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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Baptiste, Lory naît le 10 mai 1909 à Sarzay (Indre – 36).

De la classe 1929 et du recrutement de Châteauroux, il accompli son service militaire au 13e régiment de Dragons à Melun.

À une date restant à préciser, il se marie. Il n’a pas d’enfant. À partir de l’été 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 74, rue Marius-Aufan à Levallois-Perret [1] (Hauts-de-Seine – 92).

Jean Lory a une formation d’ébéniste.

En février 1937, il entre comme ajusteur à la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Ouest (SNCASO) – anciennement Blériot -, quai Galliéni, à Suresnes.

À partir de septembre 1939 et jusqu’à l’exode de juin 1940, Jean Lory est mobilisé comme affecté spécial, ajusteur à la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Ouest (SNCASO), anciennement Blériot, à Suresnes. Dès son arrivée dans l’entreprise, le commissaire de Police de la circonscription de Levallois-Perret le considère comme un des dirigeant du Comité populaire de l’usine.

En janvier 1940, un indicateur affirme que Jean Lory a reçu des tracts à son domicile afin de les distribuer. Il se serait débarrassé de ceux qui lui restaient avant une perquisition policière qui s’est révélée infructueuse.

Son usine ayant été liquidée en juillet 1940, il est au chômage pendant quatre mois. À partir du 25 novembre, il travaille au Paris Studio Cinéma, quai du Point-du-Jour, à Boulogne-Billancourt, puis, fin janvier 1941, aux établissements Niepce, sis au 18, boulevard de la République, à Boulogne-Billancourt. Il envisage de retourner dans l’Indre – en zone non-occupée – afin de reprendre « l’industrie rural » [sic] de son père.

Le 4 juillet 1941, il est arrêté à la demande du commissaire de Police de Levallois-Perret – qui le désigne comme « meneur communiste actif » – en application de décret du 18 novembre 1939. Le jour même, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif : il est conduit à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.

Dès le 19 juillet, Jean Lory écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, réfutant avoir jamais eu d’activité politique ou syndicale, ni n’avoir eu aucune activité de propagande.

Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Une courte notice (AS ?) rédigée le 5 octobre 1941 par les Renseignements généraux indique que Jean Lory « a poursuivi, malgré la dissolution de parti communiste, la propagande parmi ses camarades de travail ».

Le 7 janvier 1942, son épouse écrit au préfet de police pour solliciter sa libération : « Mon mari n’ayant jamais fait ni appartenu à une activité politique [sic], je vous demande de bien vouloir faire une contre-enquête ».

Le 14 janvier, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet de police adresse une note au commissaire de Levallois-Perret afin que celui-ci fasse connaître à Madame Lory que « sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ».

Le 19 janvier, Madame Lory écrit de nouveau au préfet de police pour lui demander de faire procéder à une enquête légitimant la libération de son mari : « ses employeurs, ainsi que notre entourage dans le quartier sont prêts à témoigner en sa faveur ».

En avril 1942, il semble qu’elle effectue une autre démarche auprès des autorités françaises.

Le 22 mai, Jean Lory fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

———
A.R.

1053.I

11 juin 1942

NOTE
pour Monsieur le Directeur Général des Renseignements Généraux.

Par lettre du 3 juin courant, M. le Chef du Gouvernement, Ministre Secrétaire d’État à l’Intérieur, vient d’appeler l’attention sur l’opportunité de ne prononcer de mesure d’internement qu’en présence d’actions récentes mettent en danger la sécurité de l’État, le rappel d’un passé politique ne pouvant, à lui seul, justifier une mesure de ce genre, en raison des très graves conséquences qu’elle est susceptible d’entraîner.
À la suite de ces instructions, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir examiner à nouveau le cas des nommés : VILLEMINOT, Louis ; ROSE, né Duflot Henriette ; LORY, Jean-Baptiste ; WATREMEZ, Camille, et CHARTRON, Robert, objets de vos rapports R.G.I. n° 1831, 1886, 1647 du 23 mai 1942 ; n° 1929 du 29 mai 1942 et du rapport sans référence en date du 2 juin 1942, les faits reprochés aux intéressés ne paraissant pas de nature à justifier une prolongation de leur internement.

Le Directeur du Cabinet
Le Chef du 1er B(ureau ?)
————
Le 16 juin, le préfet de police écrit au préfet délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés pour lui faire savoir qu’il estime « inopportune » la libération de Jean Lory « dans les circonstances actuelles ».

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Jean Lory est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45804 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Lory est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Le 4 novembre, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital.

Il meurt à Auschwitz le 22 novembre 1942, d’après les registres du camp.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : – Archives municipales de Levallois-Perret – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste incomplète, par matricules, du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (3095 bis).
- Archives de la préfecture de police (Seine), site du Pré-Saint-Gervais ; cabinet du préfet de police, dossier individuel (1w0736) ; cartons “occupation allemande” :  Les Tourelles… (BA 1836) ; (BA 1837).
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 115.
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block n° 20 de l’hôpital d’Auschwitz, p. 71.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-07-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).