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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Antoinette Tressard naît le 7 juin 1919 à Quimperlé (Finistère), fille unique de Louis Jean Marie Tressard, 25 ans, ferronnier d’art, et de Marie-Reine Barillon, son épouse. Matelot dans la “Royale” au cours de la Première Guerre mondiale, son père n’est démobilisé que le 30 septembre de cette année, se retirant quai Brizeux (n° 3 ?) ; marin de 1re classe mécanicien depuis son service militaire, il a été en campagne contre l’Allemagne à bord du croiseur cuirassé le Petit Thouard puis du Gascogne avant d’être affecté au bataillon (?) de servitude de Salonique, puis de finir la guerre au 2e dépôt des équipages de la Flotte à Brest.

Ses parents s’installent bientôt en région parisienne : en juillet 1921, ils habitent au 24 rue de Paris à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne). En août 1932, ils sont au 7, rue Baudry à Vanves (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Pendant un temps, son père est ouvrier aux usines Renault de Boulogne-Billancourt (92). Antoinette fait des études primaires supérieures, puis devient secrétaire.

Antoinette est de sensibilité communiste : en 1936, elle adhère au mouvement des Jeunes Filles de France.

Le 14 juin 1938, Louis Tressard est embauché comme ajusteur à la Société nationale de constructions aéronautiques de l’Ouest (SNCAO), anciennes usines Nieuport, 50 boulevard Galliéni à Issy-les-Moulineaux (Seine / Hauts-de-Seine). Peut-être y est-il secrétaire d’une cellule d’entreprise du Parti communiste…

Le 30 novembre suivant, lors de la tentative de grève générale lancée pour protester contre l’abandon des acquis du Front populaire, Louis Tressard se fait remarquer comme étant un de ses organisateurs dans son entreprise. Il reprend le travail le 12 décembre suivant (à la suite d’un “lock-out” patronal ?).

Peu avant la guerre, Antoinette Tressard quitte ses parents pour se mettre en ménage avec Marie-Émile Besseyre (l’acte de naissance indique un prénom composé), né le 7 octobre 1907 à Auxon (Aube), divorcé et père de deux enfants confiés à la garde de leur mère. Ex-peintre en Bâtiment, ayant adhéré au Parti communiste en 1931, où il est devenu militant : pendant un temps, il a été secrétaire du Rayon communiste de Vanves. Du 17 novembre 1936 au 23 août 1937, il est parti comme brigadiste en Espagne (commissaire politique de compagnie au bataillon Henri Vuillemain de la 13e brigade) ; peu après, sa première épouse et lui se séparent (divorce prononcé en octobre 1938).

Le 27 août 1939, Marie-Émile Besseyre est arrêté et conduit au commissariat de police de la circonscription de Montrouge pour distribution de tracts communistes sur la voie publique.

Quatre jours plus tard, le 1er septembre, il est rappelé à l’activité militaire et rejoint le 108e bataillon de l’Air à Dijon (Côte-d’Or). Le 28 août 1940, il est “renvoyé dans ses foyers” par le centre démobilisateur de Toulouse.

Dans la même période, Louis Tressard, le père d’Antoinette, est requis civil au titre de la mobilisation industrielle (“affectation spéciale”) dans son entreprise, produisant alors pour la Défense nationale. Peut-être la direction de celle-ci le désigne-t-elle à l’attention de la police : un rapport ultérieur signalera qu’il y est considéré comme indésirable en raison de l’activité anti-nationale et révolutionnaire qu’il déploie auprès de ses camarades de travail. Le 10 mai 1940, le commissaire de police de la circonscription de Vanves opère à son domicile une perquisition qui ne permet la découverte d’aucun document ou matériel compromettants. Néanmoins, le 29 mai suivant, ce même commissaire le signale à l’autorité militaire pour « participation à la diffusion clandestine de tracts d’inspiration communiste » ; peut-être Louis Tressard se contente-t-il de défendre verbalement la politique de l’Union soviétique sur son lieu de travail… Le ministère de l’Air demande son arrestation comme individu dangereux pour l’ordre intérieur. Celle-ci est opérée le 2 juin par le même commissaire de Vanves, sur arrêté du préfet de police (peut-être ultérieurement antidaté), en application du décret du 18 novembre 1939. Il semble être prévu que Louis Tressard soit placé en internement administratif au camp de rassemblement du château de Baillet (Seine-et-Oise), mais celui-ci recevait-il encore des détenus, ayant été vidé de 282 indésirables communistes le 28 avril, conduits au fort de Pierre-Levée sur l’île d’Yeu ? Finalement, Louis Tressard aboutit au centre de séjour surveillé de Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne), créé par décision ministérielle le 30 octobre 1940.

