Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Julien, Eugène, Loulmet naît le 17 novembre 1904 à Paris 18e, chez ses parents, Julien Joseph François Loulmet, 26 ans,  menuisier, et Marie Pauline Malteste, 21 ans, son épouse, domiciliés au 24 bis impasse Calmel. Il a une sœur cadette, Paulette, née en 1910 à Paris.

Le 2 décembre 1913, la famille habite au 6 impasse Cage à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez Monsieur Nogeleiseu.

Julien Loulmet père, est rappelé à l’activité militaire comme “territorial” par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Passé au 33e régiment d’infanterie coloniale, il est blessé le 27 septembre 1917 à Beaumont (Meuse). Le 26 septembre 1918, la commission de réforme de Saintes le propose pour une réforme temporaire n° 1 pour « diminution de la fonction respiratoire du poumon gauche suite à une plaie pénétrante de poitrine par un éclat d’obus avec hémopneumothorax consécutif à phlegmon gazeux de la paroi externe de l’hémithorax gauche ». Le 2 octobre 1919, la 2e commission de réforme de la Seine le propose pour une pension  d’invalidité de 20 %.

En 1921, la famille est installée au 124 rue des Rosiers à Saint-Ouen.

En 1926, inscrit comme électeur du département de la Seine, Julien Loulmet déclare travailler comme ajusteur. En 1931, sa sœur Paulette est couturière.

À l’été 1934, Julien Loulmet vit encore avec ses parents au 1 impasse Chevallier à Saint-Ouen.

Le 30 juin 1934 à Paris 18e, il se marie avec Fernande Blanche Trassard, 23 ans, manutentionnaire, alors domiciliée chez ses parents au 26 rue Eugène Sue. Leurs témoins sont un ouvrier fraiseur et une autre manutentionnaire. Julien et Fernande Loulmet n’auront pas d’enfant.

En 1936 et jusqu‘au moment de son arrestation, Julien Loulmet est domicilié au 37, rue de la Chapelle (aujourd’hui rue du Docteur Bauer), à Saint-Ouen. En 1936, il est ajusteur à la Société des forges et ateliers de constructions électriques de Jeumont à Saint-Denis, et Fernande est blanchisseuse chez Weill à Paris 11e.

Sous l’occupation, la police française considère Julien Loulmet comme un « meneur communiste très actif, partisan acharné des idées révolutionnaires ».

Le 27 juin 1941, il est appréhendé (probablement à son domicile) par les services du commissariat de Saint-Ouen  dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers du département de la Seine (Paris et la “petite couronne” de banlieue). Le préfet de police a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif, en application du décret-loi du 18 novembre 1939 organisant, en situation d’état de siège, « les mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique », mais ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. En effet, depuis le 22 juin, des militants arrêtés dans les mêmes conditions sont conduits à l’hôtel Matignon pour être livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent ensuite au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) [2].

La plupart est transférée – le jour-même ou dans les jours suivants [3] – à Compiègne (Oise) dans des trains partant depuis la gare du Bourget. Ils sont internés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Julien Loulmet y restera un an.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Julien Loulmet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45807 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Julien Loulmet.

Il meurt à Auschwitz le 3 août 1942, d’après  l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; moins d’un mois après l’arrivée de son convoi.

Le 6 novembre 1947, son acte de décès officiel établi par les services du ministères des Anciens combattants et Victimes de guerre est transcrit sur les registres d’état civil de la mairie de Saint-Ouen, avec la mention « Mort pour la France ».

Fin mai-début juin 1957, sa mère dépose une demande de carte de déporté politique.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 205 du 3-09-2008).

À Saint-Ouen, le nom de Julien Loulmet est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000.

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Notes :

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968). La commune est renommée Saint-Ouen-sur-Seine en novembre 2018 à l’initiative du maire, reprenant ainsi une appellation non-officielle reconnue par l’usage depuis le 19e siècle, notamment par la Poste, afin de limiter les risques de confusion avec des communes homonymes en France.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.

Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Une autre arrestation du 27 juin 1942 – Henri Rollin: « …, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention « communiste », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 412.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 0036-23353).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 740 (18197/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.