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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Gabriel, Henri, Rey naît le 22 mars 1891 à Paris 18e, chez ses parents, Jean Rey, 53 ans, compositeur typographe, et Aline Dupont, son épouse, 43 ans, domiciliés au 66, rue Myrha (tous deux seront décédés au moment de l’arrestation de leur fils).

Ayant accomplit son service militaire en 1911, Gabriel Rey est mobilisé au cours de la guerre 1914-1918. Le 17 avril 1917, il est blessé à l’ennemi dans le secteur de Moronvilliers (Marne), au début de la bataille des monts de Champagne, ce qui lui vaut la citation suivante (n° 736) : « Caporal énergique et brave, a entraîné ses hommes à l’assaut des troupes ennemies ». Il est titulaire de la Croix de guerre.

Le 10 février 1917 à Thiais (Val-de-Marne), Gabriel Rey se marie avec Yvonne Beaumain, née le 27 mai 1895 à Paris 18e. Ils n’ont pas d’enfant.

Au moment de l’arrestation de Gabriel, le couple est domicilié au 21, rue de la République à Villeparisis (Seine-et-Marne – 77) – dans le « Vieux pays » -, locataire d’un appartement de quatre pièces.

Carte militaire éditée en 1920 (reprise d’une édition antérieure), avant le développement des lotissements. Collection Mémoire Vive.

Carte militaire éditée en 1920 (reprise d’une édition antérieure), avant le développement des lotissements.
Collection Mémoire Vive.

Ayant probablement une formation de comptable, Gabriel Rey est – à partir de 1924 – enquêteur commercial pour le compte de plusieurs établissements, notamment le Crédit du commerce, 129, boulevard de Sébastopol, à Paris, et la Maison Piquet, 70, boulevard de Sébastopol.

Gabriel Rey adhère au Parti communiste en janvier 1937. Avant-guerre, il est considéré comme un militant par la police française. Pourtant, lui-même (relayé par son épouse) déclarera n’avoir aucune activité notable.

Au début juin 1940, convoqué dans le bureau du commissaire de police de la circonscription de Villeparisis, Gabriel Rey déclare ne se livrer à aucune propagande active, mais avoir conservé « ses anciennes idées », si l’on en croit le rapport de ce fonctionnaire.

Au retour de l’Exode, Gabriel Rey reste six mois au chômage. À la veille de son arrestation, il n’est employé que quatre après-midi par semaine. Il a trouvé une place de comptable dans une coopérative agricole de l’Yonne, mais n’aura pas le temps de déménager pour rejoindre cet emploi.

Dans la nuit du 19 au 20 octobre 1941, Gabriel Rey est appréhendé à son domicile par des Feldgendarmes, en même temps qu’Albert Bonvalet et Antoine Carrier (qui seront déportés avec lui et mourront à Auschwitz), au cours d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant à l’encontre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – meules, hangars – ayant eu lieu dans le département.

Gabriel Rey est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1808, il est assigné au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 4 novembre, Gabriel Rey adresse une lettre au préfet de Seine-et-Marne, dans lequel il reconnaît avoir été adhérent du PCF : « …mais, depuis la guerre, je me suis désolidarisé avec la Russie soviétique et, depuis juin 1940, à la lumière des évènements, j’ai compris la situation tragique de mon pays et suis devenu, comme ancien combattant et blessé de la guerre 1914-1918, partisan de la politique du Maréchal Pétain… ». De son côté, son épouse multiplie les démarches et les courriers auprès des autorités compétentes afin d’obtenir sa libération.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels Gabriel Rey.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Fin juin, quelques Seine-et-Marnais sont libérés après examen de leur situation par une commission militaire allemande, tel Antony Lefèvre, ancien maire communiste de Courtry.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gabriel Rey est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 46052 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gabriel Rey.

Il meurt à Auschwitz le 6 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Dès le 14 septembre 1942, dans une lettre prémonitoire adressée au préfet de Seine-et-Marne, Yvonne Rey avait écrit : « … maintenant, ces malheureux sont voués à la mort puisque mon mari avec d’autres est parti de Compiègne depuis le 4 juillet pour une destination inconnue. Depuis, je suis sans nouvelles et perd espoir de ne jamais revoir mon mari. […] qu’importe qu’un ancien combattant aille mourir dans un camp quelconque en Pologne, en Silésie ou ailleurs ».

Le nom de Gabriel Rey est inscrit sur une stèle commémorative déposée devant le Musée d’Histoire locale, dans le parc Honoré de Balzac, à Villeparisis, en hommage à deux Villeparisiens morts en camp de déportation et à un Villeparisien fusillé (plaque inaugurée le 27 avril 2003 en remplacement d’une plaque apposée initialement sur un arbre ramené du camp de Mauthausen et planté place Henri-Barbusse, puis abattu suite à la tempête de décembre 1999).

La mention “Mort en déportation” est apposée en marge de l’acte de décès de Gabriel Rey (J.O. du 14-12-1997).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 418.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 18e arrondissement à la date du 25-03-1891 (registre V4E 7566, acte n° 1371, vue 14/31).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; arrestations allemandes, secteur de Meaux, dossiers individuels M-Z (Sc51228).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1004 (34635/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 77-Villeparisis, relevé de Claude Richard (08-2013).
- Site Villeparisis Histoire.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.