Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Bernard, Perrault naît le 26 octobre 1919 à Segré (Maine-et-Loire),  fils de René Perrault, 30 ans, et de Bernadette Hoisneau, son épouse, 30 ans.

Il passe son enfance à Rennes (Ille-et-Vilaine – 35), où il demeure avec ses parents, chemin (rue, n°15 ou 19) de la Poterie, quartier de lotissements. Élève de l’école primaire du boulevard René-Laënnec, puis de l’École pratique d’industrie, au n° 70 du même boulevard, où il passe avec succès son C.A.R. (?) et son brevet industriel. Il est célibataire.

Le 18 janvier 1937, René Perrault est embauché par l’Administration des chemins de fer de l’État ou Réseau de l’État, qui fusionnera avec plusieurs compagnies privées au sein de la SNCF début 1938 [1].

Il est ouvrier ajusteur dans un atelier SNCF de Rennes.

René Perrault est responsable des Jeunesses communistes de Rennes avec Jules Lebrun [2], cheminot. Avant guerre, René Perrault est en contact avec Jean Rouault, également cheminot, et Émile Drouillas, dit Laporte.

En août 1940, René Perrault organise des groupes de jeunes pour le sabotage. Le 25 octobre, il provoque la rupture de câbles téléphoniques allemands à la SNCF. Le 30 novembre, il est convoqué par le commissaire Morellon qui le menace, mais le libère. Il continue néanmoins son activité, réalisant plusieurs sabotages de janvier à la fin mai 1941.

Le 22 juin 1941, René Perrault est arrêté par deux Feldgendarmes qui viennent le chercher sur son lieu de travail [3] et interné à la prison Jacques-Cartier de Rennes.

Le 10 juillet 1941, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1161.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dans le camp, il dessine, réalisant notamment un portrait de son ami et camarade Émile Drouillas en train d’écrire et un dessin symbolique du pays d’Armor, signé « R42 » (« R » certainement pour « René » et « 42 » probablement pour l’année en cours).

Dessin de René Perrault daté de mars 1942. Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Dessin de René Perrault daté de mars 1942.
Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Dans le cahier d’Émile Drouillas, “Les chansons de Royallieu”. Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Dans le cahier d’Émile Drouillas, “Les chansons de Royallieu”.
Collection Renée Thouanel. Droits réservés.

Il fera des dessins pour d’autres camarades, tel Marcel Lecour, de Maromme (un paysage champêtre daté du 30 avril 1942).

Collection Martine Groult. Droits réservés.

Collection Martine Groult. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Perrault est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Perrault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45966, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Perrault est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 2 octobre 1942, il se serait jeté sur les barbelés électrifiés, d’après le témoignage de Jean Rouault, confirmé par Roger Abada, tous deux interné à Auschwitz-I. Ni à cette date, ni à une autre, René Perrault (23 ans) ne figure dans les registres de décès tenus par l’administration SS du camp qui ont été retrouvés, ceux-ci comportant des lacunes.

René Perrault a été nommé sergent au titre de la Résistance Intérieure Française. La Croix de Guerre lui a été décernée à titre posthume.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Rennes donne son nom à une rue de la ville, dans le quartier de Saint-Hélier.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1997) « à Birkenau » (?).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Jules Lebrun est tué à Bobigny pendant les combats pour la libération de Paris et de sa banlieue, le 2 septembre 1944).

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 364 et 416.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : Archives municipales de Rennes, Témoignages de Jean Rouault et Roger Abada,Mémoires de granit, édité par l’Office des Anciens Combattants d’Ille-et-Vilaine.
- Jeanne Roquier-Drouillas et Renée Thouanel-Drouillas [ses filles], Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, Imprimerie Commerciale, Rennes 1978, 224 p.
- UDAC d’Ille-et-Vilaine, site Mémoire de guerre.
- Archives municipales de Rennes, site internet, recensement de population de 1946, canton sud-est, page 521 (1F4/86, vue 286).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1153-1154.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.