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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Charles, Jean, Raymond, Bonnel naît le 7 novembre 1906 à Paris 11e arrondissement, fils d’Émile Bonnel et de Marguerite Remondez, née le 7 décembre 1886 à Rosny-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Il a un frère, Jean, né en juillet 1910. Sa mère s’étant remariée avec M. Garrigues, elle donne naissance à une fille, Gisèle, née le 8 janvier 1931, sa demi-sœur.

Dans sa jeunesse, il a une violente altercation avec la police : plutôt que d’aller en prison, il s’engage dans la Légion étrangère.

Le 29 novembre 1930 à Rosny-sous-Bois, il épouse Marie Anne Kessler. Ils ont un enfant.

En 1932, il se marie avec Mireille Hachmann, née en mars 1907 à Rosny-sous-Bois. Ils n’ont pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Charles Bonnel est domicilié au 14, rue de Paris à Rosny-sous-Bois.

Il est plombier de profession, mais – avant guerre – il est permanent du syndicat CGT au niveau régional (Île-de-france). Il a été actif lors des grèves de 1936.

Pendant un temps, il est secrétaire de la section communiste de Rosny-sous-Bois. Mireille, son épouse, est également une militante communiste.

Sous l’occupation, il reste actif au sein du PC et de la CGT clandestine. La police signale qu’il « se livre à une active propagande ».

Le 26 octobre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour même, il est interpellé à son domicile et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Aincourt
Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le 11 février 1942, Charles Bonnel fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Bonnel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Charles Bonnel jette sur la voie un message qui parviendra à sa famille.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Bonnel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45273 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Charles Bonnel est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est admis au Block 28 (médecine interne) de l’hôpital.

Charles Bonnel meurt à Auschwitz le 12 août 1942, selon les registres du camp ; cinq semaines après l’arrivée du convoi, du typhus selon certains rescapés (non identifiés). L’acte de décès établi par l’administration SS du camp indique pour cause (mensongère) de sa mort : « Faiblesse cardiaque et circulatoire ».

Sa famille sollicite une intervention de Fernand de Brinon [3], ministre du gouvernement Pétain et ambassadeur auprès des autorités occupantes, afin d’obtenir de ses nouvelles. Elle ignorera sa présence à Auschwitz.

Charles Bonnel est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Rosny-sous-Bois, place des Martyrs de la Résistance et de la Déportation, comme « Civil Mort pour la France » (?).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30-09-1987).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 396.
- Messages de sa nièce, Évelyne Lardeux, fille de sa sœur Gisèle (11-2008).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), chemise “liste des personnes se livrant à une activité de propagande” (BA 2447).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1W76, 1W80, 1W93 (notice individuelle).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 117 (19976/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), relevé dans les archives (01-2009).
- Site Mémorial GenWeb, Rosny-sous-Bois, relevé de Christiane Level-Debray (02/2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-10-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Rosny-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[3] De Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur statut “NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).