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Droits réservés.

Paul, Henri, Bailly naît le 27 janvier 1920 à Châtellerault (Vienne – 86), chez ses parents, Henri Émilien Bailly, 27 ans, ébéniste à la Manufacture, et Maria Désirée Émilie Gidoin, 28 ans, lingère, son épouse, domiciliés au 41 rue de la Tranchée. 1921, vue 276/299 ; pas en 1911 Mais sa mère décède à leur domicile dès le 5 février suivant.

Le 5 octobre 1927, Paul Bailly, 7 ans, est adopté par la Nation par jugement du tribunal civil de la (Saône ?).
Son père, devenu armurier et domicilié faubourg Saint-Jacques, décède 23 avril 1929, âgé de 36 ans.

Orphelin, il est élevé par Monsieur et Madame Richard, employés des PTT.

Au moment de son arrestation, Paul Bailly est domicilié au 18, rue Aglophile-Fradin à Châtellerault, il est célibataire.

Paul Bailly est peintre en bâtiment.

Membre des Jeunesses communistes, il devient le responsable à la propagande du “rayon” de Châtellerault.

Pendant l’occupation, il fait partie du triangle de direction clandestine des Jeunesses communistes avec Jacques Moron et Marcel Pilorget. Il participe notamment à l’inscription de mots d’ordre sur le pont Henri IV pour le 1er mai 1941.

JPEG - 133.2 ko Châtellerault. Le pont Henry IV. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

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Châtellerault. Le pont Henry IV. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 23 juin 1941, dans la matinée, un agent subalterne du commissaire de police spéciale de la Sûreté nationale à Châtellerault reçoit l’ordre du capitaine de la Kommandantur dans cette ville de lui communiquer une liste de membres connus du parti communiste local. Il refuse et en informe le sous-préfet de Châtellerault. Au début de l’après-midi, le commissaire spécial lui-même reçoit cet ordre par écrit. Il en réfère alors au sous-préfet, qui se met immédiatement en communication avec le préfet de la Vienne, auquel il donne les noms figurant sur une liste de dirigeants du PC avant l’interdiction, établie par un inspecteur de la Sûreté le 28 mai. Le préfet autorise finalement la communication de ces noms aux autorités occupantes. Le commandant de la section de gendarmerie de Châtellerault est alors impliqué dans les opérations : « … à 15 h 30, les autorités allemandes, par l’intermédiaire du commissaire de police, donnent l’ordre de mettre à leur disposition, et pour 16 h 15, sept gendarmes. La mission donnée était d’inviter (sic) des personnes dont les autorités d’occupation avaient la liste à se présenter à la Feldgendarmerie. »

Dans la soirée, Paul Bailly est arrêté par des Feldgendarmes et des policiers et gendarmes français. Le commandant de gendarmerie rendra compte : « À 22 h 30, une quinzaine de personnes retenues parmi celles qui s’étaient présentées (re-sic) à la Feldgendarmerie étaient transportées dans deux voitures cellulaires vers un destination inconnue. » Ils sont conduits au camp de la Chauvinerie, à Poitiers, caserne réquisitionnée par l’occupant (selon Maurice Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne [1] ; 28 sont conduits à la Chauvinerie, 14 seront des “45000”).

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Poitiers. L’entrée du quartier (caserne) de la Chauvinerie dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, Paul Bailly fait partie d’un groupe de détenus embarqués à la gare de Poitiers pour être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1192. Selon Raymond Montégut, Paul Bailly est assigné au bâtiment A4 et en décore le couloir pour les fêtes de Noël 1941.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 1er avril 1942, le préfet délégué de la Vienne signe une « liste nominative des personnes originaires du département de la Vienne internées au camp de Compiègne » – soit 26 militants communistes repérés par la police avant-guerre – et portant avis sur leur maintien ou non en détention. Pour 22 d’entre eux, la conclusion est : « Son maintien au camp ne semble pas nécessaire ». Concernant Paul Bailly, cet avis est motivé comme suit, reprenant une courte note du commissaire de Police de Châtellerault : « … membre des jeunesses communistes. N’avait aucune influence. Depuis la dissolution du parti communiste, il n’a fait preuve d’aucune activité politique. »

Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Baillyest sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Paul Bailly est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45091 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Paul Bailly est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 16 octobre, il est inscrit sur un registre du Block 21 (chirurgie) de l’ “hôpital” (Revier, HKB) d’Auschwitz. Raymond Montégut lui apporte des cigarettes au Revier peu de temps avant « son départ pour la chambre à gaz ».

Paul Bailly meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp. Il a 22 ans.

Le nom de Paul Bailly est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie en « Hommage aux victimes de la guerre 1939-1945 de la commune de Châtellerault ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 11-01-2006).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), créé à cette occasion pour la détention des “ennemis actifs du Reich” sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui partiront dans le convoi du 6 juillet 1942.

Sources :
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 379 et 394.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : Témoignage de Marcel Couradeau – Correspondance de Maurice Rideau (2-10-1971) – Correspondance de Raymond Montégut (à Roger Arnould, 27-11-1972) – Correspondance de Michel Bloch, historien (9-1 et 11-2-1973) – Correspondance d’Émile Lecointre, résistant, déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943, responsable de la FNDIRP jusqu’en 1983 (23-2-1989) – Liste des jeunes communistes de Compiègne susceptibles d’être déportés, après l’avis d’Otto von Stülpnagel du 14 décembre 1941 (CDJC).
- Raymond Montégut (45892), Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, Ury (77), page 246.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 40 (38354/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Site Mémorial GenWeb, 86-Châtellerault, relevé de Monique Ingé (2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.