Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre Labregère naît le 30 octobre 1893 à Bourdeilles (Dordogne), faubourg Notre-Dame, fils d’Antoine Labregère, 29 ans, maçon, et de Françoise Peyrou, son épouse, 24 ans.
Ses parents décèdent prématurément (à vérifier…).

Pendant un temps, Pierre Labregère habite au 2, rue Michel de Montaigne, à Périgueux (24), et travaille comme garçon de café.

Incorporé le 20 novembre 1913 au 126e régiment d’infanterie, il est réformé n° 2 par la commission spéciale de Brive dès le 3 décembre suivant pour « faiblesse irrémédiable ». Le 3 décembre 1914, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, la commission spéciale de Limoges le maintient réformé, décision maintenue par la commission de réforme de Tours (Indre-et-Loire) en avril 1917. Cependant, entre temps, le 24 août 1915, le conseil de guerre de la 12e région l’a condamné à deux ans de prison pour violence, voies de fait, ivresse manifeste et publique. Il est écroué à la Maison centrale de Fontevraud (Maine-et-Loire) jusqu’au 5 juillet 1917.

Le 14 mars 1924, le tribunal correctionnel de Saint-Quentin (Aisne) le condamne à huit jours de prison et deux cents francs d’amende pour « entrave à la liberté des enchères publiques ».

En août 1937, il habiterait à Saint-Quentin ou à Brantôme (24).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 64, rue Saint-Charles à Paris 15e, à l’angle de la rue Ginoux dans le quartier Beaugrenelle. Il est célibataire.

Pierre Labregère est peintre en bâtiment.

Le 29 juillet 1941, il est arrêté « en flagrant délit d’inscriptions communistes sur les murs » et inculpé d’infraction au décret du 26-09-1939 (dissolution et interdiction du PC).

Trois jours plus tard, le 1er août, la 14e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois d’emprisonnement. Le 13 août, il est conduit à la Prison de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Trois jours plus tard, le 16 août, il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive

Le 2 octobre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de cette prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise sept notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 10 octobre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.

À l’expiration de sa peine, fin octobre, Pierre Labregère n’est très probablement pas libéré : le 13 février 1942, il est parmi les vingt-quatre « militants communistes » – dont la moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police de Paris (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Le 26 mars, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, officialisant la situation. En attendant son envoi dans un camp, Pierre Labrégère reste détenu au dépôt.

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 79.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Labregère est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45707, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés certains ouvriers qualifiés. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire alors a alors été affecté Pierre Labregère.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Ce jour-là, 26 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection à Auschwitz-I (coups, manque de sommeil…).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 147 et 148, 373 et 409.
- Archives départementales de la Dordogne, archives en ligne ; état civil de Bourdeilles, registre des naissances de l’année 1893 (5MI04710_001), acte n°27 (vues 18-19/22) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Périgueux, classe 1913, matricules 1501 à 1770 (02R1074-1601), n° 1601.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; carton occupation allemande – camps d’internement… (BA 2374).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; bureau politique du cabinet du préfet (1W69).
- Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil ; archives de la prison de Fresnes, maison de correction, registre d’écrou 152 (2742w 19), n° 9900.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 683 (31166/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-11-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.