- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Eugène Prout naît le 23 janvier 1901 à Pont-Audemer (Eure – 27).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 10, rue de l’Amitié à Rouen (Seine-Maritime [1] – 76).
Marié, il a deux filles : Madeleine et Jacqueline.
Il est ouvrier du Textile, puis du Bâtiment.
Communiste, il est membre de la cellule Lecourt. Il appartient à la Commission exécutive, puis au Bureau de l’UL-CGT, et enfin à la commission exécutive de l’Union départementale CGT (selon le Maitron). En 1939, il est permanent syndical (du Bâtiment ?) pour Rouen et sa région, selon le témoignage de sa fille, Jacqueline.
Le 6 octobre 1940, après une perquisition à son domicile, Eugène Prout est arrêté sur le chantier où il travaille par la police française, à la demande de la Feldkommandantur de Rouen (comme Charles Godot).
Le 26 novembre suivant, le Tribunal correctionnel de Rouen condamne Charles Godot et Eugène Prout à un an d’emprisonnement et à 100 francs d’amende pour « reconstitution d’organisation dissoute », en même temps que Louis Creignou, René Godebin, Louis Levillain et Vitorio Loranzo. Paul Lemarchand, docker, alors en fuite, est condamné à 18 mois de prison par défaut. Le Ministère public fait appel (?).
Eugène Prout purge sa peine à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen.
- Rouen, la prison Bonne-Nouvelle.
Carte postale des années 1900.
À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré.
Le 11 octobre 1941, mis à disposition des autorités d’occupation à leur demande, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager). Le 8 décembre 1941, il figure sur une liste de 28 communistes à « transférer vers l’Est », établie par la Feldkommandantur de Rouen.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Eugène Prout est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46020.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale”. Le contexte y est plus meurtrier. Eugène Prout est assigné au Block 7.
Le 19 septembre 1942, René Demerseman assiste à son assassinat : « Il avait les jambes enflées, incapable de travailler. Tué à coups de bâton derrière la nuque ».
Une attestation du Front national [3] établit son appartenance à la Résistance.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 418.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime réalisée en 2000 à Rouen, citant : Questionnaire rempli par Jacqueline Vigor, sa fille (1987/90), qui communique également des attestations (Front national, Jugement du Tribunal), et des documents(lettre de la prison de Rouen, lettre jetée du train) – Liste établie par la CGT – Listes du Musée d’Auschwitz (V n° 31935 – S n° 281) – Document allemand du SD, feuillet 55 – Fiches d’otages, Centre de documentation juive contemporaine, Paris.
Archives départementales d’Eure, archives en ligne, état civil de Pont-Audemer, registre des naissances de l’année 1901, acte n°16 (cote cote 8 Mi 5448, vue 378/732).
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 39, p. 24.
Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, cabinet du préfet 1940-1946 (cote à vérifier : 51 w …), recherches conduites avec Catherine Voranger.
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-56.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 968 (31935/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 30-04-2014)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs du Reich ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.
À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).
[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).