IDENTIFICATION INCERTAINE Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Lucien, Albert, Frichot naît le 27 mars 1904 à Brosville, au nord d’Evreux (Eure), au domicile de Frédéric Blanchard, 30 ans, employé de la Compagnie de l’Ouest, étant le fils d’Émile Frichot, 41 ans, maçon, domicilié à Saint-Cyr-l’École (Seine-et-Oise), et de Marie Anna Schwap, 29 ans, ménagère, domiciliée (servante) chez le sieur Blanchard.

Le 4 juillet 1925, à Maisons-Alfort [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), Lucien Frichot se marie avec Simone, Gabrielle, Martin.

En 1935, il est domicilié au 31, rue des Ormes (devenue rue Arthur-Dallidet le 19-11-1944) à Maisons-Alfort.

Le 12 mai 1935, il est élu conseiller municipal communiste de Maisons-Alfort sur la liste d’Albert Vassart [2].

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Maisons-Alfort, la mairie. Carte postale oblitérée en février 1940. Coll. Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, il est toujours domicilié au 31, rue des Ormes à Maisons-Alfort d’après les listes électorales de février 1945, sur lesquelles il est déclaré comme aide d’usine (il n’a pas de famille à cette adresse à Maisons-Alfort lors du recensement de 1946).

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Maisons-Alfort, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

Le 4 ou 5 octobre 1940 au soir, Lucien Frichot est arrêté à son domicile par deux policiers français et emmené au commissariat de la circonscription de Charenton, en même temps que Georges Niquet, un ami du voisinage. Son épouse découvre dans la nuit qu’il s’agit d’une véritable arrestation et va prévenir l’épouse de Georges Niquet.

Le 16 mars 1940, il est officiellement déchu de son mandat électif par arrêté du Conseil de préfecture de la Seine.

À une date et pour un motif restant à déterminer, il semble que Lucien Frichot soit libéré… Cependant, il reste considéré comme « meneur communiste très actif ».

Le 27 juin 1941, il est appréhendé à son domicile,  « par les services du commissariat de police de la circonscription de Charenton, qui le connaissait comme poursuivant clandestinement son activité en faveur des doctrines moscoutaires », dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers : le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif. Ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant [3].

Lucien Frichot est livré aux autorités d’occupation à l’hôtel Matignon et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Lucien Frichot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45560, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Frichot.Il meurt à Auschwitz le 30 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

L’acte de décès de Lucien Frichot – sur lequel il est déclaré décédé le 14 août 1942 – est transcrit le 26 octobre 1946 sur les registres de l’état-civil de la mairie de Maisons-Alfort, avec la mention “Mort pour la France”.

Début 1949, sa veuve habite au 45 rue de Normandie à Maisons-Alfort.  En 1957, elle habite au 31, rue Eugène-Voisin à Joinville-le-Pont (94).

Notes :

[1] Maisons-Alfort : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Albert Vassart (1898-1958) : militant chevronné du Parti communiste et de la CGTU à partir de 1923, il est “parachuté” avec succès à Maisons-Alfort, dont il devient le premier maire communiste. À la suite de la signature du pacte germano-soviétique, il prend ses distances avec le PC (novembre 1940). Il est néanmoins arrêté et condamné à cinq ans de prison en tant que communiste. Mais il est libéré en septembre 1941 à la suite de démarches de Marcel Gitton et Henri Barbé (dirigeant du PC exclu en 1932). Albert Vassart adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) – collaborationniste – de Gitton et y accepte des responsabilités aux côtés d’une vingtaine d’autres anciens parlementaires et élus communistes. Il fait ensuite équipe avec Barbé et Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés bien qu’en rupture avec leur parti. Le 27 juin 1942, Albert Vassart échappe à une tentative d’élimination devant son domicile.

[3] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :

V Archives municipales de Maisons-Alfort, recherches de Madame Loubrieu.
V Témoignage Marie Ayrault, belle-fille de Georges Niquet (01-2007).
V Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 388 et 404.
V Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes, Internés administratifs du 27 juin 1941 (BA 2397) ; dossier au cabinet du préfet (1 W 615-23282).
V Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 313 (42254/1942).
V Claude Pennetier, notice sur A. Vassart dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrierfrançais, sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD-rom, version 3.61.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-05-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.