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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Jean Favret naît le 1er août 1913 à Montigny-lès-Cherlieu (Haute-Saône – 70), fils de Florentin Favret, 31 ans, terrassier, et de Marie Louise Morlot, 27 ans, son épouse. Les témoins pour la déclaration du nouveau-né à l’état civil semblent être deux oncles cultivateurs.

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale comme soldat de 2e classe au 42e régiment d’infanterie (42e RI), Florentin Favret succombe le 28 avril 1915 des suites de ses blessures à l’ambulance 7 du 1er Corps à Berny-Rivière (Aisne) ; “mort pour la France”.

Le 21 avril 1920, les enfants sont adoptés par la Nation suivant un jugement du tribunal civil de Vesoul (70).

En 1921, la famille Favret est domiciliée au 41, Grande Rue à Montigny, regroupant cinq enfants, tous nés dans la commune, autour de leur mère veuve.

Au printemps 1931, la famille Favret est installée route de Thomas, section de La Rochère à Passavant-la-Rochère (70). Excepté Louis, âgé de 12 ans, les enfants (Maurice, Alice, Georges, Florentin) sont verriers aux Établissements Boileau, verrerie industrielle.

Au printemps 1936, habitant toujours le même quartier (6), une partie de la famille – Maurice, Fernand et Charles – cohabite avec Louis May, 21 ans, lui aussi verrier aux Établissements Boileau.

Au moment de son arrestation, Georges Favret est toujours domicilié à Passavant.

Il est déclaré comme “marchand” (?).

À moins qu’il ne s’agisse d’une homonymie ou d’une confusion de prénom, Georges Cogniot le caractérise comme « militant des Jeunesses communistes », « gavroche héroïque ». Dans son recueil L’Évasion, il lui dédie sa nouvelle Au Ballon d’Alsace, dans laquelle trois passeurs vont chercher des prisonniers de guerre évadés à la nouvelle frontière franco-allemande : «  À la mémoire de mon ami Jean Favret, que ses camarades reconnaîtront ici. ». Sous le nom littéraire de “Masson”, Favret est décrit ainsi : « Sur un corps d’athlète resplendissait sa tignasse rouge, qui couronnait un visage mangé par des tâches de rousseur et troué de grands yeux bleus, limpides et doux (…), des mains agiles et puissantes qui s’étaient développées en faisant plus d’un métier, en maniant tour à tour les mancherons de la charrue et, dans les laiteries de la Saône, les meules de gruyère ; des mains solides et comme galvanisées au défournage, dans les tuileries des hautes vallées. (…) L’école quittée tout de suite après le certificat, parce qu’il était le cadet de quatre orphelins de guerre, (…) Dès quatorze ans, il lisait beaucoup ; (…) L’expérience avait fait le reste, l’épreuve de la misère et de l’injustice dans ces dures petites usines pour paysans-prolétaires… Bientôt, tous deux [lui et son ancien instituteur, le narrateur, peut-être Cogniot] avaient couru les réunions ensemble ; depuis 1934, ils avaient livré ensemble cinq ans de combats pour les droits du peuple, pour l’organisation de la paix. Après juin 1940, ils s’étaient retrouvés… » « (Masson) connaissait ce versant lorrain du Ballon d’Alsace. Autrefois, au temps de la paix, il venait souvent jusqu’ici, le dimanche ; il arrivait, par le Thillot, de la haute vallée de l’Ognon où il travaillait, pour lancer sa bicyclette à l’assaut de la route raide du Ballon et mesurer ses capacités de grimpeur. »

Le 22 juin 1941, Jean Favret est arrêté à l’initiative des autorités d’occupation, parmi vingt-trois militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône [1] (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot, natif du même village) ; n° 11 sur la liste. Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Favret est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Jean Favret est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45531, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour ; ce portrait n’est pas en contradiction avec la description de G. Cogniot ci-dessus).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Favret.

Il meurt à Auschwitz le 2 décembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

En France, sur les registres d’état civil, il est déclaré “Mort pour la France” (10-1948).

Son nom est inscrit sur les monuments aux morts de sa commune de naissance et de sa commune de domicile.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-12-1989).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 370 et 403.
- Archives départementales de Côte-d’Or : Arrestations par les autorités allemandes, correspondances (1630 W, article 252).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet : archives du centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. IV-198.
- Georges Cogniot, Parti pris (mémoires), t. 1 D’une guerre mondiale à l’autre, Éditions sociales, Paris, 1976, p. 489.
- Georges Cogniot, L’Évasion, récits, Éditions Raison d’Être, Paris 1947, réédité par les Éditeurs Français Réunis, Paris 1952, p. 135 à 147.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 276 (42685/1942).
- Site internet Mémorial GenWeb, 70, Montigny-lès-Cherlieu, relevé de J.-R. Gousset, 2002 ; Passavant-la-Rochère, relevé de Françoise Huguet, 2004.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.