Daniel Germa naît le 27 décembre 1923 à Vitry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-Marne). Son père, Pierre Germa, décède prématurément en 1934, des graves séquelles des gaz de combat qui l’ont atteint en 1914-1918. Les enfants deviennent pupilles de la Nation. Sa mère, Blanche, née Petitmangin le 7 juillet 1890 à Paris 13e, travaille comme employée communale aux bains-douches de Vitry. Il a une sœur, Jacqueline, née en 1918, un frère plus âgé, Lucien, né le 11 août 1921 à Vitry, et un autre plus jeune, Michel, né en 1929.

De 1936 à la guerre, la famille est domiciliée au 7, voie Broca à Vitry, dans un pavillon dont la mère est propriétaire.

Métallo, Daniel Germa est tourneur à la Fonderie Technique de Vitry, voie Ampère.

Sous l’occupation, il est actif au sein des Jeunesses communistes clandestines, avec son frère Lucien, Ginette Mateos, Maurice Coulin fils… Son groupe fabrique des “papillons”, entre autres avec l’imprimerie en jouet de son jeune frère Michel.

Le 3 septembre 1940, le commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi constate « l’exposition d’une oriflamme de l’ex-parti communiste sur des fils télégraphiques avenue de la République à Fresnes, et de nombreuses inscriptions séditieuses peintes au minium sur la chaussée et sur les murs ». Le lendemain, 4 septembre, accompagné de trois inspecteurs, il procède à l’arrestation à leurs domiciles respectifs de trois “individus” : André Ch., 20 ans, de Fresnes, Raymond Saint-Lary, 20 ans, de Fresnes, et Lucien Germa, jeune frère de Daniel. Les deux premiers reconnaissent les faits et, chez André Ch., le commissaire de police découvre « des pots de peinture semblable à celle des inscriptions et un fragment de la baguette en bois [ayant] servi à confectionner le support de l’oriflamme ». Au domicile de Saint-Lary, il trouve quelques tracts, dont certains datant d’août 1940 (après les débuts de l’occupation). Lucien Germa nie toute participation, mais André Ch. le met formellement en cause comme étant « l’agent des ex-Jeunesses communistes chargé de transmettre les ordres concernant la propagande et d’en vérifier l’exécution ». Et la perquisition menée à son domicile amène la découverte d’« un millier de papillons communistes prêts à être collés ». Les trois jeunes gens sont conduits au dépôt de la préfecture le lendemain.

Le 5 novembre, un tribunal militaire allemand condamne Daniel Germa à quatre mois d’emprisonnement et à une forte amende – qui sera payée par la solidarité. Il est écroué à la prison militaire du Cherche-Midi, réquisitionnée par l’occupant. Il est libéré le 8 janvier 1941 et reprend la lutte clandestine dans l’équipe de Raymond Jeannot (sabotages, etc.). Il organise la diffusion de L’Avant-Garde clandestine par des jeunes communistes, par exemple aux usines Caudron de Boulogne-Billancourt.

Le commissaire de la circonscription d’Ivry-sur-Seine considère Daniel Germa comme un « meneur très actif  des ex-Jeunesses communistes de Vitry-sur-Seine pouvant faire l’objet d’une mesure d’internement administratif ».

Le 14 juillet 1941, le jeune homme est arrêté par des agents du commissariat d’Ivry lors d’une vague d’arrestations menée par la police française à la suite d’une manifestation patriotique organisée sur les Grands boulevards parisiens par les Jeunesses communistes. Le lendemain, 15 juillet, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Daniel Germa est conduit comme « détenu communiste » à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier (Paris 20e), “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police, en attendant son transfert dans un centre de séjour surveillé. Enregistré sous le matricule n° 85, il est assigné au bâtiment A, chambre 17.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre. Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ». Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre.
Partagée avec l’armée allemande au début de l’occupation, elle servit surtout à interner les « indésirables étrangers ».
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dès le 18 juillet, Daniel Germa écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, au motif qu’il a « été arrêté sans aucun motif » et que, par son salaire, il apporte un soutien essentiel à sa mère veuve « obligée de travailler durement pour nourrir sa nombreuse famille ». Le 9 août, les Renseignements généraux, ayant été interrogés par le cabinet du préfet de police, lui répondent : « Dans les circonstances actuelles, il ne semble pas que la mesure d’internement prise à son égard puisse être reportée » ; en d’autres termes, c’est un refus.

