JPEG - 68.2 ko
Collection Maurice Cayzac. Droits réservés.

André, Albert, Cayzac naît le 20 juillet 1899 à Paris 14e, à la maternité de Port-Royal, au seins d’une famille nombreuse, fils de Frédéric Cayzac, 32 ans, alors charbonnier (plus tard garçon-livreur ?), et de Marie Mercadier, son épouse, 26 ans, « même profession », domiciliés au 7, rue Gassendi, près du cimetière Montparnasse.

André Cayzac entre au petit séminaire de l’église catholique afin de pouvoir poursuivre des études jusqu’au baccalauréat. Celles-ci achevées, il déclare avoir une vocation insuffisante pour entrer dans les ordres.

En 1917, il se porte volontaire pour participer à la guerre, mais n’est pas engagé sur le front.

Le 2 juin 1920, alors qu’il est soldat de 2e classe de l’école d’aviation militaire d’Istres (Bouches-du-Rhône), « en liberté provisoire à la section des insoumis », il passe en Conseil de guerre pour « Outrage envers un supérieur à l’occasion du service – Provocation de militaires à la désobéissance ». On lui reproche d’avoir « incité un certain nombre d’élèves-pilotes (…) à faire une manifestation et une réclamation collective en vue d’obtenir l’élargissement de six de leurs camarades incarcérés à la prison de l’école (…) par mesure disciplinaire (?) … » et d’avoir « outragé par parole son supérieur, le maréchal-des-logis J. (…) en poussant à (son) adresse (…) les cris hostiles de “ Hou, hou. ”… » (lequel) « les a distinctement entendus… ».

JPEG - 91.5 ko
Istres, le camps d’aviation, casernement de la 1ère compagnie.
Carte postale non-datée (ni écrite, ni oblitérée), années 1920 ?
Collection Mémoire Vive.

André Cayzac est condamné à six mois de prison et conduit au fort Saint-Jean, à Marseille.

JPEG - 104.3 ko
Marseille, le fort Saint-Jean. Carte postale oblitérée en mai 1937.
Collection Mémoire Vive.

Selon un certificat de la société du Film Triomphe, André Cayzac travaille du 1er octobre 1921 au 1er octobre 1923 comme « administrateur de tournées cinématographiques » (département supprimé…).

Il est également comédien. Recommandé à Mounet-Sully par un de ses anciens professeurs de français du séminaire, il interprète Tiburce de Lorget dans L’Aiglon d’Edmond Rostand (peut-être avant 1914). Il joue également en tournée avec Pierre Brasseur.

À l’été 1923, il est embauché pendant deux mois pour jouer au théâtre du Casino de Paramé (il est alors domicilié au 47, rue des Volontaires à Paris 15e).

JPEG - 205.4 ko
Le Casino de Paramé. Carte postale, sans date.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 décembre 1923 à Cachan, André Cayzac épouse Marie Berthelet (ou Berthelot), mais le couple divorcera sans avoir d’enfant.

En juin 1924, André Cayzac postule pour travailler sous la direction du réalisateur Abel Gance en Italie. En août de cette même année, il se rend à Rome pour travailler comme « artiste cinématographique ». Il tourne dans Ben-Hur de Fred Niblo, des studios Metro-Goldwyn-Mayer (tourné en 1924, sorti à la fin 1925), ayant un tout petit rôle ou comme simple figurant.

JPEG - 142.2 ko
Permis de séjour en Italie établi au nom d’André Cayzac
venu y travailler comme « artiste cinématographique ».
Collection Maurice Cayzac. Droits réservés.

Pendant un temps, André Cayzac est camelot sur les marchés (que vend-il ?).

En 1927, il adhère au Parti communiste et au Secours rouge (futur Secours populaire). Il se fait aussitôt connaître sous le pseudonyme de “Derna” (anagramme de son prénom, André) ; peut-être son ancien nom d’acteur… Bon orateur, il fait office de “speaker” (animateur) dans les meetings politiques et se montre un contradicteur habile dans les débats publics.

Par le biais de l’action militante, il rencontre “Myette” (Émilienne) Sauvanaud (née le 12 mai 1915), sa future épouse ; elle-même étant plutôt de tendance anarchiste. Elle est alors secrétaire chez un avoué.

Pendant un temps, André Cayzac travaille au New York Herald Tribune.

Puis il est embauché comme commis à la Mairie de Bagnolet [1] (Seine / Hauts-de-Seine).

Bagnolet, la mairie et le marché. Carte postale voyagée en 1937. Collection Mémoire Vive.

Bagnolet, la mairie et le marché. Carte postale voyagée en 1937. Collection Mémoire Vive.

André Cayzac assure également la permanence du Conseiller municipal du 20e arrondissement,Emmanuel Fleury, élu en 1936 sur la liste du Parti communiste.

JPEG - 260.7 ko
À droite, André Cayzac ; peut-être avec Emmanuel Fleury
(ou dans les bureaux de la Mairie de Bagnolet).
Collection Maurice Cayzac. Droits réservés.

Enfin, il serait responsable du Secours rouge pour la région Paris-Est, sous son pseudonyme de Derna.

André et Myette se marient en 1938 à Paris 20e. Leur fils naît le 30 avril, prénommé Maurice en hommage à une personnalité communiste connue… (mais il a failli s’appeler Boris !).

