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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oświęcim, Pologne. 
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Arthur Fleury naît le le 18 janvier 1901 à Harfleur (Seine-Maritime [1] – 76), à l’est de l’agglomération du Havre, fils d’Achille Fleury et de Louise Blondel, son épouse.

Le 22 janvier 1921, Arthur Fleury se marie avec Aimée, Augustine, Guest. Ils ont deux enfants : Raymonde et Maurice, né en 1924.

Au moment de son arrestation, Arthur Fleury est domicilié au 18, rue des Barrières à Harfleur.

Il adhère au Parti communiste en 1922.

Durant les grèves de 1922, alors qu’il effectue son service militaire, il est arrêté, cours de la République, au Havre : il dépavait la rue, participant à une action de force. Il est traduit en Conseil de guerre.

Vers 1927, il entre à l’Énergie Électrique du Havre comme terrassier (profession également mentionnée par Louis Eudier). Plus tard, il se déclare ouvrier de canalisation électrique haute et basse tension.

Arthur Fleury est Secrétaire du Syndicat des gaziers du Havre.

À partir de 1936, il déploie « une activité indiscutable en faveur du parti communiste », selon la police, gagnant « une certaine autorité auprès des ouvriers d’Harfleur ».

« Pendant les mouvements sociaux de 1936 et 1938, Fleury [assiste] à toutes les réunions organisées par le parti communiste. Il [est] à la tête de toutes les manifestations de rue, il [propage] les mots d’ordre parmi les piquets de grève stationnés aux portes des usines de Gonfreville-l’Orcher, d’Harfleur et de Gournay. »

En 1937, il est élu conseiller municipal d’Harfleur sur la liste présentée par le parti communiste.

En septembre 1939, après la déclaration de guerre, il est possible qu’il soit mobilisé (“affecté spécial” sur son poste de travail ? à vérifier…)

En 1940, il doit se démettre de son mandat syndical. En début d’année, il est également déchu de son mandat électif par arrêté préfectoral.

Sous l’occupation, Arthur Fleury participe à des coups de main armés, sous le nom de guerre de “Prosper”.

Le 22 octobre 1941, à 4 heures du matin, des gendarmes de la brigade d’Harfleur l’arrêtent à son domicile, à la demande de la police spéciale du Havre. « Ils l’emmènent en bras de chemise et toucheront pour cela chacun 10 000 F » selon le témoignage de sa fille. La perquisition effectuée alors ne permet la découverte d’aucun élément compromettant. Il est conduit au quartier allemand de la prison du Havre. Officiellement, il est détenu « sur ordre préfectoral »,

Le 22 décembre suivant, il est transféré à Rouen (?) et interné dès le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise – 60). Il y est enregistré sous le matricule 2301 et affecté pendant un temps au bâtiment A7, puis (?) au A5.

Le 22 avril 1942, sa fille Raymonde, épouse Gore, adresse au préfet de Seine-Inférieure une demande de libération sous forme d’une intervention auprès des « autorités occupantes » en la justifiant du fait qu’elle attend un bébé pour le début du mois de mai. Dans un courrier rédigé deux jours plus tard, Arthur Fleury réitère cette demande en “se référant” à l’avis du directeur de son entreprise et à celui du maire d’Harfleur. « Au moment où plusieurs de mes camarades sont tombés victimes du raid du 16 avril, je sollicite de votre bienveillance le droit de reprendre ma place. » La graphie des deux courriers est identique et le papier provient du même cahier ou bloc-notes dont on a arraché des pages : qui, du père ou de la fille, est le rédacteur de ces messages ?

Le préfet interroge le sous-préfet du Havre, qui lui-même demande un rapport au commissaire principal, chef du service des Renseignements généraux du Havre, lequel indique que « de l’avis même du maire d’Harfleur, Fleury, en cette période actuelle, peut être considéré comme un individu dangereux pour l’ordre national. » Le policier conclue « En raison des antécédents politiques surindiqués, je ne peux qu’émettre un avis défavorable à la demande présentée… ». Le sous-préfet transmet à Rouen un avis « conforme » et finalement, quand son cabinet transmet une note au préfet en l’interrogeant, « quelle suite doit-on donner à cette affaire ? », celui-ci conclue : « Aucune ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Arthur Fleury est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Arthur Fleury et Louis Eudier, du Havre, décident de rédiger un message commun pour prévenir leur familles respectives de leur départ « vers l’Allemagne ». Enfermé dans une boîte à fromage et jeté sur le ballast aux bons soins des cheminots, celui-ci sera acheminé à ses destinataires.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Arthur Fleury est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45545. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Arthur Fleury meurt le 11 août 1942, au Revier d’Auschwitz [3], selon les registres du camp ; cinq semaines après l’arrivée de son convoi.

Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français, essentiellement des “45000” rescapés, Louis Eudier reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille. L’épouse d’Arthur Fleury, sachant que son mari est parti avec Louis Eudier mais n’ayant pas reçu de courrier de son côté, fait demander de ses nouvelles à la mère de ce dernier. Louis Eudier ruse et écrit dans sa deuxième carte : « Tu diras bien le bonjour à Madame Veuve Fleury ». Celle-ci s’adresse alors directement à l’administration du camp pour demander des informations sur les circonstances de la mort de son époux. À Auschwitz, Louis Eudier est convoqué dans les bureaux de la police politique du camp où il parvient à se disculper de cette “fuite”, non sans avoir reçu coups et menaces.

Arthur Fleury est homologué comme “Déporté politique”.

Un groupe scolaire d’une cité havraise porte son nom, de même qu’une rue d’Harfleur, et une voie à Lindon (?) (Allemagne, ancienne DDR).

Sources :

- Son nom (orthographié « FLOURY ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60. 
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 375 et 404. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime (2002), citant : Témoignage de Madame R. Le Bourhis, sa fille – Ouvrage “La mémoire du printemps”, Harfleur ,1985 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur, 18/6/1992) – Documents de Roger Arnould. 
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 28, p. 72. 
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, au Havre (1977 ?), page 3, 42 et 43, listes à la fin du livre. 
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Dh à F (cote 51 W 415), recherches de Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”) ; courrier 02-2014. 
- Courriel de “Renerix” (09-2007). 
- Courriel de David Fleury, arrière-petit-fils d’Arthur Fleury (10-2013). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 296 (19980/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-05-2014

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transféré au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[3] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemandHäftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.