Georges Léon Bigot, né 16 juillet 1904 à Flers (Orne), domicilié à à Bayeux (Calvados), mort à Auschwitz le 18 septembre 1942.


Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges, Léon, Victor, Bigot, naît 16 juillet 1904 à Flers (Orne).

Le 6 avril 1925, il entre aux Chemins de fer de l’État comme ajusteur à l’essai au dépôt des Batignolles (Paris 17e).
Le 27 juin suivant, à Bayeux (Calvados), il se marie avec Yvonne Vassal, née dans cette ville le 7 décembre 1901. Le couple s’installe rue de la Gare à Sainte-Marguerite-d’Elle (14), où Georges est employé au dépôt ferroviaire (gare de Lison, sur la ligne Paris-Cherbourg), et où leur premier enfant, Jacqueline, naît le 8 février 1926.
Sainte-Marguerite-d’Elle, Lison-gare. Carte postale éditée après guerre, collection Mémoire Vive.

Sainte-Marguerite-d’Elle, Lison-gare.
Carte postale éditée après guerre, collection Mémoire Vive.

En juin 1929, Georges Bigot, toujours cheminot, devient ajusteur-monteur, puis, en août 1930, ouvrier ajusteur de 1re classe à Bayeux.

En 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, Georges Bigot et sa famille sont domiciliés au 19, cité Bellevue, ouvrant sur la rue Cremel, à Bayeux. Bernard naît le 23 janvier 1931 et Nicole le 22 mars 1934.

En 1935, Georges Bigot est secrétaire du Syndicat des cheminots bayeusains formé après la réunification des deux sections syndicales, et secrétaire de l’Union locale de 1935 à 1937 (au moins).

Il fait partie de la délégation de quatre cheminots qui remet au Préfet une protestation contre les décrets-lois de novembre 1938 et demande le respect des conventions collectives des chemins de fer.
Il est membre du Parti communiste.Son dernier enfant, Gérard, naît en 1939.« Il travaillait pour la Résistance » selon Yvonne Lerouge, de Bayeux (déportée le 16 décembre 1943 vers les prisons d’Aix-la-Chapelle et Breslau, puis détenue en KL à Ravensbrück et à Mauthausen).
Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, Georges Bigot est arrêté à son domicile par la police française. Figurant comme communiste sur une liste d’arrestations exigées par la Kommandantur de Caen, à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [1], il est conduit à la gendarmerie de Bayeux avec 17 autres habitants de la ville (selon le Comité local de Libération).

La gendarmerie et la  prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La gendarmerie et la prison de Bayeux dans les années 1900, ancienne chapelle de la Charité.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, il est au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Dans l’après-midi, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Bigot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Sa famille ne recevra ni message jeté du train, ni la carte-formulaire envoyée à certaines familles par l’administration militaire du Frontstalag 122.
Le 8 juillet 1942, Georges Léon Bigot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46220, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Bigot est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Avec Étienne Cardin, Marcel Cimier et Roger Pourvendier, il est assigné au Block 17-A et d’abord affecté comme mécanicien dans un garage de voitures personnelles des SS. Ne sachant pas parler allemand, ils en sont rapidement évincés par des détenus polonais et envoyés vers des Kommandos plus difficiles (témoignage de Marcel Cimier).
Georges Léon Bigot meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
En juillet 1945, ayant appris le retour d’André Montagne, de Caen, le Comité de libération de Bayeux le sollicite pour connaître le sort de Georges Bigot et celui de six autres Bayeusains.
À l’intérieur de la cathédrale de Bayeux, le nom de Georges Bigot est inscrit sur la plaque dédiée aux Morts pour la France 1939-1945, parmi les déportés, ainsi que sur le monument aux déportés et fusillés de la ville, apposé sur l’ancien évêché, rue Larcher.
Son nom est également inscrit sur une plaque apposée sur le mur extérieur de la gare de Caen à la mémoire des agents SNCF de l’arrondissement de Caen « tués par faits de guerre », et fusillés ou morts en déportation.
© Cliché Mémoire Vive.

© Cliché Mémoire Vive, 2016.

© Cliché Mémoire Vive, 2016.

© Cliché Mémoire Vive, 2016.

Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom de Georges Bigot est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n°184 du 8-08-2008).

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats.
Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir de l’attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht.
Au total plus de la moitié des détenus sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste.
Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités).
Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont  encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

-  Archives départementales du Calvados, site internet, archives en ligne : recensements de populations par commune, Sainte-Marguerite-d’Elle, 1921-1946, année 1926 (vue 21/61) ; Bayeux, année 1931 (vue 41/123), année 1936 (45/123).
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 70, 91 et 121.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 360 et 395.
- Gabriel Désert, notice in Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, citant : Arch. Dép. Calvados, M. 520, Z. Bayeux, 321 – J. Roquebert, Les Cheminots du Calvados, 1891-1939, Mémoire de Maîtrise, Caen, 1973 – Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Éditions Charles Corlet, 1992.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 131 (n° 12) et 138.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, page 206.
- Fondation pour la mémoire de la Déportation, Livre-mémorial, I.163, tome 2, page 1334.
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 181-182.
- Béatrice Poulle, conservateur aux Archives départementales du Calvados, Les cahiers de Mémoire : déportés du Calvados, textes publiés par le Conseil Général du Calvados, 1995, notes sur les souvenirs de Marcel Cimier, Les incompris, p. 93.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 91 (31464/1942), avec le prénom « Léon ».
- Site Les plaques commémoratives, photo de Jean-Jacques Guilloteau (ne fonctionne plus).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-01-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.