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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

 (« dit Laurent »), Lucas naît le 24 octobre 1906 chez une sage-femme ou dans une maternité à Paris 10e, fils de Louise Lucas, 21 ans, journalière, domiciliée 102 rue d’Aubervilliers à Paris 19e, et de père alors non dénommé. Le 22 décembre 1910, l’enfant est légitimé à la mairie du 10e par le mariage de sa mère avec Laurent Jean François Guizard, 32 ans, cimentier, venu habiter au 102 rue d’Aubervilliers en janvier 1907. Les jeunes mariés habitent alors tous deux au 265 rue du Faubourg Saint-Martin (Paris 10e). Ce mariage légitime également un autre garçon : Henri, Georges, Lucas, né le 15 août 1909 à Paris 10e.

Laurent Guizard père est mobilisé dans l’infanterie, puis dans l’artillerie, contre l’Allemagne du 5 août 1914 au 29 janvier 1919.

“Laurent Guizard” (fils) devient charpentier en fer.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 93, rue de Saint-Cloud à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Il est célibataire. En 1936, il est manœuvre aux usines Renault.

Sous l’occupation, alors au chômage, il participe à la diffusion de propagande clandestine, stockant et redistribuant des tracts, qu’il reçoit d’abord de Louis Josien, 34 ans, toupilleur, puis de Marcel Bec.

Le 28 décembre 1940, une perquisition opérée à son domicile par les services du commissariat de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt amène la découverte « d’environ deux mille tracts communistes », imprimés ou ronéotypés.

 Le 31 décembre, douze personnes prises dans la même affaire (liées aux usines Renault) sont conduites au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).
Le 1er janvier 1941, inculpé d’infraction au décret-loi du 26-09-1939 (dissolution et interdiction du Parti communiste), Laurent Guizard est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) en attente de son procès.Le 17 mai suivant, neufs inculpés (cinq étant détenus, les autres convoqués) comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Laurent Guizard est condamné à treize mois d’emprisonnement et Marcel Bec à quinze mois. Tous deux se pourvoient en appel auprès du procureur de la République. Trois autres inculpés sont condamnés à trois mois, un autre à six mois, deux sont relaxés, le cas du dernier est disjoint et renvoyé à plus tard.
Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 3 juin, Laurent Guizard est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, le 23 octobre, il n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. En attendant son transfert dans un centre de séjour surveillé (CSS), il est provisoirement détenu eu dépôt.

Le 10 novembre, Laurent Guizard est parmi les 58 « militants communistes » (dont un gaulliste !) transférés du dépôt  camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Guizard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Guizard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45646, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Guizard.
Il meurt à Auschwitz le 1er septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Le 12 février 1945, son nom est cité dans une procédure d’épuration à l’encontre d’un policier. Même citation en visant un autre le 8 mars (« arrêté le 30.12.40 par les soins de Z. Jules »).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 17-08-1994).

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 407.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine ; rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857) ; jugements du 16 au 18 mai 1941 (D1u6-3751).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : établissement pénitentiaire de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 16 au 31-10-1941 (511w24).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 705-23579) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 97-105237) ; registre de main courante du commissariat de Boulogne-Billancourt.
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 96.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 409 (26398/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.