Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Raoul Émile Aubertel naît le 13 décembre 1899 à Dizy-Magenta [1], au nord d’Épernay (Marne – 51), fils de Paul Émile Alexandre Aubertel, 32 ans, caviste, et de Anna Rosa Gillet, 34 ans, son épouse, journalière, domiciliés au lieu dit La Briqueterie.

Raoul Aubertel commence à travailler comme « domestique de culture » (degré d’instruction 2).

Le 17 avril 1918, il est appelé à l’activité militaire au 131e régiment d’infanterie. Le 19 août 1919, il passe au régiment de Sapeurs pompiers de Paris. Le 24 juin 1920, il passe au 1er régiment du Génie. Le 20 mai, il passe au DAHL (?) à Avignon. Le 25 juin, il est dirigé sur Marseille. Le 27 juin, il débarque à Beyrouth (Liban) – au « Levant en guerre » -, affecté à une unité du Génie. Le 21 décembre, il passe « pour organisation » à la 8e compagnie du 23e bataillon. Le 24 juin, il passe au 19e bataillon du Génie. Le 29 avril 1921, au 10e régiment du Génie. Le 13 mars suivant (sic), il est renvoyé dans ses foyers, et se retire à Dizy, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En février 1929, il loge chez Jules Lavallée, cultivateur, et sa sœur Augustine dans le petit village rural – 39 habitants – de Gellenoncourt (Meurthe-et-Moselle – 54). En octobre 1931 et jusqu’en 1935, il habite la courte rue du Colonel Driant à Varangeville (54).

En juin 1938, il habite au 7 rue du Buisson à Saulnes, entre Orne et Moselle, près de Gandrange, au sud de Thionville et à l’est de l’agglomération de Longwy (54).

Au moment de son arrestation, il est toujours domicilié à Saulnes.

Il est marié, sans enfant.

Raoul Aubertel est ouvrier mineur à la mine de fer de Saulnes, appartenant aux Raty, dynastie lorraine de Maîtres de Forges possédant également une usine sidérurgique, la Société des Hauts Fourneaux de Saulnes, produisant de la fonte.

Selon une liste manuscrite de quarante-quatre internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, Raoul Aubertel – sans être adhérent du Parti communiste – reste syndiqué après l’automne 1939, période de scissions au sein de la CGT.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 17 février 1942, Raoul Aubertel est arrêté par la Feldgendarmerie. Son nom figure – n°31 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandantur) de Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes.

Le 23 février, il fait partie des vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Raoul Aubertel est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raoul Aubertel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45182 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raoul Aubertel.

Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] Dizy : par décrets des 28 juillet 1881 et 4 septembre 1881, Dizy-sur-Marne (ou Dizy-la-Rivière) prend le nom de Dizy-Magenta. Par arrêté du 19 décembre 1964, Dizy-Magenta prend le nom de Dizy, Magenta étant créée commune distincte.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 368 et 393.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, page 247, 346.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, cotes W1304/23 et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 35 (24725/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.