 Le 31 août 1940, à la mairie de Montrouge (Seine / Hauts-de-Seine), Antoinette et Marie-Émile Besseyre se marient.Dès sa démobilisation, Besseyre cherche et trouve le contact avec des militants clandestins du Parti communiste. Il est bientôt chargé de la propagande dans la région Sud de Paris.En octobre, supposant qu’il est probablement considéré comme suspect par la police en tant qu’ancien brigadiste, Besseyre demande à l’organisation clandestine du PC de lui fournir une fausse carte d’identité au nom de « Besse Marie Émile » (sic), Antoinette ne recevant pas quant à elle de faux document.En octobre toujours, le couple s’installe au 31, rue Racine à Montrouge, dans un logement loué par Marie-Émile sous le nom de Besse. Mais ils en partent en décembre suivant, sans laisser d’adresse.Selon Charlotte Delbo, le 14 juillet 1941, Marie-Émile Besseyre est blessé dans la manifestation patriotique organisée près de la station de métro Richelieu-Drouot. Il est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu, sur l’Île de la Cité, près de la préfecture de police, puis écroué à la Maison d’arrêt de Santé (Paris 14e), d’où il est relâché deux jours après.En août, Besseyre est désigné comme responsable politique à la région Paris-Nord du PC (P3).

Début décembre, Antoinette est embauchée comme dactylo au Comité d’organisation du Vêtement, au 8, rue de Richelieu.

Le 8 décembre, « à la suite de l’annonce parue dans les journaux au sujet des détracteurs communistes », Marguerite D., une ex-voisine de Marie-Émile à Vanves – au 12, rue du Chevalier de la Barre – croit bon de le dénoncer comme suspect dans un courrier signé qu’elle adresse au préfet de police [1]. « Le conflit espagnol terminé, il rentra et fut nommé enquêteur à la mairie d’Issy-les-Moulineaux, ensuite à Villejuif ; de peintre en bâtiment, il devenait fonctionnaire. » « Je ne connais pas l’adresse de sa [première] famille, mais il vous sera facile de la trouver à l’état civil ou à l’hôpital de la localité en raison du décès de sa petite fille Yvette vers la 19 ou 20 octobre 1941. » Présent aux obsèques de celle-ci, Marie-Émile ajoute aux faire part qu’il sait être objet d’une surveillance de la police. Effectivement, « son nom est tenu en observation au service des garnis ». Dans la clandestinité, il partage depuis octobre 1940, une première “planque” avec Antoinette au 97, rue de Verdun à Bagneux.

Le 18 février 1942, la police l’inscrit sur son fichier des illégaux.En mars (ou à la mi-avril), Marie-Émile Besseyre emménage dans un logement au 1bis, rue de Viroflay à Paris 15e, encore loué sous le nom de Besse,  Antoinette conservant néanmoins pendant un temps le domicile de Bagneux.
À la mi-avril, Besseyre est nommé commissaire technique au sein du triangle de direction de l’O.S. de la région parisienne [2], aux côtés de Raymond Losserand, commissaire politique, et de Gaston Carré, lui aussi ancien d’Espagne et commissaire militaire. Besseyre s’occupe notamment de la coordination des liaisons pour la distribution des armes de poing et – ayant été mécanicien d’armement sous les drapeaux – de la remise en état de celles trouvées ici ou là, et qui lui sont amenées par une jeune femme dont il dira ignorer jusqu’au pseudonyme, laquelle lui transmet également instructions et documents.Mais, depuis le 28 mars, la brigade spéciale antiterroriste des Renseignements généraux de la préfecture de police (BS2) a commencé une série de filatures au sein de l’O.S. après avoir retrouvé la piste de France Bloch-Sérazin, artificier du groupe. Dès le 4 avril, Paul Thierret, cadre au sein de l’organisation, est également repéré.Le 21 avril, deux inspecteurs de la 1re section des RG sont envoyés à |’ancienne adresse de Marie-Émile Besseyre, rue Racine à Montrouge, pour l’arrêter, mais ne l’y trouvent pas.Le premier repérage de Marie-Émile Besseyre par la BS2 a lieu – semble-t-il – le 23 avril, à 17 heures, porte de Charenton (Paris 12e), alors que le cadre clandestin fraichement désigné attend avec Raymond Losserand l’arrivée de Paul Thierret, “filé” lui-même par des inspecteurs. Ensuite, le 5, 7, 8 et 11 mai, Besseyre est vu lors de plusieurs autres rendez-vous. Son domicile est probablement rapidement repéré (“logé”) à la suite d’une filature le concernant.

