, Louis Eudier – n’ayant plus grand chose à perdre – fait répondre par l’interprète qu’il a été blessé à la guerre.

C’est ainsi qu’il est accepté au Revier, où ce “statut” d’ancien combattant lui vaut d’échapper plusieurs fois à la sélection des malades inaptes au travail. Il est d’abord installé dans une salle de malades atteints de la dysenterie provoquée par le typhus. Ayant contracté cette maladie, il reste inconscient au moins 24 heures, caché par un médecin polonais qui lui donne quelques médicaments.

Vers la fin février 1943, sa présence prolongée au Revier commençant à irriter le major SS, il « rentre au camp », plus faible qu’avant ; ses camarades sont très surpris de le retrouver en vie.

Il est assigné au Block 5 A et affecté à un Kommando de charpentiers qui construit un pont sur la rivière Sola, à proximité du camp. Sachant qu’il ne tiendra pas longtemps sur ce chantier épuisant et dangereux à cause de la brutalité des kapos et des gardiens, Louis Eudier demande conseil à ses camarades qui lui parlent du Kommando des pommes de terre (Kartoffeln) ; celui de l’épluchage près des cuisines, pas celui du transport. Il va à la rencontre du kapo qui le dirige, un politique allemand bienveillant à l’égard des français, et celui-ci l’accepte dans son équipe. Il peut alors mieux s’alimenter et même donner des suppléments de nourriture à Gaston Aubert.

Vers la fin mars 1943, lors d’un appel, un signal est donné pour que les détenus jettent en l’air leur béret en criant des hourras. En représailles, cinquante détenus – dont Louis Eudier et Eugène Garnier, de Flers – sont désignés pour accomplir une gymnastique épuisante ponctuées de coups ; puis cinquante autres subissent le même sort. C’est en rentrant au Block que Louis Eudier apprendra qu’ils s’agissait de célébrer la victoire de Stalingrad.

Il passe au Block 25 A, avec les membres de son Kommando. Avec tous les détenus rassemblés, il assiste à deux exécutions publiques ; d’abord quatre, puis douze membres de la Résistance intérieure du camp sont pendus. Parmi les premiers se trouve son kapo des Kartoffeln.

Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français, essentiellement des “45000” rescapés, il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis. Il pense en avoir reçu trois au maximum, à moitié vidés.

L’épouse d’Arthur Fleury, sachant que son mari est parti avec Louis Eudier mais n’ayant pas reçu de courrier de son côté, fait demander de ses nouvelles à la mère de ce dernier. Louis Eudier ruse et écrit dans sa deuxième carte : « Tu diras bien le bonjour à Madame Veuve Fleury ». Celle-ci s’adresse alors directement à l’administration du camp pour demander des informations sur les circonstances de la mort de son époux. Louis Eudier est convoqué dans les bureaux de la police politique du camp où il parvient à se disculper de cette “fuite”, non sans avoir reçu coups et menaces.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés, entre 120 et 140, et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11. Ceux-ci sont exemptés de travail et d’appel extérieur, mais témoins des exécutions massives de résistants, d’otages et de détenus dans la cour mitoyenne.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres 
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Louis Eudier témoigne que les attitudes n’étaient pas unanimes : « …parmi les cent trente que nous restions, une minorité de quelques camarades se formaient en adversaires. Ceux-ci ne voulait pas faire la solidarité et, surtout, refusaient de discuter sur l’évolution politique, alors même que la situation (…)commençait à se décanter. Parmi eux, certains, à l’approche de la Libération, prirent conscience de leur erreur. »

À la fin de cette période, lui et Robert Gaillard, du Petit-Quevilly, Eugène Beaudoin, de Mondeville [5], et un « camarade de Bordeaux » (probablement Gabriel Torralba) sont sévèrement battus par le “bourreau” Jacob et le Blockführer SS, pour avoir essayé d’ « organiser » le « vol » de deux pains lors d’une corvée de ravitaillement. Il s’agissait de décharger la camionnette qui livrait les pains. Puis ils sont enfermés ensemble avec un détenu soviétique dans une Stehzelle (cellule à rester debout) du sous-sol (le Bunker). Ils y restent plus de 24 heures et pensent y mourir. Mais, le 23 novembre 1943, le nouveau chef de camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, décide d’inspecter le Block 11. Comme le Blockführer SS ne les a pas inscrits sur le registre du Bunker (une faute !), il envoie un soldat les faire sortir rapidement et rejoindre leurs camarades au premier étage.