Le 27 août 1941, ayant constaté une recrudescence de l’activité communiste clandestine à Saint-Ouen et dans les communes voisines, les services de la préfecture de police ont ouvert une enquête au terme de laquelle ils procèdent à l’arrestation de sept militants, dont Lucien Germa, alors domicilié au 19 rue de Turenne, à Paris 4e. Les perquisitions menées alors amènent la saisie d’une machine à ronéotyper Gestetner, d’un appareil duplicateur, de 200 stencils vierges et utilisés et d’environ 12000 tracts prêts à être distribués. Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, six d’entre eux dont Germa sont conduits au Dépôt à disposition du procureur de la République. Lucien Germa est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e. Le 21 novembre 1941, la Section spéciale de la Cour d’appel de Paris condamne Lucien Germa à dix ans de travaux forcés pour activités communistes. Il est successivement transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes, à la Maison centrale de Fontevraut puis à celle de Blois.

Aux Tourelles, un détenu qui a fait le portrait au crayon de plusieurs internés des Tourelles, généralement à partir de photographies, A. Touchov (ou Altenchov), dessine celui de Daniel Germa le 30 mars 1942. Son frère cadet Michel lui rend plusieurs visites.

Le 5 mai 1942 à 4 heures du matin, Daniel Germa fait partie des 24 internés des Tourelles que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire, par le train de 5 h 50 pris à la Gare du Nord, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 1592, il est assigné au bâtiment C 1. Le 7 mai, Daniel Germa envoie une lettre clandestine à sa mère depuis ce camp.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Daniel Germa jette un message qui parviendra à sa mère, dans lequel il précise qu’il part avec son ami Jean (Hernando) et demandant qu’elle prévienne la mère de celui-ci.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Daniel Germa est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45594 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Daniel Germa est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Le 1er novembre 1942, dans la chambrée (Stube) n°3 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) – où se trouvent également Marcel Colin, Albert Faugeron, Marcel Lenglet, Marcel Nonnet,Marcel Nouvian, Jean Paupy, Gaston Sansoulet et Georges Vinsous -, Daniel Germa reçoit six gouttes d’un bactéricide, l’Anisine. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

On ignore la date exacte de la mort de Michel Germa à Birkenau ; très certainement avant la mi-mars 1943 [2].

(aucun des treize “45000” de Vitry n’est revenu).

Son frère Lucien, remis aux autorités allemandes au camp de Royallieu à Compiègne, a été déporté au KL Mauthausen le 19 février 1944. Ayant survécu, il a été rapatrié le 22 mai 1945. Le 8 septembre suivant, à Paris 13e, il se marie avec Maria de Los Angeles Matéos, dite Ginette, née le 4 mai 1818 à Casillas de Flores, qui prendra la nationalité française par ce mariage. Arrêtée en 1941, elle est arrêté pour propagande communiste clandestine, condamnée à huit ans de travaux forcés et déportée à Ravensbrück.

Le nom de Daniel Germa est inscrit sur le monument « À la mémoire de Vitriotes et des Vitriots exterminés dans les camps nazis » situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

Notes :

[1] Vitry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La date inscrite par l’état civil en France : dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Ainsi a été établie la date du 15 décembre 1942 pour Daniel Germa.

La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Informations collectées par José Martin (frère d’Angel Martin) pour Roger Arnould (FNDIRP), 1973.
- 1939-1945, La Résistance à Vitry, Ville de Vitry-sur-Seine, 1992, pages 11 et 19.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 390 et 405.
- Roger Arnould, article paru dans le journal de la FNDIRP, Le Patriote Résistant, n° 511, mai 1982.
- Michel Germa, témoignage in De l’occupation à la Libération, témoignages et documents, brochure édité par la Ville de Vitry-sur-Seine, pour le 50e anniversaire de la Libération, septembre 1994, pages 8, 13.
- Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne, fonds Germa.
- Boris Dänzer-Kantof, historien, échange téléphonique (10-03-2008).
- Archives communales de Vitry-sur-Seine, listes de recensement 1936.
- Archives de la préfecture de police de Paris, carton “Occupation allemande” BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Registre des détenus ayant reçu des médicaments à Birkenau, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, copies transmise par André Nouvian.
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-04-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.