André, Sincère, Henri, Louis, Perrin naît le 20 juillet 1907 à Coussay-les-Bois (Vienne – 86), fils de Sincère Perrin, 29 ans, métayer, et de Berthe Limousin, 23 ans. Un des deux témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil est son grand-père maternel, menuisier.

Le 9 février 1929, à Coussay-les-Bois, André Perrin se marie avec Liliane Tibuleux. Ils auront deux enfants.

André Limousin est ouvrier plâtrier.

Domicilé à Coussay-les-Bois, il est le secrétaire de la section ou de la cellule communiste du village.

Le 23 juin 1941, André Perrin est arrêté par des soldats allemands et des policiers français [1], interné au camp de la Chauvinerie, près de Poitiers (selon M. Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne), puis transféré le 12 juillet 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, André Perrin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Perrin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45967 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Perrin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Il meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942, d’après les registres du camp.

Selon Louis Cerceau, « il est le seul de la Vienne à ne pas être mort à la suite de coups, mais de maladie », la dysenterie, qui entraîna sa “sélection” pour la chambre à gaz**.

Maurice Rideau, qui était au Block 19 à Auschwitz-I, a rapporté ses derniers moments : « Il était au Revier [3], au Block 18. Je l’ai vu la veille de son départ pour la chambre à gaz. Il m’a dit, après m’avoir embrassé : “Si tu reviens, dis à ma femme et à mes enfants que ma dernière pensée sera pour eux”. Je n’ai pas eu l’occasion de revoir Madame Perrin à mon retour, mais je lui ai écrit ».

Le nom d’André Perrin est inscrit sur le monument aux morts de Coussay-les-Bois, dans le cimetière communal, sur plaque dédiée « Aux morts de la guerre » (« Morts en déportation »).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. »
Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.
Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action.
131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

[3] Revier : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. » Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en Allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 379 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : FNDIRP de la Vienne, Raymond Jamain (1973, 1989) – Témoignages de Maurice Rideau (2/10/1971) et Émile Lecointre (23/2/1989) – Louis Cerceau (45347), cité par Michel Bloch, historien (1-2/1973).
- Archives départementales de la Vienne (AD 86), site internet du conseil général, archives en ligne : registre d’état civil N.P.M.D. de Coussay-les-Bois de 1906 à 1909 (9 E 103/13), naissances de l’année 1907, acte n° 9 (vue 37/136).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 919 (37914/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 86-Coussay-les-Bois, relevé de Françoise & Jean Grivet (2002).
- Site Les plaques commémoratives [actuellement hors service], photographie de Jean-Jacques Guilloteau.
- Nathalie Rambault, message (02-2018).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-08-2021)

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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.