Le 14 mai suivant, les Besseyre sont arrêtés dans l’appartement de la rue de Viroflay par des agents du commissariat de police de la circonscription de Puteaux dans une affaire de propagande communiste, probablement liée à la précédente responsabilité clandestine de Marie-Émile. En février précédent, l’attention des inspecteurs de ce commissariat avait été « attirée » sur Édouard Atlani, 32 ans, militant de Nanterre, ex-délégué du personnel aux usines Simca où il travaillait comme tôlier. Dès lors, celui-ci a fait l’objet de surveillances ininterrompues, prolongées par des filatures permettant l’identification de militants clandestins (vivant sous de fausses identités) avec lesquels il était en liaison dans le cadre d’activités au sein des entreprises industrielles de la banlieue Nord-Ouest : diffusion de propagande, tentatives de création de Comités populaires d’usines. Dans ce réseau de liaisons, Marie-Émile Besseyre aurait été en contact avec Maurice Dupuis, dit « Pennequin », 41 ans, militant d’Issy-les-Moulineaux, et aurait obtenu un laissez-passer au nom de Besse lui permettant de circuler dans les ateliers et services de l’usine du site Pleyel des Établissements Hotchkiss, boulevard Ornano à Saint-Denis. Lançant leur coup de filet le 13 mai, les agents du commissariat de Puteaux appréhendent au total vingt-trois militants communistes, effectuant simultanément des perquisitions à leurs domiciles respectifs. Au cours de la perquisition opérée chez les Besseyre sont trouvés quinze revolvers ou pistolets automatiques avec des munitions conservés dans une caissette, de nombreux tracts communistes, ainsi qu’une abondante documentation ayant trait à l’organisation et au fonctionnement de l’O.S. de la région parisienne, notamment un plan de répartition des différents secteurs d’actions. Marie-Émile Besseyre est aussitôt mis à la disposition de la BS 2 “antiterroriste” des RG. Celle-ci doit alors lancer son coup de filet contre les autres résistants déjà repérés dans sa propre enquête, avant qu’ils ne disparaissent en apprenant cette arrestation.

Dès le 14 mai, Marie-Émile est interrogé dans les bureaux de la BS2. Face aux armes et documents saisis chez lui, il admet sa propre activité clandestine et en donne une description, mais ne dévoile pratiquement aucune identité ; les inspecteurs, ayant déjà découvert celles des personnes qu’ils surveillaient, ne le questionnant guère sur ce point.

Le 15 mai, Antoinette Besseyre est interrogée à son tour. Elle déclare tout ignorer de l’activité clandestine de son mari : « Je ne l’ai jamais vu en possession d’armes ou de documents se rapportant à l’activité terroriste actuelle. Je pensais que, depuis sa démobilisation, il avait cessé d’être en contact avec ses anciens camarades. Mon mari a d’ailleurs toujours travaillé régulièrement. Quelque temps après sa démobilisation, il avait trouvé une place chez Hotchkiss à Saint-Denis ; il y a travaillé comme ajusteur. Il a quitté cet emploi il y a trois semaines environ ; il m’a dit qu’il avait été débauché. » « Je ne sais pas dans quel atelier il travaillait. » « Je ne connais aucun des camarades de mon mari. Nous ne recevions jamais personne à notre domicile, ni lorsque nous habitions Bagneux, ni rue de Viroflay. » Puis Antoinette est conduite au dépôt de la préfecture de police.

Le 16 mai, Raymond Losserand, Gaston Carré, Henri Douillot, et près de 70 résistants sont appréhendés.

Le 16 septembre, vingt-deux hommes et une femme, France Sérazin, sont déférés pour une première audience devant le Tribunal militaire allemand du Gross Paris, siégeant rue Boissy-d’Anglas (Paris 8e). Le jugement est rendu le 30 septembre : cinq sont condamnés à des peines de prison et vingt-trois à la peine de mort pour activité de francs-tireurs, dont Marie-Émile Besseyre, Raymond Losserand, Henri Douillot, Gaston Carré et France Bloch-Sérazin.