Jusqu’à l’arrestation d’André, la famille est domiciliée au 10, avenue de la Porte de Ménilmontant à Paris 20e, à l’angle de la rue Le Vau.

En 1939, à la suite la déclaration de guerre au IIIe Reich, qui vient d’attaquer la Pologne, André Cayzac est mobilisé.

JPEG - 130.2 ko
André Cayzac avec son fils Maurice, le 10 mars 1940,
lors d’une permission alors qu’il est mobilisé.
Collection Maurice Cayzac. Droits réservés.

Fait prisonnier en 1940, il obtient d’être libéré en tant que fonctionnaire communal.

Il participe à la création d’un réseau communiste clandestin au sein duquel il est plus particulièrementagent de liaison ; il connaît notamment la “planque” d’Emmanuel Fleury. Il est en contact avec Henri Gorgue et Charles Désirat (lequel s’évadera deux fois [2] avant d’être déporté).

Aux conseils reçus de quitter le secteur, devant la menace, André Cayzac répond que : « La bagarre est là, pas ailleurs ! ».

Le 30 octobre 1941, il est arrêté sur son lieu de travail, à la mairie de Bagnolet, à la suite d’un arrêté d’internement administratif signé la veille par la préfet de police de Paris en application du décret du 18-11-1939. Il est probablement écroué quelques jours au dépôt (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).

Le 10 novembre 1941, il est fait partie d’un groupe 58 militants communistes transférés “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), où son épouse et son fils peuvent lui rendre au moins une visite.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

André Cayzac y est enregistré sous le matricule 5849. Là aussi, sa famille peut venir le voir au moins une fois. En dernier lieu, peut-être lors du regroupement des otages dans l’ancien « camp juif » à la veille du départ, il est assigné au baraquement C5, chambre 13.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Cayzac est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Le samedi 4 juillet au soir, il rédige pour son épouse un message lui annonçant « Demain dimanche ou lundi matin, nous partons pour une destination inconnue au nombre de 1100 » et que sa valise va lui revenir ; message probablement récupéré sur la voie et qui sera posté à Appilly – à une trentaine de kilomètres de Compiègne – le jour de leur départ, à 17h30. Il conseille néanmoins à Myette de lui écrire, mais la lettre qui arrive au camp le 15 juillet est retournée à l’envoyeur avec la simple mention manuscrite « parti ».

JPEG - 194 ko
« Retour à l’envoyeur », Myette Cayzac ;
oblitérée au camp le 16 juillet 1942.
Collection Maurice Cayzac. Droits réservés.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Cayzac est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45344 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

JPEG - 73.1 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Cayzac est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon une source restant à préciser.

André Cayzac meurt (à Birkenau) le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Avant son arrestation, son épouse est active dans la Résistance, avec sa propre sœur Germaine (« Tata Jo ») et le soutien “logistique” de son fils qui dissimule des tracts sous sa pèlerine (“capuchon”) avant qu’ils soient glissés sous les portes. Les deux femmes collent également des “papillons” sur les murs, notamment sur les casernes du boulevard Mortier, à Paris 20e.

Se sentant ensuite menacé, le trio part finalement se réfugier dans la petite maison d’une pièce que le père d’André (décédé de vieillesse en 1940) avait acquise à la campagne, aux Mennevaux par Chinon (Indre-et-Loire – 37). En 1944, Myette Cayzac “reprend du service” dans la Résistance à Vernonnet, dans l’Eure.

Le 13 octobre 1960, Henri Gorgue – qui a travaillé avec lui à la mairie de Bagnolet et qui l’a retrouvé au camp de Compiègne en mai 1942 – signe un document attestant du décès d’André Cayzac à Birkenau, qui lui fut rapporté par les rares déportés qui en sont revenus.

André Cayzac est homologué comme “Déporté politique”.

Dans le hall de la mairie de Bagnolet, une plaque rappelle sa mémoire.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 15-11-1987).

Myette décède le 14 février 2011.

Sources :

- Témoignage et documents de Maurice Cayzac, son fils (5-2007), correspondance (04-2011).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 398.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignages d’Eugène Kerbaul – Auguste et Simone Gillot, Un couple dans la Résistance, éditions sociales, Paris, 1975, p. 256 – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 14e arrondissement à la date du 22-07-1899 (V4E 9738), acte n° 5563 (vue 17/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : liste «  employés des services public, concédés et assimilés, interné administrativement… » du 17-11-1941 (BA 2114).
- Charles Désirat, Pour reprendre le combat, nous nous sommes évadés de Compiègne, éditions du Secours Populaire Français (sans date).
- André Tollet, Le Souterrain, collection Souvenir, éditions sociales, Paris 1974, page 153 et 154, 158, 161.
- Jean-Pierre Gast, Bagnolet 1939-1940, éd. Folies d’encre, août 2004, page 283 (indique « Joseph » comme prénom et une autre date de naissance… ?).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 47.
- Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 159 (24850/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-05-2011)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Bagnolet : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Charles Désirat fait partie des 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) qui se sont évadés de Royallieu-Compiègne, par un tunnel creusé sous le camp, dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant la déportation du millier d’otages communistes, le 6 juillet.