JPEG - 78.4 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Edmond, Marius, Barbier naît le 20 décembre 1900 à Verzenay (Marne), au domicile de ses parents, Eugène Barbier, 37 ans, vigneron, et Eugénie Bouvin, son épouse, 36 ans, vigneronne, demeurant rue du Paradis.

En novembre 1932 et jusqu’au moment de son arrestation, Marius Barbier est domicilié au 92-94, avenue des Rosiers à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Déclaré comme manœuvre, il est alors au chômage.

Le 11 novembre de cette année, dans l’après-midi, alors qu’il écrit à la craie « À bas la guerre » sur les murs de la Faculté de Lettres, il est appréhendé par des gardiens de la paix et conduit au poste de police de la rue de la Huchette ; affaire qui n’a probablement pas de suite…

Militant communiste, responsable du Comité de Défense de L’Humanité local, il vend le journal sur la voie publique.

Le 2 mars 1936, Marius Barbier, alors commis de mairie (depuis environ trois ans), dépose au Parquet du Tribunal de 1ère instance de la Seine une déclaration de gérance de La Vie Nouvelle, mensuel ronéotypé à l’adresse de son domicile. Selon le rapport de police demandé par le procureur, il est alors marié.

Pendant la guerre d’Espagne, il s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Vers novembre 1938, il quitte le Parti communiste « pour raison de santé », ce qui lui vaut la désapprobation, voire la suspicion de ses camarades. Il n’entretient plus aucune relation avec eux et n’a plus d’activité politique. À l’hôpital franco-musulman de Bobigny, il est soigné pour des rhumatismes polyarticulaires d’origine indéterminée (en 1937 – en Espagne ? -, il a fait une grave crise de sciatique du côté droit).

Fin août 1940, il est démobilisé et reprend son emploi de commis aux écritures à la mairie de Bobigny (93).

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « Meneur communiste très actif, ancien combattant dans les Brigades internationales en Espagne, élément dangereux ».

Fin octobre, il est convoqué par le commissaire de police de la circonscription de Saint-Ouen qui lui signifie que si les propagandistes communistes ne sont pas arrêtés, il pourrait très bien l’être à leur place, comme ancien militant.

À la mi-décembre, des inspecteurs de la police judiciaire se présentent à son domicile pour l’arrêter, mais il est déjà parti à son travail.

Le 3 janvier 1941 – date qui est probablement celle de son arrestation – le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 (le 25 janvier, il en informera le préfet de la Seine).

Dès le 6 janvier, trois jours plus tard, Marius Barbier écrit une longue lettre au Procureur de la République (qui n’a pas décidé son arrestation) expliquant son abandon de toute activité politique depuis novembre 1938 : « … encore tout dernièrement, en octobre, j’ai dû arrêter mon travail pour une douleur aigüe à l’épaule droite […] je n’étais pas assez sot pour ne pas faire passer ma santé avant même la politique […] il vous sera possible de vérifier mes dires soit à la mairie de Bobigny, dans mon entourage. Et vous verrez chez moi, si vous voulez faire une enquête, des haltères d’entrainement et un appareil à massage électrique, la culture physique étant ce qui me réussit le mieux. C’est tout un matériel d’un certain prix que je n’ai pas acheté, croyez bien, pour me constituer un alibi. […] N’est-il pas possible de rapporter une sanction qui, pour le moins, est injuste à tous les égards… »

Le 17 janvier, Marius Barbier fait partie d’un groupe de 24 militants communistes conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Pendant un temps, il est assigné à la chambre n° 46.

JPEG - 243.8 ko
Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.

En juin 1941, le bureau de censure de l’administration du camp intercepte la lettre datée du 11 juin qu’adresse à Marius Barbier un jeune ami de Saint-Ouen surnommé « Coco », lequel a précédemment reçu plusieurs lettres de lui et s’apprête à lui envoyer un colis de nourriture. Marius Barbier ayant fait état à plusieurs reprises de bruits courants à Aincourt sur « leur » libération, son correspondant lui rapporte les propos récemment tenus à la radio par l’amiral Darlan, approuvant la guerre aux communistes : « C’est de leur faute si nous en sommes à ce point-là et c’est aussi de leur faute si nous y resterons » [sic].

Le 6 septembre 1941, Marius Barbier est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 9 février 1942, Marius Barbier est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marius Barbier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45197, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Marius Barbier se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Marius Barbier.

Il meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2].

Son nom est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Bobigny et dédiée par la section syndicale du personnel « à la mémoire des employés communaux morts en déportation, victimes du militarisme allemand ».

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

JPEG - 246.5 ko
Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen
et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30-06-1987).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 394.
- Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Verzenay, année 1900, vue 170/173, acte n° 58.
- Association Arbre, marne-archives.com (n°3798).
- Daniel Grason, site Le Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, citant notamment Arch. PPo. BA 2113 BA 2114 ; Arch. Mun. Saint-Ouen. – État civil.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel des RG (1 W 1292-67370).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, dossier individuel (1W87).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 52 (34128/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Bobigny, relevé de Frédéric Charlatte (11-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-08-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Marius Barbier, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.