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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
La photographie est floue par “bougé”.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges Paul Gaudray naît le 22 juillet 1921 à Paris 10e, à la maternité de l’hôpital Saint-Louis, 40 rue Bichat, fils de Paul, Henri, Gaudray, 19 ans, journalier (affuteur), et de Raymonde Richard, 16 ans, fraiseuse, son épouse, alors domiciliés dans la famille de celle-ci, chemin de Drancy à La Courneuve [1] (Seine / Seine-Saint-Denis). Le père de Raymonde est charpentier et a quatre autres enfants.

En 1924, les deux familles sont installée au 2 avenue Jean-Jaurès à La Courneuve. En 1926, Paul Gaudray est téléphoniste pour la Compagnie Parisienne. En 1927, il a quitté le domicile de son beau-père avec son épouse et son fils pour habiter au 26 rue Pantin, à La Courneuve. Il est devenu boulanger. En 1932, ils sont domicilié au 18 rue de la Mutualité à La Courneuve.

Georges a trois sœurs plus jeunes que lui, dont Janine, née en 1930, et Ginette, née en 1933.

En 1935, et jusqu’au moment de son arrestation, Georges Gaudray est domicilié chez ses parents au 16, rue Edmond-Rostand à La Courneuve. En 1936, il travaille comme électricien chez Saunier à Paris 11e ; son père étant alors employé de la CDPE à Paris 8e.

Sous l’occupation, Georges Gaudray milite au sein d’un groupe clandestin avec Maurice Courteaux, Jeanne et Pierre Royer, Louis Vadez, Le Calvez, etc. : impression de tracts, diffusion de journaux, inscriptions sur les murs, « sabotages dans la gare de Dugny-Stains-La Courneuve ».

En septembre 1940, Georges Gaudray est arrêté par des agents du commissariat de police de la circonscription d’Aubervilliers pour « distribution de tracts communistes », parmi une douzaine de militant·e·s d’abord dirigé·e·s sur le dépôt de la préfecture de police à Paris. Puis il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, en cellule à la 3e division avec Jean Suret-Canale.

Le 22 novembre, il est transféré au Cherche-Midi [2], prison militaire alors sous administration allemande, et qui dispose d’une salle de tribunal. Dans une chambrée de quarante détenus, ils sont une quinzaine de jeunes communistes, dont un groupe venant de La Courneuve et des communes environnantes. Georges Gaudray y retrouve Jean Suret-Canale.
Paris. La prison militaire du Cherche-Midi en 1903. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Paris. La prison militaire du Cherche-Midi en 1903.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 29 novembre, le tribunal militaire allemand de Paris le condamne à trois mois d’emprisonnement, comme Maurice Courteaux. Le 5 décembre, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; au quartier allemand ?

À l’expiration de sa peine (le 21 février 1941 ?), il est libéré.

Le 17 octobre 1941, il est embauché comme manœuvre “gros travaux” à l’usine de la Société Rateau de La Courneuve, la plus grande implantée alors sur la commune.

Le 28 avril 1942, Georges Gaudray est arrêté dans l’atelier où il travaille. À l’extérieur de l’usine l’attendent « dix inspecteurs de police et deux agents de la Gestapo » (ou des Feldgendarmes ?). Il est conduit en autobus à la mairie du 18e arrondissement, puis à l’école militaire. Il a été pris comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée dans le département de la Seine par les « autorités d’occupation », avec le concours de la police française et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une poursuite judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine, parmi lesquels beaucoup de jeunes gens comme Georges Gaudray et Maurice Courteaux.

Le jour même, Georges Gaudray est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmach (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Georges Gaudray est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45577 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Georges Gaudray est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Appartenant à une équipe de travailleurs spécialisés (?) pouvant circuler dans la grande enceinte du camp, Georges Gaudray assume une part de responsabilité dans l’organisation de résistance des Français, notamment pour la solidarité avec les “31000”.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, Georges Gaudray est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues -
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Georges Gaudray est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 7 septembre, il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [3] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw. Il y est enregistré sous le matricule 40998.

En février 1945, ce camp est évacué devant la poussée des troupes soviétiques. Georges Gaudray est parmi les quinze “45000” dirigés sur le complexe de Dora-Mittelbau. Ce camp est évacué à son tour le 11 avril 1945. Avec Louis Cerceau et Marcel Cimier, Georges Gaudray se trouve dans un groupe de détenus amenés en train jusqu’au KL Neuengamme.

Ce camp étant également vidé, ils se retrouvent dans une colonne amenée à pied jusqu’au port de Lübeck. Georges Gaudray et Louis Cerceau sont embarqués sur le cargo Athen avant d’être transbordé sur le Cap Arcona, un grand paquebot de luxe amarré dans la baie. L’objectif des nazis est très probablement de torpiller ce qui est devenu un camp de concentration flottant. Le 3 mai dans l’après-midi, les quatre navires allemands présents dans la baie sont bombardés par l’aviation anglaise. Le Cap Arcona prend feu, chavire et s’échoue. Sur 4500 déportés, la plupart entassés dans les cales, il n’y a que 350 rescapés : Georges Gaudray et Louis Cerceau sont du nombre.

Ses camarades l’avaient surnommé « Trompe-la-mort »…

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Le 22 mai, Georges Gaudray est de retour chez ses parents.

Le 1er juin suivant, il se présente au bureau du chef du personnel de l’usine Rateau, lui relatant son histoire et lui présentant plusieurs attestations.

Le 13 octobre 1945 à La Courneuve, Georges Gaudray se marie avec Mauricette Sylvette Lacombe.

Au printemps 1956, il vit à Puimisson (Hérault – 34). En août suivant, il habite dans un logement HLM à Pézenas (34). Cette année-là, il sollicite l’attribution du titre de Déporté résistant.

Pendant un temps, il habite Carcassonne (Aude).

Georges Gaudray décède le 23 février 1978 à Montpellier (34), âgé de 57 ans.

Notes :

[1] La Courneuve : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La prison militaire du Cherche-Midi a été détruite en 1964. La Maison des sciences de l’homme lui a succédé. Face au n°35 de la rue, une plaque dans le sol rappelle l’existence de la prison.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 218, 350, 352, 358, 385 et 405.
- Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 21.
- Archives communales de La Courneuve : registres de recensement de 1936 et de 1945, listes de déportés (4H126).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 612-593), extraits transmis par Laurent Thiery, historien à La Coupole, directeur scientifique du Dictionnaire biographique Mittelbau-Dora (message 01-2019).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) : registre de main courante du commissariat de police d’Aubervilliers (CB 82 20, les 10-16-17-09-1940, n° 1374).
- Jean Suret-Canale, Le Patriote-Résistant, mensuel de la FNDIRP, mai 2004.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.