Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jan (Jean) Krecioch naît le 26 mai 1893 à Chocznia (Pologne), fils de Tomasz Krecioch et de Ludwida Styla. Il conservera la nationalité polonaise.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 184, rue Émile-Heurteau (aujourd’hui rue des Pommiers), « troisième rangée » de la cité ouvrière de la Petit-Fin, à Homécourt (Meurthe-et-Moselle – 54). Il est voisin de Wladyslaw Bigos, Jean Trzeciak, et Victor Ziemkiewicz.

Avec son épouse, Maria, ils ont six enfants.

Homécourt. Cité ouvrière de la Petite Fin et l’usine sidérurgique en arrière plan. Carte postale. Collection particulière. D.R.

Homécourt. Cité ouvrière de la Petite Fin et l’usine sidérurgique
en arrière plan. Carte postale. Collection particulière. D.R.

Jean Krecioch est mineur de fer au puits du Fond de la Noue à Homécourt.

Homécourt. Puit de mine du Fond de la Noue. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Homécourt. Puit de mine du Fond de la Noue. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 2 mars 1942, il est arrêté à son domicile par les « autorités allemandes ».

À la suite du sabotage du transformateur électrique de l’usine d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février ; action de résistance qui déclenche une vague d’arrestations dans le département (70, dont plusieurs dizaines de futurs “45000”), Jean Krecioch est désigné comme otage, probablement en tant que « nationaliste polonais » ; à vérifier…

À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Krecioch est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45706 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jean Krecioch est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 (maladies contagieuses) de l’hôpital d’Auschwitz.

Il meurt à Auschwitz le 29 août 1942, d’après les registres du camp [1]. Ce jour-là, sous prétexte d’enrayer une épidémie de typhus dans le camp principal, le nouveau médecin SS de la garnison, Kurt Uhlenbroock, ordonne d’effectuer une sélection dans les Blocks de l’hôpital, notamment le Block 20. 746 détenus atteints du typhus et convalescents sélectionnés dans la cour fermée séparant les Blocks 20 et 21 sont chargés dans deux grands camions bâchés qui les transportent par rotation jusqu’aux chambres à gaz de Birkenau. Il s’agit de la première grande opération d’extermination des détenus malades. La désinfection du Block 20 dure dix jours ; du 29 août au 8 septembre, le registre du Block ne comporte aucune inscription.

Le nom de Jean Krecioch est inscrit sur le Monument aux morts d’Homécourt (son nom est orthographié « Kreciok »).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-03-1995).

Des treize déportés “45000” de la commune, seul Jacques Jung est revenu.

Deux des ses fils sont partis vers l’Angleterre. L’aîné, Wladeck Kreciok, né en 1920, a servi sur le contre-torpilleur polonais « Orkan » (« Ouragan », précédemment HMS Myrmidon) qui escortait des convois maritimes entre l’Écosse et le port russe de Mourmansk). Torpillé par un sous-marin allemand le 8 octobre 1943 dans la Mer de Barents, le bateau a coulé en quelques minutes. Wladeck Kreciok a disparu en mer parmi 178 marins polonais et 20 marins anglais (44 survivants).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 127 et 128, 368 et 409.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Raymond Falsetti, amicale des familles de déportés d’Homécourt (dossier de l’exposition de 2005, courrier 03-2009).
- Association Mémoire du Pays de l’Orne, bulletin Pagus Orniensis n° 10, page 27.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Auschwitz, camp de concentration et d’extermination (version française), ouvrage collectif sous la direction de Franciszek Piper et Teresa Swiebocka, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim 1993-1998, p. 175
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, version française 2011, volume II, pages 391 et 409-410.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 644.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de G à K (26 p 841), acte n° 25678/1942.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach ; liste de la morgue (« Leihenshalle »).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Philippe Dezerville (01-2005), prénom orthographié « Jan ».

 

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :

Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Jean Krecioch, c’est le mois de juillet 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.