Le chef de camp décide de faire cesser cette quarantaine sans objet et, après quatre mois de ce régime qui leur a permis de “récupérer”, les politiques français sont renvoyés le 12 décembre dans leurs Blocks etKommandos d’origine. Louis Eudier est assigné au Block 22 et envoyé dans un Kommando “terrasse”. C’est l’hiver et, dans ce Kommando extérieur épuisant, il craint de ne pas survivre. Aussi, avec l’aide de deux déportés de la région parisenne, un ébéniste, Louis Brunet, dit “la biche” ou “Labiche”, de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine – 92) et un modeleur, René Boulandet, de Lognes (Seine-et-Marne), qui y travaillent, il entre clandestinement au Kommando BBD (?) qui s’occupe de l’entretien des bâtiments du camp et de l’ameublement. Bientôt découvert par le kapo de l’atelier – un “droit commun” qui tue les Juifs mais ne frappe pas les politiques français, il est défendu par ses deux camarades qui le présentent comme étant menuisier, ce qui permet son intégration effective.

Le 3 août 1944, Louis Eudier est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente “45000” transféré – dans des wagons de voyageurs à douze par compartiment – au KL [6] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matricule 40995). Affecté à l’usine Siemens du camp, il est aussi chargé, avec Gaston Aubert, d’intervenir sur les menuiserie des bâtiments. Il voit ce camarade et André Bardel entrer au Revier sans pouvoir les en dissuader. Ils y disparaîtront.

Dans ce camp lui arrive un mandat de 1000 francs envoyé par sa famille. Avec ses camarades Robert Gaillard et Henri Gorgue, ils décident d’acheter des cigarettes qu’ils échangent avec des détenus soviétiques contre des pommes de terre, qu’ils mangent en plusieurs jours.

En février 1945, devant l’avancée soviétique, Gross-Rosen est à son tour évacué. Louis Eudier, Robert Gaillard et Henri Gorgue sont dans une colonne de détenus conduits vers une gare située à plusieurs kilomètres du camp. Là, ils sont entassés à 120 dans des wagons plats destinés «  au transport de betteraves ». Mais c’est un faux départ et ils sont reconduits au camp pour la nuit. Le lendemain, les trois compagnons arrivent à s’installer dans l’angle d’un wagon, ce qui leur permet de survivre à un transport de trois jours et deux nuits, sans boire ni manger, en plein hiver.

Ils sont parmi les dix-huit “45000” qui arrivent à Hersbrück, Kommando du KL Flossenbürg.

Là, Louis Eudier (matricule 84554) est affecté dans un Kommando “terrasse”, puis dans un groupe qui va en forêt scier des arbres pour alimenter les locomotives. Il éprouve un grand sentiment de joie et de revanche en voyant des avions alliés transpercer les deux locomotives utilisées pour le convoyage du bois.

Très affaibli, il se fait admettre au Revier en présentant de nouveau son pied abîmé comme une blessure de guerre. Au début du mois d’avril, il est cependant encore capable de se tenir debout pour rejoindre le train d’une nouvelle évacuation. Il retrouve Gaillard et Gorgue, et ils s’installent de nouveau dans un angle de wagon. Le train les conduit au KL Dachau.

Alors que ses compagnons sont affectés à des Kommandos de travail, lui est mis en quarantaine au Block38 à cause de son état de faiblesse. Averti par Gaillard et Gorgue, le comité de Résistance du camp lui fait parvenir une partie d’un colis de la Croix-Rouge qui lui donne « un coup de fouet pour renaître à la vie ».

Le 29 avril 1945, Dachau est libéré par l’armée américaine.

