Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gabriel Maisonneuve naît le 14 avril 1909 à Colombes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Jean Maisonneuve, 27 ans, passementier, et Ernestine Launois, 26 ans, blanchisseuse, domiciliés au 28, rue du Progrès.

De la classe 1929, Gabriel Maisonneuve effectue son service militaire dans l’artillerie (« 75 » ?).

Il est polisseur sur métaux (ou ouvrier du Bâtiment, selon une source).

Le 31 janvier 1931 à Courbevoie [1] (92), il se marie avec Madeleine Viry, née le 3 février 1913. Ils ont un fils, Maurice, né le 3 mai 1931. Mais le couple sera séparé en 1937, le garçon étant confié à sa grand-mère (domiciliée au 4, rue Kleber ?).

Gabriel Maisonneuve adhère au syndicat CGT en 1936 et au Parti communiste en 1937. Responsable de la « littérature » (politique), il milite au sein d’un Comité de défense de L’Humanité (CDH). Il habite alors au 8, rue du Vieux-pont à Courbevoie.

Pendant la guerre d’Espagne, il s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Arrivé le 11 novembre 1937, il est incorporé le 22 novembre à la 14e brigade, dans le 53e bataillon. Engagé sur le front, il combat dans le secteur de Valdemorillo (province de Madrid), à 25 kilomètres à l’est de l’ex-capitale (le gouvernement républicain est alors installé à Valence).

Le 20 mai 1938, son nom est inscrit parmi les rapatriés sur une « liste de camarades permissionnaires ».

Au moment de son arrestation, Gabriel Maisonneuve est domicilié au 15, rue de l’Industrie ou au 177, boulevard Saint-Denis à Courbevoie.

Sous l’occupation, la police française (RG) le considère comme un « militant actif et propagandiste notoire ».

Le 5 octobre 1940, Gabriel Maisonneuve est appréhendé par la police française lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Gabriel Maisonneuve travaille à la blanchisserie du camp.

En février 1941, alors que les autorités françaises envisagent le transfert de 400 détenus d’Aincourt vers « un camp stationné en Afrique du Nord », le docteur du centre dresse trois listes d’internés inaptes. Gabriel Maisonneuve figure sur celle des internés « non susceptibles absolus » en raison de « R A A » (abréviation à éclaircir).

Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Gabriel Maisonneuve, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné est un « communiste certain dont l’internement n’a pas modifié les opinions », lui reconnaissant une « attitude correcte » mais ajoutant à sa charge : « a écrit des lettres agressives ».

Le 26 avril 1942 – après 19 mois à Aincourt -, Gabriel Maisonneuve fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir) ; matricule 189.

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Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5707.

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Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué
par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Gabriel Maisonneuve est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gabriel Maisonneuve est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45817 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gabriel Maisonneuve est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Il est assigné au Block 16A avec d’autres “45000”.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Il meurt à Auschwitz le 12 septembre 1942, d’après les registres du camp [2].

Homologué comme “Déporté politique”, son nom figure sur la plaque commémorative en Mairie de Courbevoie.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-08-1994).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Témoignage de Fernand Devaux – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national), acte de décès (3/10/1946) – Archives municipales de Courbevoie (liste des déportés de Courbevoie, cérémonie commémorative) – Liste (incomplète) du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 382 et 412.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne, registre des naissances de Colombes, année 1909 (cote E NUM COL N1909), acte n° 162 (vue 42/134).
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI) ; Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobine cote Mfm 880/47 (545.2.112) ; Liste relevée dans les archives de Moscou, 545.6.452 ; recherche de Ramon Chicharro, de l’Acer.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande” : BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w77, 1w137 (notice individuelle).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 761 (30403/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, copie partielle (lettre “M”) d’un registre des détenus du Block 16, transmis par Sylvie Muller, petite-fille d’Alphonse Mérot, de Chalon-sur-Saône (71).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-11-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Colombes et Courbevoie : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Gabriel Maisonneuve, c’est 8 août 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.