
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Camille, Marcel, Yol (surnom ou pseudonyme “Daniel” ? à vérifier) naît le 25 février 1901 à Bois-Colombes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Camille Yol, 30 ans, mécanicien (absent), et Marie, Alice, Charlet ou Charlot, son épouse, 21 ans, domiciliés au 83, rue des Bourguignons. Dans le courant de l’année, la famille emménage au 14, rue Mertens. Le 9 mars suivant, le père du nouveau-né, alors électricien-wattman, décède prématurément au 1, rue Cabanis (Paris 14e), à « huit heures un quart » (tué dans un accident professionnel ?) ; les témoins pour l’inscription de ce décès à l’état civil sont deux employés demeurant au 1, rue Cabanis. Plus tard, la mère du jeune Camille, remariée le 14 mars 1908 à Paris 10e, habitera au 3, rue du Clos (Paris 20e).
Le 26 août 1920, à la mairie du 15e arrondissement, Camille Yol fils se marie avec Zéline Reiset. Au moment de son arrestation, il est domicilié au 32, rue Jullien à Vanves [1] (92).
Le 5 avril 1921, afin d’accomplir son service militaire, il est incorporé (comme « artilleur » ?) au groupe de repérage du 1er groupe autonome d’artillerie (GAA) en garnison au fort de Montmorency, dans la forêt du même nom (Val-d’Oise), y arrivant quatre jours plus tard. Le 15 mai 1923, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En 1922, il a été inscrit sur les listes électorales de Vanves.
Il est électricien.
Le 1er septembre 1939, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, il est affecté à la batterie de repérage n° 15 du 6e GAA, basée au quartier Sully, à Saint-Cloud (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine), où il arrive dix jours plus tard. Il part aux armées le 18 septembre. Le 1er février 1940, il est nommé 1re classe et brigadier à compter du 16 mai. Il est démobilisé le 24 août suivant.
Sous, l’occupation, il est considéré par les Renseignements Généraux comme un « meneur communiste très actif ».
Le 27 juin 1941, il est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations ciblées visant des militants ouvriers : le préfet de police de Paris a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif. Ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. Daniel Yol est livré aux autorités d’occupation et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police [2].

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – situé sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.
Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Daniel Yol est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46210 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Il meurt à Auschwitz le 29 novembre 1942, d’après les registres du camp [3].
Son nom est inscrit sur le Monument élevé « en mémoire des victimes vanvéennes du nazisme » dans le square de la place de l’Insurrection.
À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Vanves donne son nom à une rue de la commune (r. Marcel-Yol).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 248 du 24-10-1993).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 384 et 423.
Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Bois-Colombes, année 1901 (E NUM BOC N1901), acte n° 33 (vue 11/70).
Archives de Paris ; registres des matricules du recrutement militaire, classe 1921, 3e bureau de la Seine, volume 6001-6500 (D4R1 2273), n° 6158.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397).
Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
Site Mémorial GenWeb, 92-Vanves, relevé de Véronique Canova (04-2006).
Archives municipales de Vanves, listes électorales.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-11-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Bois-Colombes et Vanves : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] L’ “Aktion Theoderich” :
L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :
Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Daniel Yol, c’est le 31 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.