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IDENTIFICATION INCERTAINE…
(il faudrait comparer avec son portrait civil)
Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Charles, Victor, Cécile, Bachelet naît le 23 août 1895 au Grand-Quevilly (Seine-Maritime [1] – 76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine, chez ses parents, Léon Bachelet, 28 ans, maçon, et Louise Monlaurd, son épouse, 28 ans, tisseuse ; un des deux témoins pour l’enregistrement à l’état civil est Adolphe Bachelet, 52 ans, jardinier.

Pendant un temps, Charles Bachelet travaille comme journalier.

De la classe 1915, il est incorporé le 19 décembre 1914 au 36e régiment d’infanterie. Le 30 avril 1916, il passe au 19e ou au 39e R.I. Le 16 décembre, il est évacué malade jusqu’au 15 janvier 1915. Il est de nouveau évacué malade du 27 avril au 28 mai 1917, puis du 6 au 28 janvier 1918, du 30 mars au 1er mai, du 20 mai au 18 juin. Il est blessé plusieurs fois dans les combats. Le 1er janvier, puis de nouveau le 30 novembre 1918, il est cité à l’ordre du régiment. Il est décoré de la Croix de guerre. Le 10 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Grand-Quevilly, au 13, rue Sadi-Carnot, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 26 juin 1920 à Petit-Quevilly, il épouse Alphonsine Fleury, tisseuse. Ils ont deux filles, dont Irène, née le 24 avril 1922.

En mars 1921, le couple habite au 10, rue de la Mouville (ou de la Nouvelle … ?) à Grand-Quevilly. En novembre 1923, la famille demeure au 18, rue saint-Julien, à Rouen.

En mai 1928 et jusqu’au moment de son arrestation, Charles Bachelet est domicilié au 125, rue Sadi-Carnot, à Grand-Quevilly. Il héberge alors sa propre mère.

En décembre 1925, il se déclare boiseur-cimentier, puis, en en 1928 et 1937, charpentier en bois (cheminot selon L. Eudier ou papetier selon L. Jouvin).

Il milite à la CGT et au Parti communiste.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Charles Bachelet…Le 22 octobre 1941, il est arrêté lors de la grande rafle des adhérents communistes et syndicalistes de l’agglomération rouennaise [2], puis interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager ). Il y est enregistré sous le matricule n° 2038.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Bachelet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45188, selon les listes reconstituées, la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée ; selon son arrière-petit-fille, il y a un air de famille certain.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Charles Bachelet meurt à Auschwitz le 6 septembre 1942, d’après les registres du camp [4].

Son épouse a reçu la carte-formulaire envoyée à plusieurs familles le 15 juillet 1942 par l’administration militaire allemande du Frontstalag 122.

Charles Bachelet est homologué comme “Déporté politique” (n° 1176 0465 – 4/06/1955).

À Grand-Quevilly, son nom est inscrit parmi les morts en déportation sous la plaque de la rue des Martyrs de la Résistance.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Charles Bachelet (J.O. du 7-06-1987).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 377 et 394.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : liste établie par Louis Jouvin (45697), 1972 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Stéphanie Launay, son arrière-petite-fille, message (06-2008).
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date, page 42 et listes à la fin de son livre.
- Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne, registre des naissances de Grand-Quevilly, année 1895 (cote 4E 11974), acte n° 76 (vue 74/14) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1914 (cote 1 R 3397), matricule 1078.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Aa à Bl (cote 51 W 410), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis Jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 38 (28318/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-07-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste).

Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941.

Beaucoup des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent. Quarante-quatre furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

(*) Cent cinquante selon la brochure 30 ans de luttes, éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.

À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Charles Bachelet, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.