
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Aimé, Gaston, Louis, Doisy naît le 2 juillet 1897 à Paris 18e (75), fils d’Auguste Doisy, 32 ans, palefrenier, et de Marie Ouvrard, son épouse, 26 ans, journalière, domiciliés au 58, rue de l’Orient.
Pendant un temps, Aimé Doisy habite avec ses parents, au 17, rue Trézel, à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Il travaille comme mécanicien-ajusteur, puis deviendra mouleur.
Le 11 janvier 1916, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 1er groupe d’aérostation. Le 5 janvier 1917, il passe au 1er groupe d’aviation. Le 4 octobre 1917, il passe au 2e groupe d’aviation. Le 28 août 1917, son unité est affectée en Italie, jusqu’au 26 mai 1918. Le 27 juillet 1919, il est démobilisé et se retire chez ses parents.
Le 12 février 1921, à la mairie de Levallois-Perret, Aimé Doisy épouse Marie, Simone, Doussot. Leur fille Gisèle naît le 19 novembre suivant.
En février 1923, la famille habite au 1, rue d’Alsace, à Levallois-Perret. En août 1925, elle est domiciliée au 3, rue Poyer, à « Clichy-Barrière ». À partir de juin 1929, ils demeurent chez les parents d’Aimé, rue Trézel à Levallois-Perret.
Déclaré comme ajusteur-mécanicien, Aimé Doisy est membre de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs du département de la Seine ; peut-être travaille-t-il dans un atelier d’entretien d’une compagnie de taxis (à vérifier…).
Le 26 avril 1932, la 6e commission de réforme de la Seine lui reconnaît une invalidité non imputable au service armé.
C’est un militant communiste.
Sa fille Gisèle étudie à l’école de Levallois-Perret jusqu’à obtenir son brevet d’études primaires supérieures en 1938. Elle travaille ensuite comme confectionneuse à domicile avec sa mère.
Le 26 avril 1939, la 6e commission de réforme de la Seine reconnaît à Aimé Doisy une invalidité non imputable au service armé.
Le 27 décembre suivant, Aimé Doisy est affecté au bataillon de l’air 103. Il est démobilisé le 11 juin 1940.
Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste très actif ».
Le 9 octobre 1940, il est arrêté pour « diffusion de tracts », André Montagne, de Levallois, étant arrêté dans la même affaire…
Le 15 octobre, Aimé Doisy est condamné à quatre mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939.
À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 10 janvier 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.Le 17 janvier, Aimé Doisy est dans un groupe de 24 militants communistes conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, (1W71).
Le 20 mars, son épouse écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite (la suite donnée est inconnue…).
Le 6 septembre 1941, Aimé Doisy est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.
Au printemps, sa fille Gisèle postule pour un emploi à l’hôpital-hospice de la Salpétrière, à Paris 13e. Le directeur écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de compléter son dossier.
Le 22 mai 1942, Aimé Doisy fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Aimé Doisy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Aimé Doisy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45477, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Aimé Doisy.
Il meurt à Auschwitz le 24 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.
Il est homologué comme “Déporté politique”.
Son nom est inscrit sur le monument en forme de tombe érigé dans le cimetière communal de Levallois-Perret par la CGT « en hommage à ses camarades chauffeurs de taxis parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs, pour la liberté, pour la démocratie, pour la France, pour la République » (situé en vis-à-vis de la tombe de la communarde Louise Michel).
- Cimetière de Levallois-Perret.
Monument des chauffeurs de taxis parisiens CGT.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 31-07-1988).
Un nommé Robert, Antonin, Doisy, d’Antony, né le 1er novembre 1924, est fusillé au Mont-Valérien le 5 mai 1944 : est-ce un parent (…son fils) ?
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 402.
Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Archives municipales de Levallois-Perret.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne ; registre des naissances du 18e arrondissement, année 1897 (V4E 10365), acte n° 2876 (vue 7/31 en saisissant le patronyme « Doisy »).
Archives de Paris ; registres des matricules du recrutement militaire de la Seine, classe 1917, 2e bureau, vol. 5001-5500 (D4R1 1979), matricule 5379.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), (liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet, dossier individuel (1w615), n° 23.281 ; dossiers de la BS1 des RG, affaires traitées 1940-1941 (GB 29), 9 octobre 1940.
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt, notice individuelle (1W109).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 70.
Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 230 (32552/1942).
Site Mémorial GenWeb, 92-Levallois-Perret, relevé d’Émilie Pessy et de J.C., élèves de 3e 5 (04-2003).
MÉMOIRE VIVE
(Dernière mise à jour, le 27-12-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).