Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Charles Lemay naît le 1er février 1898 à Trith-Saint-Léger (Nord – 59), chez ses parents, Célestin Lemay, 41 ans, garçon brasseur, et Marie, Védastine [?] Lecerf, 27 ans, son épouse, domiciliés rue du Pin Chinois. Un des deux témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil est un autre garçon brasseur.

Son père, Célestin Lemay, décède 6 janvier 1912 chez lui au 102, rue Charles-Fourier, coron Fontaine à Denain (59).

Charles Lemay commence à travailler comme mouleur en fonte à Denain (59), habitant au 122, rue Thiers.

Il est de la classe 1918 pour accomplir son service militaire. Mais, lors du conseil de révision, l’armée classe Charles Lemay « réformé temporaire 2 » (RT2) pour « bronchite suspecte et débilité [faiblesse] générale », malgré sa grande taille (1 m 75). En mai 1922, la commission de réforme de Caen (Calvados – 14) le maintien dans la réforme temporaire pour « bronchite des sommets, état général passable ». Cependant, l’année suivante, la même commission le classe « bon pour le service armé », constatant : « Cœur et poumons normaux. Bonne constitution ».

À l’automne 1923, il est domicilié au 10, rue Froide à Caen et travaille comme « ouvrier d’industrie » (sa mère est également décédée).

Le 10 novembre de cette même année, à Sannerville, 10 km à l’est de Caen (14), Charles Lemay épouse Marie Antoinette Andrée Bosquet, née le 17 juillet 1898 dans cette ville.

En janvier 1924, Charles Lemay est domicilié au 14, promenade du Port (ou du Fort), à Caen. En octobre 1925, il demeure au 132, rue d’Auge, dans la même ville.

Le 24 décembre de cette année, son fils Serge Julien Désiré naît à Sannerville, peut-être lors d’une fête de Noël chez ses beaux-parents.

Au recensement de 1926, la famille habite toujours rue d’Auge. Charles Lemay est mouleur dans les « chantiers navals ».

En juin 1928, il déclare loger chez M. Joyeux Lorose [?], à Sannerville.

Le 22 février 1931, son deuxième fils, Claude Désiré, naît à Hérouvillette au hameau de Sainte-Honorine (14), où la famille habite alors. Charles Lemay est ouvrier d’usine à la Société métallurgique de Normandie (SMN).

Fin avril 1933 et jusqu’au moment de son arrestation, Charles Lemay est domicilié au 45, rue de Geôle à Caen.

En septembre 1935, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme mouleur aux hauts fourneaux de la Société métallurgique de Normandie (SMN) à Mondeville (son poste de travail…).

Mondeville. Hauts fourneaux et station centrale de la Société Métallurgique de Normandie. Carte postale sans date. Collection Mémoire Vive.

Mondeville. Hauts fourneaux et station centrale de la Société Métallurgique de Normandie.
Carte postale sans date. Collection Mémoire Vive.

SMN. Aciérie Thomas, les quatre convertisseurs de 30 tonnes. Carte postale, in De Caen à Auschwitz, Cahiers du temps.

SMN. Aciérie Thomas, les quatre convertisseurs de 30 tonnes.
Carte postale, in De Caen à Auschwitz, Cahiers du temps.

En 1936, Charles Lemay héberge sa belle-sœur Armandine Patry, née en 1892 à Sannerville et son fils Jack, né à Caen en 1934.

Le 21 octobre 1941, Charles Lemay est arrêté pour propagande communiste, comme Eugène Baudoin de Mondeville, Jean Bourget et Roger Goguet, de Dives-sur-Mer. Peu de temps après, il est envoyé au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Le 24 octobre, Charles Lemay est inscrit sur une liste d’otages détenus en différents endroits établie par la Feldkommandantur 723 de Caen.

Le 20 janvier 1942, il figure (n° 10) sur une liste de onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne pour lesquels la Feldkommandantur de Caen demande à son échelon supérieur une « vérification » avant de les proposer pour l’exécution.

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Cinq futurs “45000” figurent sur cette liste d’hommes pouvant être fusillés ; le tampon « Geheim » signifiant « Secret »).

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Lemay est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Lemay est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45777 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – selon un témoignage -, Charles Lemay est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il meurt à Auschwitz-I le 17 août 1942, d’après deux registres tenus par l’administration SS du camp [1].

Marie Antoinette, sa veuve, décède le 22 mai 1978 à Caen.

Charles Lemay est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-08-1994).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Charles Lemay, c’est le mois de décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice de Claudine Cardon-Hamet page 124.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 361 et 411.
- Archives départementales du Nord (AD 59), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Trith-Saint-Léger 1885-1900, année 1898, acte 9 (vue 408/485) ; registre de recensement de Trith-Saint-Léger (M747/601), année 1906, page 14 (vue 16) ; registre du recrutement militaire, bureau de recrutement de Valenciennes, classe 1918, vol. 5, matricule 2214 (vue 392/894).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), XL III-85 et XL III-79.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 709 (21419/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.