Raymond, Louis, Delorme naît le 14 mai 1900 à Fontenay-sous-Bois [1] (Seine / Val-de-marne – 94), fils d’Amédée Delorme, 33 ans, employé des Chemins de fer, et de Marie Arnaud, 26 ans, domiciliés au 8, rue de Neuilly. Raymond a – au moins – un frère, Alfred, né le 18 août 1898, et une sœur, Yvonne.
Pendant un temps, Raymond Delorme habite au lieu-dit Maubranches, à Moulin-sur-Yèvres (Cher), où il travaille comme cultivateur.
Le 18 mars 1920, il est mobilisé au 109e régiment d’infanterie. Il est détaché « à la T.O.F. » (?), au Maroc en guerre à partir du 6 octobre suivant. Le 12 novembre, il passe au 1er régiment de zouaves, à Casablanca. Le 17 mars 1921, il passe au 61e régiment de tirailleurs marocains. Le 3 mars 1922, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.Le 12 février 1925, la 5e commission de réforme de la Seine le classe réformé définitivement n°2 (cause non attribuable au service) pour une impotence du bras gauche consécutive à des brûlures du bras et de l’avant-bras gauche avec cicatrices rétractives.Raymond Delorme est célibataire. Il change souvent de domicile.En mai 1930, il habite au 124, rue Abélard à Lille (Nord). En octobre 1932, il est de retour à Fontenay-sous-Bois, au 3, rue de Rosny.
 Le 26 novembre 1931, à Bourges (Cher), il est poursuivi pour « menaces et violences par écrit » (?).
Pendant une période, Il habite à Sannois (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), peut-être chez sa sœur.

Il est maçon (dans quelle entreprise ?), adhérant « au syndicat de sa corporation », sans activité particulière. Il adhère au Parti communiste en 1936.

En 1938, il est domicilié au 6, avenue Pasteur à Montreuil-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Fin janvier 1940, il est à Fersac, près d’Angoulême (Charente), travaillant aux établissement Féron. Le 6 mars, il est de retour avenue Pasteur à Montreuil.

Mobilisé en avril, il est réformé en mai. Le 28 mai, il habite au 5, rue Balzac à Fontenay. Au moment de son arrestation, il est domicilié au 254, boulevard Théophile-Sueur à Montreuil.

Sous l’occupation, il participe à l’activité d’un groupe clandestin diffusant de la propagande sur Montreuil et Fontenay-sous-Bois. Il est au chômage.

Le 5 juillet 1941, Raymond Delorme est arrêté, en même temps que Just Gadebois, tourneur mécanicien de 55 ans, par des policiers du commissariat de la circonscription de Montreuil pour « détention de plusieurs centaines de tracts communistes ». Le jour même, inculpés d’infraction au décret du 26-09-1939 (dissolution et interdiction du PC), ils sont conduits au Dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Deux jours plus tard, le 7 juillet, la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine condamne Raymond Delorme à six mois d’emprisonnement. Pendant un temps, il est écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.  Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive

Au cours du mois de novembre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise onze notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 22 novembre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police à Paris, direction des services de Renseignements généraux. Le 1er décembre, le préfet de police écrit au directeur de la prison pour lui demander, quelle que soit la décision des autorités allemandes à leur égard, de maintenir en prison treize détenus qui seront internés administrativement en application du décret du 18 novembre 1939.

À l’expiration de sa peine, le 28 décembre, Raymond Delorme n’est donc pas libéré.

Le 13 février 1942, il est dans un groupe de vingt-quatre « militants communistes » – pour moitié, futurs “45000” – transférés au Dépôt par les services de M. Labaume, directeur des Renseignements généraux. Le 26 mars, la préfecture officialise la situation en signant l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 22 mars, il est prévu que Raymond Delorme soit conduit à l’hôpital Saint-Louis pour cystite. Transféré à l’infirmerie de la Maison d’arrêt de Fresnes, il réintègre le Dépôt le 3 avril.

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 96.

Le 10 mai, Raymond Delorme fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Delorme est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raymond Delorme est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45446 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Raymond Delorme est dans la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block n° 4.

Il meurt à Auschwitz le 19 décembre 1942, d’après les registres du camp.

Le 16 juillet 1942, l’administration militaire allemande du camp de Royallieu a envoyé une carte-formulaire à Yvonne Murian, sœur de Raymond Delorme, domiciliée au 25, rue Georges Clémenceau, à Sannois (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).

Le 5 octobre 1945, Madame Murian remplit un formulaire de demande de recherche pour déporté à en-tête du ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés, direction de la captivité. Le 30 octobre, à Versailles, elle se présente au Comité départemental de Seine-et-Oise de la Fédération nationale des centres d’entraide et d’accueil des internés et déportés politiques, non pas tant pour obtenir un certificat de déporté politique, mais plutôt pour savoir ce qu’est devenu son frère « ou, en cas de décès, un avis officiel lui permettant des toucher les primes auxquelles elle pourrait prétendre ». Elle indique que Raymond Delorme aurait quitté le camp de Compiègne vers le 11 septembre 1942, ce qui est probablement la date à laquelle elle a reçu la carte-formulaire. Le 21 février 1946, elle écrit au président du comité départemental pour préciser ce qu’elle sait du trajet en détention de son frère : prison de Poissy, camps de Voves et de Compiègne, « de là transporté vers une destination inconnue ». Elle joint à ce courrier deux documents reçus de l’administration militaire du Fronstalag 122 – la carte formulaire et un certificat de présence établit le 25 mai 1942 -, ainsi qu’une photographie en pied et en uniforme de son frère. Sans que l’on en sache la raison, elle arrête ici ses démarches, notamment en ne déposant pas de demande d’attribution de titre de déporté, politique ou résistant, au nom de son frère.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 390 et 401.
- Archives municipales de Fontenay-sous-Bois (acte de naissance ; sans mention !) ; recherches de Madame Cluzel.
- Archives départementales du Val-de-Marne, site internet, archives en ligne ; registre des naissances de Fontenay-sous-Bois, années 1897-1898 (1 MI 2623 1), année 1898, acte n° 90 (vue 68/82), pour son frère Alfred, Gaston.
- Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire, classe 1920, 4e bureau de recrutement de la Seine, volume 4501-5000 (D4R1 2216), matricule 4829.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande, ”camps d’internement…” (BA 2374) ; dossiers individuels des RG (carton 77w71), dossier de Delorme Raymond (91.538).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; page du registre du Block 4.
- Direction des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, documents concernant Raymond Delorme (sans dossier numéroté !), recherches de Ginette Petiot (messages 09-2012 et 06-2016).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-12-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Fontenay-sous-Bois et Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).