Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Marie, Vincent, Abel naît le 13 août 1899 à Magrie, au sud de Limoux et de Carcassonne (Aude), fils de Vincent Abel, 45 ans, capitaine au long court, et de Marie Pons, son épouse. Il a, au moins, un frère : Christian.

Pendant un temps, il habite (chez ses parents ?) au 188, rue François-de-Sourdis, à Bordeaux (Gironde).

Le 21 avril 1918, il est incorporé au 9e régiment d’Infanterie. Le 2 septembre suivant, il part aux armées. Le 11 avril 1919, il passe au 124e R.I. Le 15 janvier, il passe à la 20e section de STMA. Le 14 décembre 1920, il passe au 144e R.I. Le 25 mars 1921, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Le 4 mai suivant, il est – semble-t-il – rappelé en renfort (« article 33 ») pour participer à l’occupation des pays rhénans. Le 9, il passe au 26e R.I. Le 18 juin, il est rapatrié.

Louis Abel travaille successivement comme employé de commerce, voyageur de commerce et fabriquant de chaussures. À une date restant à préciser, le tribunal de commerce de Bordeaux le déclare en faillite.

Le 14 février 1931, à Bordeaux, il se marie avec Bertha Ingeborg Yvonne Sivenson.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 26, rue Auguste-Mérillon à Bordeaux.

Louis Abel est rappelé à l’activité militaire le 3 septembre 1939, en application du décret de mobilisation générale. Il est affecté à la 18e section de COMA, entrepôt d’effets. Le 26 novembre suivant, il est admis à l’hôpital complémentaire installé dans l’Institution du Parc à Bordeaux. Il y est soigné jusqu’au 12 janvier 1940, puis bénéficie de huit jours de convalescence. Il rejoint le dépôt le 16 avril et est dirigé le lendemain sur le groupe d’exploitation de la 17e division d’infanterie. Il est désigné pour faire partie de la 2e division légère de chasseurs dans le corps expéditionnaire de l’Europe septentrionale. Le 26 avril, il embarque à Brest à destination de la Norvège. Le 1er mai, il débarque à Glasgow (?) en Écosse. Il réembarque le 22 mai et est débarqué à Brest trois jours plus tard. Le 1er juin, il est affecté à la 10e division d’infanterie. Du 25 mai au 8 juin, il est engagé dans la campagne de la Somme, puis participe au repli de son unité en direction du Lot. Le 27 juin, il est dirigé sur Lalbenque (Lot), alors centre militaire, où il est démobilisé.

En août 1940, avec huit patriotes gaullistes bordelais, il crée une filière d’évasion vers l’Angleterre. Le 6 décembre suivant, ils sont arrêtés par la police allemande, conduits au fort du Hâ, puis jugés pour aide à l’ennemi le 18 janvier 1941. Louis Abel est condamné à treize mois de forteresse. Le 13 août 1941, il est transféré à la prison de Rheinbach, au sud-ouest de Bonn. Le 17 janvier 1942, à l’expiration de sa peine, il rentre en France.

Trois mois plus tard, le 21 avril, il est de nouveau arrêté, comme otage, et conduit au fort du Hâ.

Bordeaux. La rue du Palais-de-Justice et le Fort du Ha. Carte postale oblitérée en 1904. Collection de Jean-Paul Dauris.

Bordeaux. La rue du Palais-de-Justice et le Fort du Ha. Carte postale oblitérée en 1904. Collection de Jean-Paul Dauris.

Louis Abel est finalement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Abel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45158 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Louis Abel se déclare alors comme forestier (Förster). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Abel.

Il meurt à Auschwitz le 27 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « lésion du cœur ».

Le 30 octobre 1945, Christian Abel, frère de Louis, domicilié 26 rue Auguste-Mérillon, rempli un formulaire du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés pour la « demande de recherches pour déporté ».

Le 27 juillet 1946, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) enregistre une copie de l’acte de décès établi à Auschwitz.

Le 8 mai 1947, Christian Abel rempli un formulaire du ministère des ACVG pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Comme statut pour son frère, il indique « déporté politique » et, comme motif « activité gaulliste ».

Le 22 mai, le maire de Bordeaux écrit au chef du 2e bureau de l’état civil déporté, au ministère des ACVG pour lui faire connaître que Christian Abel, « a été prévenu avec tous les ménagements d’usage du décès de son frère […] Les condoléances des autorités lui ont été présentées, et il a été invité à retourner à votre service, dûment complétée, la formule de “non rentré” ».

Le 14 août 1948, le ministère des ACVG « décide la disparition » de Louis Abel. Le 20 octobre suivant, l’officier d’état civil du ministère dresse son acte de décès officiel. Sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, en l’occurrence le document établi à Auschwitz, il en fixe la date au 27 septembre 1942.

Aucun membre de la famille de Louis Abel n’effectue de démarche afin de lui faire obtenir le statut de déporté politique ou résistant à titre posthume.

En septembre 1989, la mention “Mort en déportation” est apposée en marge de l’acte de décès de Louis Abel (J.O. du 28-01-1988).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 393.
- René Terrisse, Bordeaux 40-44, page 185.
- Archives départementales de la Gironde, archives en ligne : registres du recrutement militaire, bureau de Bordeaux, classe 1919, matricules 3001-3500 (1 R 1631), n° 3226 (vue 396 /817).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 9 (32975/1942).
- Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Abel Louis (21 P 540 732), recherches de Ginette Petiot (message 31-01-2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.