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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

De l’Espagne à Paris

Maria naît le 20 août 1910 à Santa-Fé de Mondujar (Espagne). Elle a quatre ans quand ses parents quittent l’Espagne pour venir à Paris.

Elle va à l’école communale de la rue Tiquetonne, dans le 2e arrondissement, puis elle suit les cours de l’Assistance publique et obtient son diplôme d’infirmière.

En 1929, elle se marie. Elle aura deux enfants.

La Résistance

Pendant l’occupation, elle est infirmière à l’hôpital Tenon, à Paris 20e.

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Entrée de l’Hôpital Tenon, vue depuis le square E. Vaillant.
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Elle donne des soins en cachette à des combattants, ceux qui ne peuvent se faire soigner chez un médecin ou se présenter régulièrement à des consultations des hôpitaux. Elle assiste également une doctoresse de l’hôpital Saint-Louis pour de petites interventions chirurgicales.

Par l’intermédiaire d’un malade, elle est mise en relation avec le groupe de postiers dont fait partie Marie-Thérèse Fleury et devient “Josée”.

L’arrestation

Les postiers ayant besoin d’une ronéo, le frère de Josée, qui en possède une, la porte chez sa sœur au 25, rue Orfila dans le 20e arrondissement, où des résistants doivent la retirer.

Celui qui “héberge” la ronéo est arrêté et finit par parler sous la torture : Josée est arrêtée, ainsi que d’autres membres du groupe.

Au début d’octobre 1941, Josée est emmenée à la préfecture de police où elle est présentée à un juge d’instruction. Un des résistants arrêtés, Laumain, prend tout sur lui dans l’espoir de mettre ses camarades hors de cause. C’est ainsi que Josée est relâchée après vingt-quatre heures.

Quelques jours plus tard, Laumain, qui est à la Santé, glisse dans son colis de linge sale un billet : « Alonso sera convoquée comme témoin au procès ». La femme de Laumain comprend que c’est pour prévenir Josée, pour la sauver, et transmet rapidement le message. Néanmoins, Josée est arrêtée par la Gestapo.

En rentrant de l’école, un jour de novembre 1941, son fils aîné trouve un mot sur la table : « Deux messieurs sont venus me chercher. Va chez Tonton. Maman. »

Le frère de Josée recueille les deux fils de sa sœur.

Le 18 juin 1942, le groupe des postiers est jugé par un tribunal allemand.

Gabriel Laumain, trésorier régional des syndicats parisiens des PTT, et Charles Bévillard, sont condamnés à mort, fusillés le 29 juin 1942 ; Jean Escaré, de Perpignan, et Louis Sabini, condamnés à des peines de prison, mourront en déportation ; René Pape, René Vialaneix et Antoinette Weibel, déportés également, rentreront.

Le 16 août 1942, Josée Alonso est acquittée, comme Marie-Thérèse Fleury. De la salle d’audience, elles sont reconduites en prison et transférées au fort de Romainville.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

À Romainville, Josée est désignée comme chef de camp. Elle assure cette fonction avec la plus grande des autorités.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 21.1 »). Le lendemain, Maria Alonso fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris).

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le lendemain matin, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

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Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Maria (Marie) Alonso y est enregistrée sous le matricule 31778. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Maria Alonso a été retrouvée).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où se trouvent des compagnes prises à la “course” du 10 février. Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

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Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Dans son livre éponyme, Charlotte Delbo témoigne : « À Birkenau, Josée n’a pas supporté que les kapos… la battent. À la première gifle, elle a répliqué par des coups de poings. La kapo l’a presque assommée. Un jour…, elle a voulu prendre de l’eau dans sa gamelle au seul robinet du camp : une Polizei armée d’un gourdin gardait le robinet. Elle ne laissait approcher que les Allemandes. Josée a essayé de passer. La Polizei l’a rouée de coups, aspergée. Josée est rentrée au Block, trempée. Elle est morte d’une double pneumonie, au Revier, le 14 ou 15 février 1943. » Le 27 février, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

Son frère et sa sœur apprennent sa mort par Henriette Mauvais, au retour.

Homologuée sergent dans la Résistance intérieure française, Maria Alonso est considérée comme déportée politique – comme si elle n’avait pas fait de résistance, comme si elle avait été déportée par hasard ou par malheur.

À l’hôpital Tenon, une plaque : « Maria Alonso, infirmière de 3e classe, morte pour la France ».

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 28-31.
- Simone Alizon, L’Exercice de Vivre, éditions Stock, avril 1996, 384 pages, ISBN 2-234-04614-9, code-barre 9-782234-046146 ; page 123.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 22 (11758/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-04-2010)

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