Le typhus que Louis Eudier a contracté à Auschwitz en décembre 1942 est détecté par une prise de sang et il est exclu de la liste des déportés à rapatrier, devant être conduit dans une clinique pour y être soigné. Il prend alors provisoirement l’identité d’un détenu français parti plus tôt et ne figurant pas sur ces listes. Le 16 mai, il part avec Gabriel, dit “Gaby”, Lejard, de Dijon dans des camions de l’armée Leclerc qui rentrent en France via Strasbourg ; ils se sont connus avant-guerre dans des congrès de métallos de la CGT. Il arrive au Havre le 19 mai et retrouve sa famille.

Le 1er août 1945, Louis Eudier est rétabli dans sa fonction de Secrétaire général adjoint de l’Union locale CGT du Havre.

Il exerce ensuite plusieurs mandats électifs : Maire-adjoint du Havre, Conseiller général durant 28 ans et député de Seine-Maritime en 1956.

À 75 ans, il est toujours Conseiller municipal et Président de la FNDIRP locale. Dans les années soixante, il publie Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, au Havre, et donne des textes de souvenirs – entre autres au Patriote résistant, mensuel de la FNDIRP – se tenant toujours en relation avec les survivants d’Auschwitz. En 1980, il organise, avec Robert Gaillard et Lucien Ducastel au Havre un rassemblement des “45000“ et des “31000” survivants qu’ils ont pu retrouver. [7]

Il reçoit de nombreuses distinctions : Croix de guerre avec palme, Médaille militaire, Croix du Combattant volontaire, Médaille de la déportation, Légion d’Honneur.

Après son décès, le 1er août 1986, le Conseil municipal du Havre donne son nom à la rue Joseph-Périer et à une salle municipale « dans son ancien quartier » (quartier de Saint-Nicolas-de-L’Eure).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 210, 259 à 262, 358, 350 et 351, 375 et 403. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Haute-Normandie, Rouen 2000, citant : Documents transmis par Madame Sylvie Barot, Conservateur des Archives du Havre (23/3/1994) : état-civil ; Le Havre Libre du 24 avril 1978 (fête le 75e anniversaire de Louis Eudier) ; Le Havre Libre du 12 août 1986 (hommage funèbre). 
- Louis Eudier, Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?). 
- Louis Eudier, Breguet-Le Havre : première grève-occupation en 1936, Cahiers d’histoire de l’institut Maurice Thorez, 1972, no 29, p. 67-70 (bibliographie, non lu). 
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-56.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-08-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] L’usine d’hydravions implantée par Louis Bréguet au Havre en 1930, sera nationalisée en 1938. Modèles construits : Br 521 “Bizerte” (militaire, 34 exemplaires), “Saïgon” (versions militaire et commerciale) et Br 730.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] Le tunnel : il a permis l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant la déportation des otages, le 6 juillet.

[5] Beaudoin ou Baudoin : à la page 99 de son livre, “Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945”, Louis Eudier désigne seulement ce camarade sous le nom de « Baudoin d’Harfleur ». Or, il s’agit d’une orthographe inconnue pour les “45000”. Par contre, Eugène Beaudoin, de Mondeville dans le Calvados, docker à Caen, fait bien partie des politiques français mis en quarantaine au Block 11. Aux pages 69 et 70 de son livre, Louis Eudier cite « l’imprimerie de M. Baudoin », située sur le marché de Saint-Romain et qui fournit du matériel aux syndicats clandestins du Havre. La confusion vient-elle de là ?

[6] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[7] Roger Arnould, documentaliste à la FNDIRP qui avait été invité par André Montagne, annonce au cours du déjeuner, aux “45000” qu’il a entrepris une recherche sur leur convoi au destin très particulier. Il fait un appel à témoignages. C’est le début d’un important travail de recherche effectué par Roger Arnould qu’il transmettra à Claudine Cardon-Hamet. Celle-ci mènera à son terme le projet d’une monographie sur leur transport et publiera en 1997 : Les 45000 – Mille Otages pour Auschwitz – Le convoi du 6 juillet 1942.