Gisèle Mollet, née le 5 janvier 1920 à Cambrai (Nord), morte à Auschwitz – sous-camp de femmes de Birkenau – dans la première quinzaine du mois d’août 1943.

Photographie anthropométrique prise le 17 mars 1942 par le service de l’identité judiciaire de la préfecture de police. © APP, Paris.

Photographie anthropométrique prise le 17 mars 1942
par le service de l’identité judiciaire
de la préfecture de police. © APP, Paris.

Gisèle Mollet naît le 5 janvier 1920 à à Cambrai (Nord). Son père est tailleur. Elle est la benjamine d’une famille de sept enfants : Alphonse, Simone, un troisième enfant au prénom inconnu (mort en bas âge), Odette, un cinquième enfant au prénom inconnu, Solange et Gisèle.

La Résistance

Sous l’occupation, Gisèle Mollet est femme de chambre (“bonne”) dans un hôtel de la rue des Pyrénées. Elle a pour ami (“fiancé”) Madavin Mouchilotte, né le 7 juillet 1914 à Mahé [1] (“Indes françaises”), de nationalité française, étudiant à la Sorbonne (ou à la faculté des Sciences), mais alors employé aux Archives Nationales (Paris 3e). Ils habitent ensemble dans hôtel garni au 14, rue Émile-Deutsch-de-la-Meurthe à Paris 14e, en face du Parc Montsouris.

Le jeune homme est communiste, membre de la cellule de la Cité Universitaire avant l’interdiction du PCF.

L’arrestation

Le 9 mars 1942, Madavin Mouchilotte et Gisèle Mollet sont arrêtés par les brigades spéciales des Renseignements généraux de la préfecture de police dans le cadre de l’affaire “Pican, Cadras, Politzer” : lors de l’arrestation de Georges Dudach (époux de Charlotte Delbo), agent de liaison du Front national universitaire [2], a été trouvé sur celui-ci « un document signé Mouchilotte et retraçant l’activité politique de ce dernier et demandant [à être mis] en liaison avec un des responsables de l’organisation communiste clandestine ». Avec eux est arrêté l’étudiant chinois Tze-Sheng Lai, né le 13 mars 1907 à Canton, qui habitait à la même adresse [2].

Photographie anthropométrique prise le 17 mars 1942 par le service de l’identité judiciaire de la préfecture de police. © APP, Paris.

Photographie anthropométrique prise le 17 mars 1942
par le service de l’identité judiciaire
de la préfecture de police. © APP, Paris.

Gisèle passe quelques jours aux Renseignements généraux. Le 30 avril, l’instruction étant terminée, elle est envoyée au Dépôt de la préfecture de police, puis écrouée à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), “quartier allemand”.

Le 24 août, elle est parmi les vingt-cinq résistantes de la région parisienne transférées  au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) [3], premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 678.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Son ami Madavin y est également conduit depuis la prison militaire du Cherche-Midi (Paris 6e).

Le 21 septembre 1942, Madavin Mouchilotte est parmi les quarante-cinq otages qui sont fusillés au fort du Mont-Valérien à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine) en représailles des actions de la résistance armée communiste. La raison avancée par les autorités allemandes pour le désigner comme otage est la suivante : « Mouchilotte a passé aux aveux et est convaincu d’avoir continué, après la dissolution du PCF et jusqu’au moment de son arrestation, à diriger le groupe d’étudiants communistes à la Sorbonne. En outre, il s’est chargé de continuer au lycée Buffon de Paris le “Front national” [4], groupe dont est issu un certain nombre de terroristes qui ont, d’ores et déjà, été jugés, condamnés à mort et exécutés. En ce qui concerne Mouchilotte, il s’agit d’un communiste extrêmement intelligent qui indubitablement, constitue un danger. »

Le 22 janvier 1943, Gisèle Mollet est parmi les cent premières femmes otages qui  sont transférées en camions au camp allemand de Royallieu à Compiègne ; leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » (transférée à Compiègne le 22.1). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies.

TransportAquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir.

Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Gisèle Mollet y est peut-être enregistrée sous le matricule 31677, selon la correspondance établie avec le registre d’écrou du fort de Romainville. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Gisèle Mollet n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz avant l’évacuation du camp en janvier 1945. Réalisé le 3 février 1943, le portrait d’immatriculation de cette détenue a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz avant
l’évacuation du camp en janvier 1945. Réalisé le 3 février 1943,
le portrait d’immatriculation de cette détenue a disparu.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Un jour, au marais, Gisèle Mollet est piétinée par un gardien SS car elle n’a pas compris où diriger la trague [4], qu’elle porte en duo avec Alida Delassalle. Elle réussit néanmoins à revenir au camp pour l’appel. Mais, le lendemain, elle doit entrer au Revier [5] pour une très longue durée.

En juillet 1943, elle a la permission d’écrire à ses parents, mais ceux-ci ne recevrons pas de seconde lettre.

Gisèle Mollet a dû mourir dans la première quinzaine du mois d’août 1943 ; l’acte de décès établit par l’administration SS du camp fait partie des archives  détruites lors de l’évacuation du camp, en janvier 1945.

Notes :

[1] Mahé : ce territoire colonial reste sous juridiction française après l’indépendance indienne de 1947, comme les autres comptoirs, et ceci jusqu’au 13 juin 1954, où il rejoint l’Union indienne (source Wikipedia).

[2] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[3] Tze-Sheng Lai : il sera déporté dans le transport de 2139 hommes parti de Compiègne le 18 juin 1944 en direction du KL Dachau, où il est enregistré sous le matricule n° 74362 ; la suite de son sort est inconnue…

[4] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[5] Trague : de l’allemand Tragen, porter, sorte de brancard sur lequel les détenues chargeaient les mottes de tourbe arrachées au marais.

[6] Revier, selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus, ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, page 203-204.
- Serge Klarsfeld, Le livre des otages, Les éditeurs français réunis, page 227.
- Archives de la préfecture de police, Paris.
- Richard Mollet, petit-fils d’Alphonse (message (10-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 8-03-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).