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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Bruno, Antonio, Vanin naît le 11 ou le 12 avril 1920 à Cismond Del Grappa (Italie), fils d’Antonio Vanin, mineur, et de Catherine Fiorese, son épouse.

De 1911 à 1914, son père vient en France à Valleroy, dans le bassin de Briey (Meurthe-et-Moselle). Il repart probablement en Italie à la déclaration de guerre. Après son mariage le 9 décembre 1919 et la naissance en Italie de deux garçons – Antoine et son frère Bruno, né le 1er janvier 1922 – la famille s’installe en France à partir du mois d’avril suivant, d’abord pour quelques mois à Sainte-Foy (Savoie). Le 14 novembre de la même année, ils arrivent à Valleroy. Là naissent ensuite trois filles et un autre garçon. En 1931, le père est mineur et la famille habite au n° 105 de la cité des mines. En avril 1935, les parents sont naturalisés français.

Antoine Vanin passe avec succès le certificat d’études primaires. Il est naturalisé français

Il est mineur-machiniste à la mine de fer de Valleroy. Il est membre de la CGT.

Le 15 août 1938, Bruno Vanin part comme volontaire en Espagne républicaine. C’est là qu’il adhère au Parti communiste. Il sert dans la 12e Brigade internationale Garibaldi. Blessé, il rentre en France vers octobre 1938.

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

La police française le considère comme un « communiste notoire ».Le 5 octobre 1940 à Auboué, il se marie avec Modestina Veronese. Ils ont un enfant. Au moment de son arrestation, il est domicilié au 153, cité de la mine, à Valleroy.

Valleroy. Les cités des mines. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Valleroy. Les cités des mines.
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

En 1941, Antoine Vanin entre en contact avec les groupes de résistance communiste d’Auboué. Le listes établies par la police française désignent alternativement Antoine et Bruno Vanin. S’agit-il du même homme, selon le prénom retenu ? A-t-elle fait une confusion entre les deux frères ayant des prénoms similaires ? Ont-ils été poursuivis parallèlement ?

À une date restant à préciser (le 4 septembre 1941, comme Louis Bresolin ?), le préfet de Meurthe-et-Moselle signe un arrêté ordonnant son internement administratif à la Maison d’arrêt de Briey à la suite d’une distribution de tracts communistes à Valleroy (il y est gardé quinze jours).

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

« Antonio » Vanin figure – n°51 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » et précisant la nationalité de 53 hommes.

Le 23 février, Antoine Vanin est arrêté comme otage par les « autorités d’occupation ». Le jour même, il fait partie des vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Antoine Vanin est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Antoine Vanin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46171 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Antoine Vanin est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).À la mi-août 1943, Antoine Vanin est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.Le 3 août 1944, Antoine Vanin est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.Le 28 août, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. n° 19899).

Le 23 mars 1945, Antoine Vanin est transféré au Kommando de Dresden (ateliers sur les voies ferrées). Il s’en évade le 18 avril ; les conditions de son rapatriement restent à préciser.

Antoine Vanin décède le 11 décembre 1973 à Codolet (Gard), âgé de 53 ans.

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, 346 et 347, 354, 359, 368 et 422.
- Notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. CRCEDHC, Moscou, 545/6.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, p. 113, et liste page 349 : le seul prénom mentionné est « Bruno » (! ?) avec comme source les archives municipales de Valleroy.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cote W1304/23, 6M599 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier..

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-11-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.