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Droits réservés.

André Girard naît le 16 avril 1906 à Allery (Somme), fils de François Girard, 45 ans, tenancier de bureau de placement (décédé au moment de l’arrestation de son fils) et Louise Leblond, 35 ans, son épouse.

André Girard travaille peut-être pendant un certain temps dans une filature.

À une date restant à préciser, il épouse Yvonne. Ils ont une fille, Yvonne, née le 21 décembre 1934.

Au moment de son arrestation, André Girard est domicilié au 43, rue de Paris à Neuilly-sur-Marne [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Le 8 mars 1937, André Girard est embauché comme ajusteur aux établissements Sanders, rue Benoît-Malon à Gentilly [2] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; usine qui fabrique des caisses enregistreuses sous licence américaine.

Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux » (R.E.R. ligne B).. L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui (2023). La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas. Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive

Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux » (R.E.R. ligne B)..
L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui (2023).
La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne
quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas.
Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive

Pendant l’occupation, cette entreprise – filiale d’un groupe franco-allemand (La Nationale Groupe) – travaille en partie pour la production de guerre de l’occupant (fabrication de compteurs).

Malgré les premières exécutions massives d’otages d’octobre 1941 – parmi lesquels nombre de militants ouvriers – le noyau syndical clandestin de l’usine poursuit la résistance sous sa forme revendicative.

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André Girard et Joseph Daniel. Sans date.
Collection Jean Daniel. Droits réservés.

Le 9 février 1942, plusieurs militants déclenchent un arrêt de travail pour protester contre le rejet du cahier de revendications qu’ils ont fait déposer par le délégué officiel du personnel quelques jours plus tôt. Ce mouvement ne dure qu’un quart d’heure. Mais le directeur de l’entreprise et son adjoint décident de prévenir le commissariat de police de secteur, implanté à Gentilly et dressent une liste de treize meneurs supposés.

Alertée, c’est la première section des Renseignements généraux (RG) de la préfecture de police qui prend en charge la répression et procède aux arrestations à l’aube du 11 février.

Deux militants, chez qui ont été trouvés divers documents liés à leur activité militante avant l’occupation, seront interrogés le lendemain par l’inspecteur David, puis, jugés et condamnés, passeront le reste de la guerre en prison et en camp (échappant ainsi paradoxalement à la mort). Deux autres sont libérés parce qu’inconnus jusque-là des RG.

Suspects d’infraction au décret du 18 novembre 1939, les neuf restants – Georges Abramovici [3], Marceau Baudu, Fernand Boussuge, Joseph Daniel, Louis Gaillanne, André Girard, Francis Joly, Frédéric Rancez et René Salé – sont écroués à 19h45 au dépôt de la préfecture de police comme “consignés administratifs”.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine. Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive. Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions  éclairaient les sous-sols du dépôt.

Le Palais de Justice de Paris vu depuis la place Dauphine.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.
Selon certains témoignages, les soupiraux situés près des statues de lions éclairaient les sous-sols du dépôt.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Gros plan de l’image ci-dessus : deux soupiraux à gauche du lion.

Le 16 avril à 7 h 30 – après être restés deux mois à la Conciergerie -, ils sont transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir).

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

André Girard est donc arrêté à son domicile ou à l’usine le matin du 11 février et conduit à la préfecture de police de Paris pour interrogatoire. Ensuite, il suit le même trajet que ses camarades. À Voves, il est enregistré sous le matricule n° 81.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule 5738 (bâtiment 5, chambre 13).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, André Girard est sélectionné – avec les sept autres ouvriers de la Sanders – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Girard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45603 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Girard est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Assigné au Block 10 A, André Girard est affecté le lendemain dans un atelier du camp, au Kommando de la serrurerie (Schlosserei).

Le 30 septembre, il est admis à l’hôpital des détenus d’Auschwitz (Block 20), en même temps que Raymond Gaudry, d’Orléans. Plus tard, il est transféré au Block 21 A.

Le 3 février 1943, il est de nouveau admis à l’hôpital du camp (KB). La cause (probablement mensongère) inscrite sur l’acte de décès est « septicémie avec phlegmon » (Sepsis bei Phlegmone).

André Girard meurt à Auschwitz le 14 février 1943, selon les registres du camp.

Peu de temps après la libération – et sans connaître le sort des disparus – le Comité d’épuration de l’usine Sanders de Gentilly est à l’initiative d’un procès qui se terminera par l’acquittement des deux membres de la direction auteurs de la dénonciation (audience du 10 mai 1946).

Après la guerre, le personnel de l’usine dédie une plaque commémorative à ses camarades morts en déportation.

En 1961, devenus “La Nationale”, les établissements Sanders déménagent pour le siège de Massy (91) sous l’intitulé N.C.R. (National Cash Register). La plaque suit le transfert de l’entreprise pour être apposée dans le hall d’entrée du restaurant du personnel. Elle y est honorée chaque année.

Pour la remplacer à Gentilly, la municipalité a apposé une nouvelle plaque à l’entrée de la rue Benoît-Malon où était située l’usine.

Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon  et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,  Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort  en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon
et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,
Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort
en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Les déportés de la Sanders ont également leurs noms gravés sur le monument de la Déportation situé dans le carré militaire du cimetière de Gentilly.

Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.  Monument aux Résistant déportés « tous combattants  de la liberté ». Photo Mémoire Vive.

Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.
Monument aux Résistant déportés « tous combattants
de la liberté ». Photo Mémoire Vive.

Notes :

[1] Neuilly-sur-Marne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Gentilly : jusqu’à la loi de juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).

[3] Georges Abramovici, né le 15 août 1914 à Paris, demeurant au 11, rue du Chaperon Vert à Gentilly, entré à la Sanders le 19 avril 1938, est un militant syndical très actif. Mais d’abord considéré comme Juif, il sera envoyé au camp de Drancy le 20 octobre, puis déporté dans un convoi du génocide le 4 novembre 1942 (transport n° 40, dont seulement un tiers des détenus entre dans le camp).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 64, 385 et 406.
- Recherches de Renée Joly aux Archives nationales.
- Archives communales de Gentilly.
- Frédéric Couderc, Les RG sous l’occupation : quand la police française traquait les résistants, Olivier Orban, Paris 1992, pages 39 à 43.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : registre d’écrou du dépôt (n° 513).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; carte de travail, registre du Block 20, acte de décès.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 348 (7946/1943).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942