- Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Alphonsine, Alexandrine, Guiard naît le 17 avril 1899 à Paris 13e, chez ses parents, Louis Guiard, 32 ans, et Eugénie Noël, son épouse, 30 ans, journaliers, domiciliés au 165 rue du Château-des-Rentiers.
Le 13 mars 1920 au Kremlin-Bicêtre [1] (Val-de-Marne), elle se marie avec Louis Seibert. Ils auront un fils en 1931.
Alphonsine Seibert entre comme aide-soignante à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre.
- La Kremlin-Bicêtre, entrée principale de l’hospice
peu après la guerre. Carte postale, coll. Mémoire Vive.
Sous l’occupation, elle fait partie du même groupe F.T.P. que Denise Roucayrol (dépôt d’armes dans les combles de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre).
L’arrestation
Le 24 juin 1942, Alphonsine Seibert est arrêtée à son domicile, par les inspecteurs des brigades spéciales. Les policiers ont opéré discrètement et vite.
Après quelques jours au dépôt, elle est envoyée à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 10 août 1942, elle fait partie d’un groupe de détenues – dont dix-neuf seront déportées avec elle – transférées au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht.
- L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).
Alphonsine Seibert y est enregistrée sous le matricule n° 633.
Le 22 janvier 1943, elle fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.
Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Alphonsine Seibert y est enregistrée sous le matricule 31647. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, les “31000” sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart d’entre elles sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Alphonsine Seibert a été retrouvée puis identifiée).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises.
- Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.
Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
- Sur le monument aux morts de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre,
un “45000” (1ère colonne) et deux “31000” (3e colonne).
Aucune des survivantes interrogées par Charlotte Delbo ne s’est souvenu d’Alphonsine Seibert, ce qui n’a laissé aucun témoignage sur la date ni sur les conditions de sa disparition. Le registre des naissances du 11e arrondissement indique pour date de décès le 25 mars 1943 (inscrite le 24 juillet 1948).
Les parents n’apprennent sa mort qu’en 1945.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 265.
Archives de la mairie Paris, archives numérisées en ligne, registre des naissances du 13e arrondissement pour l’année 1899 (cote V4E 9554), acte n° 870 du 18 avril.
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 4-12-2012)
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[1] Le Kremlin-Bicêtre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.