Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gustave, Ernest, MARTIN naît le 3 octobre 1889 à Mareuil-sur-Ourcq (Oise), fils d’Édouard Martin, 27 ans, bûcheron puis manouvrier, et de son épouse, Alexandrine Bridelle, 28 ans, domiciliés à Fulaines avec six enfants (parents décédés au moment de l’arrestation de Gustave).

Bien qu’appartenant à la classe 1909, Gustave Martin effectue son service militaire comme soldat de 2e classe au 155e régiment d’Infanterie de l’automne 1911 à l’automne 1913.

Le 2 août 1914, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, il “rejoint le corps”. Le 25 mars 1917, il est évacué comme malade sur l’hôpital n° 8 du Havre, mais “rejoint” dès le 7 mai suivant. Le 22 juillet 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Mareuil. Cité à l’ordre de l’armée, il est titulaire de la Croix de guerre (vérifier la date…), il garde des séquelles des combats (non pensionné ?).

Le 24 juillet 1923, il est embauché comme manœuvre sur voie par la Compagnie des chemins de fer de l’Est qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].

En novembre 1925, Gustave Martin est domicilié au 4, rue des Vieux-Moulins à Lagny (Seine-et-Marne – 77)

Le 25 juin 1927, il aurait une adresse à Pantin (Seine / Seine-Saint-Denis) ; probablement un adresse de fonction (à vérifier…).

Le 12 novembre 1927, à Lagny (Seine-et-Marne – 77), il se marie avec Ismérie, Rosa, Marnet, née le 20 janvier 1885 au Pin (77), veuve en 1926 d’un premier mariage. Ils n’auront pas d’enfant.Au moment de son arrestation, Gustave Martin est domicilié au 16, rue des Vieux-Moulins à Lagny.

Il est alors ouvrier de 2e classe dans un atelier SNCF de Pantin. « Probe et travailleur, il [jouit] d’une bonne réputation ».

Militant communiste, il est trésorier de la cellule de Lagny de 1932 à 1939.

Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’Intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour Lagny, il désigne Gustave Martin comme trésorier aux côtés du secrétaire responsable, Maurice Rust, emboutisseur, et de Pierre Dumont, secrétaire adjoint. « Les réunions organisée par cette cellule se tiennent une fois par semaine dans une petite salle se trouvant au domicile du trésorier de la section, M. Bouyrat, tailleur d’habits, 32 rue du Chemin de fer à Lagny. Les militants se réunissent quelquefois au Café Jovenes, 17 rue Saint-Denis […]. L’activité de la cellule de Lagny s’est ralentie depuis plusieurs mois, en raison notamment d’un désaccord survenu entre les dirigeants et M. G. Georges, ex-secrétaire de cellule, conseiller municipal communiste de Lagny […]qui aurait démissionné, depuis peu de temps, du parti communiste. »

Après l’interdiction du PCF, la police ne connaît aucune activité à Gustave Martin.

Le 9 novembre 1939, le maire de Lagny écrit au sous-préfet de Meaux pour lui transmettre un renseignement « émanant d’une personne [qu’il] considère comme sûre, mais qui [lui] a demandé de ne pas révéler son nom. » « Je connais moi-même M. Martin qui, en effet était un militant du parti communiste de Lagny ; il a été candidat sur la liste de ce parti aux dernières élections. » Le délateur anonyme écrit : « Mr Martin employé du chemin de fer rue des vieux moulins au n°16. Il est venu de Russie un Français, Mr Moulin pour diner chez lui et donner des renseignements à ce dit Martin lui donnant des instructions concernant leur parti venant de Moscou. Il paraît que tous ses paperasses sont transportés chez sa fille [?] à Paris Mme B[…] 17 rue Pauquet ; concierge Iéna (Paris). Il paraît qu’il n’y a que chez Mr Martin qu’il n’y a pas eu d’enquette quand les inspecteurs venus de Meaux sont venus perquisitionner à Lagny. » [sic] Il semble que le bas du message a été découpé afin de ne pas permettre l’identification de son auteur.

Sous l’occupation, Gustave Martin est le principal organisateur du groupe de Résistance communiste clandestine à Lagny, qui imprime et distribue des tracts contre le régime de collaboration du maréchal Pétain.

Le dimanche 19 octobre 1941, il est appréhendé à son domicile par des Feldgendarmes au cours d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant à l’encontre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Gustave Martin est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1773, il se trouve assigné au bâtiment A7 en juin 1942.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour uneexécution de représailles, parmi lesquels Gustave Martin.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gustave Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45849 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

 Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Gustave Martin est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 4, avec Jean Mahon, Charles Mary, Emmanuel Michel et Raymond Monnot.
Gustave Martin meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement  tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Raymond Cornu, de Quincy-Voisin (77), et Étienne Pessot, de Cachan (94).À une date restant à préciser, une plaque commémorative à son nom est apposée sur l’immeuble où il habitait à Lagny.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 11-01-1995).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 378 et 413.
- Archives départementales de l’Oise, site internet : recensement 1891 (p. 12) et 1901 de Mareuil-sur-Ourcq.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet ; arrestations allemandes, dossier individuel (SC51228). ; notes (SC51241) ; internement correspondance (SC51259).
- Claude Cherrier (et René Roy), La Résistance en Seine-et-Marne (1939-1945), Etrépilly, Presses du Village, 2002, pages 197 et 199.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (31521/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : page du registre du Block 4..
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1000-1001.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.