Le 21 octobre, quinze condamnés, dont Raymond Losserand, sont fusillés au champ de tir du ministère de l’Air à Issy-les-Moulineaux, dit aussi stand de tir de Balard [3].

Les épouses de ces résistants n’ont pas comparu devant le tribunal. Mais, le 10 juillet précédent, Carl Oberg, chef supérieur de la SS et de la police (HSSPf) en France a édicté un avis affiché sur les murs : « … j’ai constaté que ce sont surtout les proches parents des auteurs d’attentats, des saboteurs et des fauteurs de troubles qui les ont aidés avant ou après le forfait. Je me suis donc décidé à frapper des peines les plus sévères non seulement les auteurs d’attentats, les saboteurs et les fauteurs de troubles eux-mêmes une fois arrêtés, mais aussi, en cas de fuite, aussitôt les noms des fuyards connus, les familles de ces criminels, s’ils ne se présentent pas dans les dix jours après le forfait à un service de police allemand ou français.
Par conséquent, j’annonce les peines suivantes : 1.) Tous les proches parents masculins en ligne ascendante et descendante ainsi que les beaux-frères et cousins à partir de 15 ans seront fusillés. 2.) Toutes les femmes du même degré de parenté seront condamnées aux travaux forcés. 3.) Tous les enfants, jusqu’à 17 ans révolus, des hommes et des femmes frappés par ces mesures seront remis à une maison d’éducation surveillée… »

Le 27 octobre, Antoinette fait partie du groupe des détenus de son affaire – dont neuf femmes déportées avec elle (Marie-Louise Losserand, Charlotte Douillot…) – transférés au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 1105.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).
Le lendemain, Antoinette Besseyre fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [4] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Antoinette Besseyre y est enregistrée sous le matricule 31763. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.Pendant deux semaines, les “31000” sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.Le 3 février, la plupart d’entre elles sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Antoinette Besseyre a été retrouvée).Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises.
Le 3 août, Antoinette est parmi les survivantes placées en quarantaine dans une baraque en bois située en face de l’entrée du camp des femmes (celles qui ont été envoyées travailler au Kommando agricole de Raïsko étant considérées comme bénéficiant déjà d’une situation protégée). Charlotte Delbo précise : « La quarantaine, c’était le salut. Plus d’appel, plus de travail, plus de marche, un quart de litre de lait par jour, la possibilité de se laver, d’écrire une fois par mois, de recevoir des colis et des lettres. » Néanmoins, cinq Françaises, trop épuisées, y succombent encore. Pour les “31000”, cette période dure dix mois.Au même moment, les détenus politiques français d’Auschwitz et Birkenau encore vivants obtiennent aussi le droit d’écrire.En juin 1944, les “31000” de la quarantaine sont renvoyées au travail, mais affectées dans un atelier de couture moins épuisant où elles ravaudent les vêtements laissés par les Juifs « à l’entrée de la douche ». Des fenêtres de cet atelier, elles assistent à l’arrivée des convois de Juifs de Hongrie, débarqués sur une dérivation de la voie de chemin de fer qui se prolonge désormais à l’intérieur du camp.Après le débarquement allié en France, un nouveau front s’est créé que le courrier ne franchit plus.Le 2 août 1944, Antoinette Besseyre fait partie des trente-cinq “31000” transférées au KL Ravensbrück où elles arrivent deux jours après ; la plupart étant enregistrée comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando) et assignées à un Block réservé.Le 2 mars 1945, Antoinette est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen, en Haute-Autriche (annexée au IIIe Reich) à environ 22 km de Linz, où elles arrivent le 5 mars après un voyage très pénible.

Ensuite, en les transportant de nuit, on conduit la plupart d’entre elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine (trois “31000” seront tuées sous les bombes).

Le 22 avril 1945, Antoinette fait partie des trente “31000” prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall (Sankt Gallen), au sud du lac de Constance, en Suisse alémanique. De là, elles gagnent Paris par le train où elles arrivent le 30 avril. C’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble, c’est le “parcours” le plus partagé.

Le 23 octobre 1943, sur instruction du secrétaire général de la police au ministère de l’Intérieur, le chef du centre de séjour surveillé de Saint-Paul-d’Eyjeaux a fait transférer Louis Tressard, père d’Antoinette, au CSS de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn)  avec quatre autres détenus. Le 30 juillet 1944, celui-ci a été déporté au KL Buchenwald [5]. Il rentre peu après sa fille.

