André, Louis, Faudry naît le 19 mai 1914 à Marspich (?) (Moselle – 57).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 15, avenue Desgenettes à Saint-Maur-des-Fossés [1] (Val-de-Marne – 94) ; près de la station Saint-Maur-Créteil.
Marié, il est père de deux enfants.
André Faudry est chauffagiste.
Il est secrétaire d’une cellule du parti communiste.
Continuant à militer dans la clandestinité, il est considéré par la police française (R.G.) comme un « meneur communiste très actif ».
Le 27 juin 1941, il est appréhendé (probablement à son domicile) dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers du département de la Seine. Le préfet de police de Paris a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif, mais les opérations sont menées en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans ces conditions sont conduits à l’hôtel Matignon, puis aussitôt livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis) [2].
Rapidement, ils sont conduits à la gare du Bourget où des trains les transportent à Compiègne (Oise – 60) [3].
André Faudry fait probablement partie de ces hommes transférés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager)
Entre fin avril et fin juin 1942, André Faudry est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, André Faudry est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45528 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau – secteur BI-b – où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – André Faudry est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier). Pendant un temps, il est assigné au Block 11, aux côtés de Roger Gaudeau, instituteur des Andelys (Eure) qu’il verra succomber du typhus.
Le nom d’André Faudry est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier) le 1er novembre 1942. Après sa guérison, il y devient veilleur de nuit, ce qui justifie qu’en mars 1943, il ne fasse pas partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).
En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
À la mi-août, André Faudry est ramené à Auschwitz-I, avec Georges Marin qui était coiffeur au Revier de Birkenau et Robert Daune qui y était soigné clandestinement après avoir été l’objet d’une sélection pour la chambre à gaz.
Ils rejoignent les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, la prison du camp. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques, et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
- Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, la plupart sont renvoyés dans leurs Blocks etKommandos d’origine.
André Faudry fait alors partie d’un petit groupe de “45000” qui arrivent à se rencontrer assez souvent :Georges Brumm, Georges Guinchan, Mickey Guilbert, Robert Lambotte, Guy Lecrux, de Reims, Roger Pélissou, René Petitjean, Robert Rosse. Il entre dans le groupe français de résistance au sein du Comité international créé par des communistes autrichiens. L’organisation clandestine arrive à lui faire intégrer l’hôpital d’Auschwitz-I, à l’étage du Block 19, avec un statut – officieux – d’infirmier ou de chef de salle.
À la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres rescapés du convoi sont transférés vers d’autres camps.
Pendant les mois d’hiver 1944-1945, André Faudry prend en charge Maurice Cling, un jeune Français de quinze ans, déporté avec sa famille comme juif dans le convoi parti de Drancy-Le Bourget le 20 mai 1944 (n°74). Séparé de son père et de sa mère lors de la sélection à l’arrivée, Maurice entre au camp avec son frère Willy, plus âgé. Après plusieurs mois vécus ensemble dans divers Kommandos (celui des ordures notamment), il voit ce dernier être emmené au lendemain d’une sélection. En octobre 1944, Maurice Cling est admis comme malade au Revier, au-rez-de-chaussée du Block 19, et affecté plus tard dans la chambrée d’André Faudry comme auxiliaire chargé du ménage et de la distribution de nourriture. Il survivra aux marches et aux trains de la mort.
En janvier 1945, au moment de l’évacuation des camps et Kommandos d’Auschwitz, André Faudry propose à René Besse d’attendre avec lui l’arrivée de l’Armée rouge en se dissimulant dans des soutes à charbon. Mais celui-ci craint l’explosion des grandes quantités de carburant (méthanol) qui ont été déversées au garage voisin et rejoint une colonne d’évacuation.
Le 27 janvier 1945, André Faudry est libéré à Auschwitz par l’Armée Rouge, comme Eugène Garnier. Il témoigne devant une commission d’enquête soviétique à deux reprises, notamment le 15 février 1945.
- André Faudry, fin janvier 1945. Photo prise par
l’armée soviétique à la libération du camp.
Droits réservés.
- L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation.
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945.
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.
Rapatrié, il est parmi les fondateurs (membre du conseil d’administration provisoire) de l’Amicale des anciens déportés d’Auschwitz avec Eugène Garnier, en juin 1945, laquelle deviendra l’Amicale d’Auschwitz.
Le 12 juin 1945, André Faudry écrit à Flora Pignet pour lui confirmer les décès de son mari et de son fils, au Block 7 de Birkenau.
Il souffre souvent de violents maux de tête à la suite de sévices subis à Birkenau.
André Faudry décède le 14 septembre 1970. Il a 56 ans.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 179, 224-225, 358, 389 et 403.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 518.
Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
René Besse, conférences du 27 janvier 2006 à Limoges (lycée Maryse Bastié et médiathèque).
Maurice Cling, Vous qui entrez ici… Un enfant à Auschwitz, FNDIRP en coédition avec les Éditions Graphein, Paris mai 1999.
Françoise Tomeno, petite-nièce d’Ernest Pignet, de la Somme (message du 20 janvier 2006).
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2397 (liste des internés communistes).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-05-2012)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
Sur le monument aux morts de Saint-Maur, on trouve : FAUDRY Albert, né le 10/7/1910, FFI – décédé le 30/10/1949 Existe-t-il un lien de parenté ? numéro d’identification : 536875
[1] Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine :Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention « communiste », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »