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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Paul, Guidou naît le 10 janvier 1890 à Brest (Finistère), fils de Louis, Yves, Guidou, 27 ans, menuisier au port (à l’Arsenal), et de Marie Poll, 25 ans, blanchisseuse, son épouse, domiciliés au 48, rue Kéravel.

Le 28 octobre 1908, à la mairie de Brest, âgé de 18 ans, Louis Guidou s’engage pour cinq ans comme soldat au 2e régiment d’infanterie coloniale. Le 8 février 1911, il passe au bataillon de la  Nouvelle-Calédonie, où il reste deux ans. Il y contracte des rhumatismes articulaires chroniques. Le 28 juillet 1913, il revient au 2e colonial. Le 28 octobre suivant, il passe dans la réserve de l’armée active, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Après son retour, il habite au 31, rue Neuve à Brest et travaille comme plâtrier.

Le 1er décembre 1913, à Brest-Recouvrance, il épouse Marie Herrou, âgée de 19 ans, née le 30 avril 1894 dans cette commune, sans profession ; les deux parents de celle-ci sont décédés, elle est mineure et c’est un conseil de famille qui autorise son mariage.

Mobilisé le 2 août 1914, dès le début de la Première Guerre mondiale, Louis Guidou part au armées cinq jours plus tard avec le 32e régiment d’infanterie coloniale. Le 7 septembre suivant, à Maubeuge (Nord), il est fait prisonnier, puis interné à Winden (?). Son fils, Yves, naît le 15 novembre 1914 à Brest, alors qu‘il est « en Allemagne ». Rapatrié, Louis Guidou arrive au dépôt de Nantes le 1er janvier 1919. Le 9 mars, il rejoint le 2e colonial. Le 4 avril, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire au 6, rue Saint-Sauveur à Brest.

En octobre 1923, il déclare deux enfants. Plus tard, son couple se séparera.

En janvier 1924, Louis Guidou habite au 11, rue des Moulineaux, à Valenciennes (Nord)

Le 20 septembre 1930, à Ueberstrass (Haut-Rhin), Louis Guidou épouse Alice (Anne, Frieda) Kilian, née le 15 septembre 1909. Il est alors domicilié à Orly [1] (Seine / Val-de-Marne), peut-être avec sa mère, devenue veuve, habitant rue Nouvelet.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 52, rue des Lilas, à Ivry-sur-Seine [1] (94). Il se déclare père de trois enfants.

Après avoir été plusieurs années contremaître routier ou voûtier (?), il est plâtrier, étireur (?).

C’est un militant communiste.

Le 3 août 1940, Louis Guidou est arrêté sur son lieu de travail par ordre de l’autorité allemande pour infraction au décret du 20 juin 1940 (propagande, confection et distribution de tracts communistes sur la voie publique). Après 75 jours de détention, il est libéré par l’armée d’occupation, mais est interpellé aussitôt par la police française.

Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants communistes (dit « procès des cinquante » ?), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Louis Guidou à quatre mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février. Bien que sa peine soit largement couverte par la détention préventive qu’il a déjà effectué, Louis Guidou n’est pas libéré : dès le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale [sic !] et la sécurité publique [re-sic !]. Cet internement lui est notifié à la préfecture, puis il est ramené à la Santé, 14e division, cellule 13 ter.

Le 22 avril, Alice Guidou écrit au préfet de police pour solliciter une révision du dossier de son mari, notamment parce qu’elle craint pour sa santé.

Le 6 mai, Alice Guidou réitère sa demande au préfet de police, après avoir espéré « son retour au foyer pour le 1er mai ».

Le 17 mai, Louis Guidou écrit à son tour au préfet de police pour solliciter soit sa remise en liberté soit son internement effectif au camp d’Aincourt (Seine-et-Oise) ou à celui de Châteaubriant (Loire-Inférieure). « À l’heure actuelle, je subis toujours le régime cellulaire qui équivaut, à peu de choses près, le régime des droit commun : cellule mal aérée, couché sur des paillasses à même le plancher, nourriture insuffisante – depuis mon arrestation, j’ai maigri de plus de vingt kilos -, une demie-heure de promenade par jour, dix minutes de parloir par semaine pour voir sa pauvre femme. Je suis dans l’attente d’un départ, mais les jours augmentent et la situation est toujours la même. Cependant, ce n’est pas dans l’esprit du décret qui stipule que tout interné administratif doit être affecté dans un camp surveillé. […] ma santé est déficiente depuis neuf mois d’incarcération et souffre beaucoup des douleurs rhumatismales. »

Le 1er juin suivant, la direction des renseignements généraux rend son avis : « Étant donné l’activité de ce propagandiste, sa libération ne semble pas actuellement opportune. »

Louis Guidou fait également une démarche auprès du gouvernement de Vichy : le 12 juin, les services de la Délégation du gouvernement français dans les territoires occupés interrogent le préfet de police pour information et avis.

Le 20 juin, le préfet de police écrit au commissaire de la circonscription d’Ivry-sur-Seine pour lui demander de faire connaître à Madame Guidou « que sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ». Trois jours plus tard, sans doute convoquée au commissariat, Alice Guidou signe ce courrier pour attester qu’elle en a « reçu communication ».

Le 20 juin, le préfet de police répond à la Délégation : « … j’estime que la libération de ce propagandiste ne saurait être actuellement envisagée ».

Le 25 ou 26 septembre, Louis Guidou fait partie d’un groupe d’internés de la Santé transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle. Il est assigné au bâtiment F, 2e étage, chambre 6, lit 72.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, il figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure – 28). Enregistré sous le matricule 287, il n’y reste que deux semaines.

Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 détenus que viennent chercher des gendarmes français et allemands. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Louis Guidou est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Guidou est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45637 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) – Louis Guidou se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Louis Guidou est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 16a, avec Marcel Gauthier, Louis Girard et Louis Goudailler.

Louis Guidou meurt à Auschwitz le 22 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

(aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu).

Pendant la guerre, son fils, ouvrier monteur, domicilié dans un hôtel à Vitry-sur-Seine [1], est dénoncé par une lettre anonyme : on trouve chez lui un exemplaire de la Vie Ouvrière, périodique de la CGT clandestine, daté de mai 1941, et deux numéros de L’Humanité. On ignore quelles ont été les suites de cette affaire. Cependant, il se marie en 1957 et décède en 1985.

Le divorce de Louis Guidou et d’Alice Kilian a été prononcé par le Tribunal de 1ère instance de Mulhouse le 15 mars 1944, peut-être faute d’avoir de ses nouvelles, car Alice se déclare comme sa femme et sous le nom de Guidou-Kilian en mai 1946 quand elle remplit le formulaire de « déclaration d’un non-rentré » ; elle est alors domiciliée à Exincourt (Doubs).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Louis Guidou (J.O. du 9-12-1994).

Notes :

[1] Orly et Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine, dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 407.
- Archives de la ville de Brest, site internet, archives en ligne : registre du recrutement militaire de l’année 1910 (1H21), matricule n° 15 (vue 10068).
- Archives départementales du Finistère (AD 29),  site internet, archives en ligne : registre matricules du recrutement militaire, classe 1910, bureau de Brest (1 R 1431), matricule 2404 (vue 641/805).
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne ; fiche de police de Louis Guidou au commissariat d’Ivry-sur-Seine.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2373 et 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1w675-20721).
- Archives nationales, correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7042.
- Archives départementale de Paris, archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : camp de Gaillon, recherches de Ginette Petiot (message 08-2012).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 384 (31466/1942).
- Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne ; registre du Block 16.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Louis Guidou (21 P 460.008), recherches de Ginette Petiot (message 09-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.