En 1949, Antoinette Besseyre est adjointe au maire de Vanves (domiciliée au 38, rue Jean Bleuzen).

Antoinette se remarie avec Monsieur Delporte, mais n’a pas d’enfant, parce qu’elle ne se sent pas la force de supporter la maternité : elle est très gravement malade. Pendant dix-sept ans, elle a des “anniversaires” de typhus. Chaque année au mois d’avril, elle a soudain une grosse fièvre (41 °C), un endolorissement général, sans qu’on en trouve la cause : les analyses de sang ne révèlent rien. Elle se soigne avec une énergie qui fait partie de son caractère, elle ne s’écoute pas.

Elle est homologuée avec le grade fictif d’adjudant dans la Résistance intérieure française (R.I.F.).

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Vanves donne le nom de Mary (sic) Besseyre à la rue Raspail, passant devant l’Hôtel de ville.

Notes :

[1] La délatrice : Laurent Joly (voir Sources) semble créditer celle-ci d’un pétainisme sincère et désintéressé (patriotique ?). « Le drame des otages, les incitations publiques à dénoncer, le discours du “vent mauvais” et autres appels du Maréchal, la loi du 25 octobre, tous ces éléments favorisent inévitablement une recrudescence des dénonciations, perceptible en 1941. D’ “honnêtes” citoyens, désireux d’aider les autorités, se manifestent. » « À la Libération, Marguerite D., mortifiée, convaincue d’être responsable [du décès d’Émile Besseyre], se laissera condamner à cinq ans de travaux forcés, se contentant de rappeler, comme circonstance atténuante, le contexte de l’époque, les appels dans la presse, etc. »

[2] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.

[3] Le 21 octobre 1942 au stand de tir de Balard, sont fusillés : Irénée Appéré (29 ans), Gaston Bérault (20 ans), Marie-Émile Besseyre (35 ans), Gaston Carré (36 ans), Raymond Delaune (21 ans), Georges Demesy (46 ans), Henri Douillot (41 ans), Edmond Fantin (38 ans), André Faure (29 ans), Marcel Fischer (29 ans), Édouard Larat (41 ans), Jean Lefebvre (21 ans), René Legrand (38 ans), Raymond Losserand (39 ans) et Lucien Micaud (19 ans).

[4] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[5] Louis Tressard est déporté dans le train composé de 1088 hommes et de 101 femmes et enfants parti de Toulouse le 31 juillet 1944 et arrivés au KL Buchenwald le 6 août (matri. 69117). Il s’agit d’un transport d’évacuation de plusieurs centres d’internement de la région de Toulouse, organisé par des Allemands cherchant alors à quitter la ville face à la progression des troupes alliées. Ainsi, l’administration française, sous la pression de l’occupant, vide le 30 juillet le camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), à 30 kilomètres au nord-est de Toulouse, et lui remet ainsi des centaines de personnes pour qu’elles soient déportées. Le même jour, d’autres arrêtés de répression,des hommes et des femmes, sont extraits par les Allemands de la prison Saint-Michel à Toulouse […] Après Buchenwald, femmes et enfants poursuivrons leur trajet jusqu’au KL Ravensbrûk.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 38.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Archives départementales de l’Aube, site internet, archives en ligne : registre d’état civil d’Auxon 1893-1909 (4E018 28), année 1907, acte n° 5.
- Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, Automne 1941, collection Nouvelles études contemporaines, Fayard, février 2004, page 241, notes pp. 367-368.
- Jean-Pierre Besse, notice de Marie Émile Besseyre, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), sous la direction de Jean Maitron, site Le Maitron en Ligne.
- http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article190885, notice ALTANI Edouard par Daniel Grason, version mise en ligne le 26 juin 2017, dernière modification le 5 novembre 2017.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux de Marie-Émile Besseyre (77 w 205-129794) ; dossier individuel de Louis Tressard au cabinet du préfet (1 W 645-28484).
- Laurent Joly, introduction de La délation dans la France des années noires, ouvrage collectif sous la direction de l’auteur, éditions Perrin, avril 2012, page 41. L’auteur ne fait pas mention de la déportation d’Antoinette Besseyre.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, convoi I.252, t.4, pages 1358-1359, 1403.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-08-2019)

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