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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Julliette Même naît le 10 juillet 1918 à Saint-Lambert-des-Levées (Maine-et-Loire – 49), dans une famille de huit enfants. Les parents sont jardiniers.

En 1935, à dix-sept ans, Juliette Même épouse Poirier, bijoutier à Saumur (49), rue de la Cocasserie. Le couple a un fils âgé de sept ans en 1942

En 1939, son mari est mobilisé. Blessé à la bataille de Dunkerque, il meurt à l’hôpital de Béthune le 1er août 1940.

Pendant l’été 1942, Juliette Poirier est arrêtée, chez elle, au 46, rue Waldeck-Rousseau, à Saumur. Personne ne connaît la raison de son arrestation. Le fils se souvient que les Allemands sont venus chercher sa mère à la maison. Il a entendu dire que sa mère a été incarcérée dans la prison d’Angers.

Le 30 octobre 1942, Juliette Poirier est transférée au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 1126.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Juliette Poirier fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Dans un courrier adressé au sous-préfet de Compiègne, le commissaire de police de la ville indique : « …dans le courant de l’après-midi, trois camions allemands ont amené au camp de Royallieu une centaine de femmes dont on ignore la provenance. Selon des indications recueillies auprès de personnes habitant aux abords du camp, ces femmes auraient entonné La Marseillaise et L’Internationale ». Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne – sur la commune de Margny – et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Juliette Poirier y est enregistrée sous le matricule 31769. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie policière allemande : vues de trois-quart, de face et de profil.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Juliette Poirier meurt à Birkenau le 28 mars 1943, selon l’acte de décès du camp (aujourd’hui disparu).

Ses parents ont été avisés de sa mort par la mairie de Saumur qui leur a transmis une traduction du service de réquisitions allemandes indiquant : « Juliette Poirier est morte à l’infirmerie du camp d’Auschwitz, le 28 mars 1943 de crises aigües de l’estomac et de catarrhe de l’intestin. »

Le nom de Juliette Poirier est inscrit sur le monument aux morts de Saumur, face à la mairie.

Sources :

- Charlotte Delbo Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 235.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais, cote 33W 8253/1, répression des menées antinationales, gaullistes et terroristes.
- Site Mémorial GenWeb, Saumur – 49, relevé n° 20924 par Daniel Fouquerel (mis en ligne 11/2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.