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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Jules, Claudius, Allaix naît le 1er juillet 1898 à Yzeure (Allier – 03) au lieu-dit la Croix-Duret à Yzeure (Allier – 03), chez ses parents, Antoine Allaix, 26 ans, pâtissier, et Anne Plesme, son épouse, 21 ans, couturière. Jules est l’aîné d’au moins quatre enfants : après lui naissent Marie, née en 1900 à Moulins, Louis Eugène, né en 1902, et Yvonne, née en 1905, tous deux à Yzeure.

Au printemps 1906 et jusqu’au printemps 1911, la famille habite 22, rue de la Couronne à Bar-le-Duc (Meuse – 55). Le père est ouvrier pâtissier chez Germain Girard, pâtissier-confiseur (Veuve Gromaire ?), au 72, boulevard de la Rochelle.

Quand il est enregistré par le recensement militaire, Jules Allaix habite au 1 rue du Jard à Bar-le-Duc. Il commence à travailler comme serrurier électricien.

Le 26 août 1915, à la mairie de Bar-le-Duc, Jules Allaix s’engage volontairement pour la durée de la guerre, rejoignant le 29e bataillon de chasseurs à pied trois jours plus tard comme soldat de 2e classe. Cependant, le 18 février 1916, la commission de réforme de Mamers (Sarthe) le réforme temporairement pour faiblesse. Le 20 mai suivant, la commission de réforme de Bar-le-Duc le déclare bon pour le service armé. Il rejoint son corps le 4 juin. Il est envoyé au front le 31 décembre. Le 27 avril 1917, il part en renfort au 69e BCP (le 24 juin, à la 9e compagnie). À une date restant à préciser, il est cité à l’ordre de ce bataillon : « Jeune chasseur volontaire pour toutes les missions périlleuses, s’est toujours fait remarquer par son courage et son grand mépris du danger. A toujours été, malgré son jeune âge, un exemple pour ses camarades ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

La Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. © MV

La Croix de guerre 1914-1918
avec étoile de bronze.
© MV

Le 7 mai 1918, il passe soldat de 1re classe. Le 11 mars 1919, il passe au 1er régiment de zouave, unité envoyée au Maroc le 12 avril suivant. Cinq mois plus tard, le 14 septembre, il est démobilisé et se retire chez ses parents, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Ayant échappé à l’occupation allemande, Bar-le-Duc été peu touchée par les combats de la Première Guerre mondiale, bien qu’ayant subi plusieurs bombardements meurtriers. Par contre, située à l’arrière de la ligne de front, la ville a joué un rôle stratégique important comme base de départ pour le ravitaillement du secteur de Verdun : troupes, vivres et matériel ont emprunté le chemin de fer local, et des milliers d’hommes et de camions ont circulé sans interruption sur la route reliant Bar à Verdun (la « Voie sacrée »).

Le 8 novembre 1919 à Bar-le-Duc, Jules Allaix se marie avec Marthe, Claire, Claude, née le 10 février 1899 dans cette ville.
Pendant un temps, il est “conducteur de cylindre à essence”, puis manœuvre.

Entre 1926 et 1936, les parents de Jules habitent au 48, rue de Polval, à Bar-le-Duc, avec leur fille Yvonne – alors employée aux PTT – et leur petite-fille, Antoinette, née en 1920 à Bar-le-Duc.

Au moment de son arrestation, il est domicilié cité Kühlmann, route de Longueville, à Bar-le-Duc (à vérifier…).

Jules Allaix est un militant communiste, secrétaire de la cellule des Métaux et du Bâtiment de Bar-le-Duc, qui compte 44 adhérents avant la dissolution du Parti Communiste, en septembre 1939.

Le 28 août 1939, il est dégagé de toutes obligations militaires comme père de six enfants.

Sous l’occupation, Bar-le-Duc se retrouve dans la zone interdite, comme le reste du département.

Jules Allaix est arrêté entre le 22 et le 24 juin 1941, probablement dans le cadre de l’Aktion Theoderich [1], et interné dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jules Allaix est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Dans un des wagons, les détenus de la Meuse se sont rassemblés autour de Charles Dugny, de Lérouville.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Jules Allaix est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45165 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jules Allaix.

Il meurt à Auschwitz le 16 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; cinq semaines après l’arrivée de son convoi.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Bar-le-Duc.

Marthe Allaix décède à Bar-le-Duc le 22 juillet 1964.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.

Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue (son nom orthographié « Alex ») par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 369 et 393.
- Archives départementales de l’Allier, site internet, archives en ligne : registre des naissances d’Yzeure, année 1898  (Mi EC321 17), acte n° 46 (vue 124/988).
- Archives départementales de la Meuse, site internet, archives en ligne : registre NMD de Bar-le-Duc, année 1899, (2 E 29-122), acte n° 41 (vue 11/358) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1918, n° 1-500 (1 R 671), matricule 331 (vues 644-645 sur 968).
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630, article 252.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
- Site Mémorial GenWeb, 54-Bar-le-Duc, relevé de Jean-Pierre Leisen (2002).
- Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, délégation de l’Allier (AFMD-03), site internet.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 03-06-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.