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Arsène, Joseph, Dautréaux naît le 12 décembre 1901 à Tourcoing (Nord – 59), chez ses parents, Henri Alphonse Dautréaux, 26 ans, « employé au chemin de fer » (du Nord), et Angèle Harlein, 25 ans, son épouse, domiciliés rue du Beau-Laurier. Arsène – au moins – deux frères : Hervé, et Jules Raymond, lequel naît le 3 mars 1903, quand leurs parents sont domiciliés rue de Rouen.

Après la mobilisation générale d’août 1914, leur père est « considéré comme appelé sous les drapeaux et maintenu à son emploi du temps de paix au titre des sections de chemin de fer de campagne ».

Arsène Dautréaux effectue son service armé au 11e régiment d’aviation de Metz (durant 25 mois).

Pendant un temps, il habite chez ses parents au 4, rue de Lille à Saint-Amand (59) [1].

Le 18 août 1923 à Hasnon (59), il se marie avec Émilia Marie Legrand, née le 30 janvier 1903 à Tilloy (59) et habitant jusque-là à Hasnon avec ses parents. Leur premier fils, André Henri, naît le 2 juin 1924 à Hasnon.

Le 31 janvier 1925, à Saint-Amand, son frère Jules Raymond, 21 ans, employé – habitant encore chez leurs parents, rue de Lille à Saint-Amand -, se marie avec Jeanne Delrive, 19 ans : Arsène, toujours domicilié à Hasnon, est son témoin.

Arsène Dautréaux est sidérurgiste de profession (?).

Homécourt. L’usine derrière le centre-ville. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Homécourt. L’usine derrière le centre-ville. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

C’est un militant syndical, très actif au sein de la CGT. Amené à choisir entre son métier et ses activités syndicales, il quitte l’usine d’Homécourt en 1934. Il travaille ensuite à La Maison du Vin à Auboué.

En 1935, il est secrétaire du Syndicat confédéré des Métaux. Il participe à la constitution des syndicats CGT du secteur d’Auboué, de celui de la SOciété Lorraine de Produits Alimentaires (Solpa, fabrique de conserves de viande et salaisons) à Homécourt et, en 1936, de celui du Bâtiment à Homécourt et dans les environs.

En 1935 et 1937, il est trésorier de l’Union locale CGT de Jœuf-Homécourt et de ses environs.

Sur le plan politique, il est adhérent au Parti socialiste, vice-président de la section de Briey de la Ligue des droits de l’Homme.

En 1936, et  jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au Café de l’Hôtel-de-Ville, au 3, rue Clémenceau à Homécourt (54), dont son épouse est gérante (débitante, « Patron ! ») ; en 1936, lui est comptable chez Lagier, à Auboué. Après son arrestation, il sera déclaré comme « comptable puis gérant d’un groupement d’achat à Homécourt ».

Selon une liste manuscrite de 44 internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, Arsène Dautréaux “démissionne” de son syndicat, à la fin 1937, « en tant que dirigeant et membre cotisant ».

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”. [2]

Le 20 février 1942, Arsène Dautréaux est arrêté comme otage ; selon leurs critères sans nuance, les autorités allemandes assimilent son militantisme syndical à la CGT à un engagement communiste. Le jour-même, il fait partie d’un groupe de quatorze otages envoyés au camp d’Écrouves pour « n’y rester que quelques jours avant d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » (rapport du préfet de la région de Nancy).

Le 2 mars, Arsène Dautréaux est transféré à Nancy (pour interrogatoire ?) avant d’être dirigé sur le camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Alors que celui-ci traverse le département de l’Aisne, Arsène Dautréaux parvient à jeter sur la voie un message écrit sur des feuilles de carnet et qui sera posté à sa famille [3]. Il indique qu’Amadéo Cavalli et Louis Armand, de Jœuf, sont dans le même wagon que lui.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Arsène Dautréaux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45428 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Arsène Dautréaux.

Il meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts d’Homécourt (avec la date erronée « 15-07-1943 » ?).

Des treize déportés “45000” de la commune, seul Jacques Jung est revenu.

Notes :

[1] Saint-Amand est officiellement renommée Saint-Amand-les-Eaux par décret en mai 1962.

[2] http://www.memoirevive.org/laffaire-dauboue/

[3] Message jeté du convoi par Arsène Dautréaux, tentative de transcription à partir d’une copie transmise par Danielle Cavalli :

Dans le train le lundi 6 juillet

Ma chère petite Mérecy (?)

Nous sommes parti ce matin du camp environ 1200 pour une destination inconnue. Nous sommes parqués comme des harengs dans des wagons à bestiaux, parque sans (illisible)

(…) … colis précédents. Nous avons (tous ?) laissé une partie de nos affaires et notre rabiot de vivres au camp. J’en ai fait un gros colis à ton adresse et j’espère qu’il te sera retourné un de ces jours. On m’a pris aussi l’argent qui me restait et on ne m’a pas payé le mandat de 500 frs que tu m’as envoyé au début du mois. Cet argent te sera aussi retourné (peut-être ?).

…/…

Nous n’avons aucune idée de notre destination définitive, on parle de Prusse orientale, de Haute-Silésie, mais personne ne sait où nous allons. J’essaierais de te renseigner aussitôt que je le pourrais, mais maintenant il n’y a plus d’espoir de libération. Il faut (espérer ?) la fin de la guerre (illisible)

(…) sans avoir été interrogé une seule fois. Il y a eu des commissions qui ont siégé, elles ont été suivies d’un certain nombre de libérations, en grande partie des militants communistes. Voss lui-même n’est pas déporté, il reste au camp. Tu vois bien qu’on ne peut rien comprendre dans tout ceci et j’ai l’impression que j’ai dû être (rudement ?) pistonné.

…/…

Dubois est (illisible) dans le train (mais ?) pas dans le même wagon (illisible) (…) partir du même (…) Avec moi dans (mon wagon ?) Cavalli et Armand (illisible) Je mets (illisible) dans cette lettre que je jette (par ?) une fente du wagon. (suite illisible)

Une autre main a ajouté le message suivant : Trouvée et mise à la poste quelque part dans l’Aisne. Vous donnerons nouvelles ultérieurement. Bonjour Madame et bon courage.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 62, 74, 368 et 400.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117, note page 172.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cotes W1304/23 et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Raymond Falsetti, amicale des familles de déportés d’Homécourt (exposition et dossier).
- Association Mémoire du Pays de l’Orne, bulletin Pagus Orniensis n°10, page 26.
- Photocopie de son dernier message, transmise par Danielle Cavalli, fille d’Amadeo Cavalli.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 214 (32327/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Philippe Dezerville (01-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-12-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.